L’identité du club. Ses enjeux financiers. L’image qu’il projette. Les ponts à rebâtir avec ses partisans. Et avec la communauté des affaires. Gabriel Gervais n’est président du CF Montréal que depuis quelques jours et déjà, sa pile de dossiers est haute comme la tour du Stade olympique.

La Presse l’a rencontré virtuellement – sixième vague oblige – quelques jours après son entrée en poste.

D’entrée de jeu, on lui demande lesquels de ses chantiers sont prioritaires. Très rapidement, il mentionne celui de la prolongation de contrat de son directeur sportif, Olivier Renard.

« J’ai de bonnes discussions avec lui, affirme Gervais, sur un ton posé et calme qu’il gardera tout au long de l’entrevue. Il fait partie des plans à long terme du club. »

« Il y avait des pourparlers déjà en cours avant mon arrivée », ajoute le président. « L’intention des propriétaires, c’est de le garder à long terme. On veut trouver une bonne structure, un bon arrangement pour lui et sa famille. […] Il croit en notre projet, il croit en notre philosophie. Il veut rester avec nous. »

La chronique d'Alexandre Pratt : Ce qui changera au CF Montréal

« S’attacher » à l’équipe

Ce qui confirme donc que l’idéologie actuelle du club est là pour de bon.

Alors parlons-en, de cette philosophie.

Le CF Montréal se veut un club formateur. C’est le projet proposé par Renard depuis son arrivée en poste, en 2019. C’est en phase avec ce que présente l’entraîneur-chef Wilfried Nancy sur le terrain, en faisant jouer les jeunes de l’organisation et les produits locaux. Le but est de les développer et de potentiellement les revendre à fort prix plus tard.

C’est un modèle d’affaires que l’on voit généralement dans les clubs de moins grande envergure, partout dans le monde. C’est un peu le cas du CF Montréal en MLS.

Le club de Joey Saputo est à la traîne, financièrement, si on le compare à plusieurs de ses rivaux. On n’arrive pas à remplir le stade Saputo. Le prix des billets est parmi les plus bas du circuit Garber. Vous avez l’embarras du choix si vous cherchez une loge d’entreprise ou des abonnements de saison. Malgré tout, Gervais assure que la MLS n’aide pas financièrement le CF Montréal actuellement.

On entend souvent que le onze montréalais doit attirer des vedettes pour faire de même avec ses partisans. Le nouveau président fait valoir que « s’il y a une bonne opportunité pour améliorer l’équipe », dans les paramètres de sa philosophie, elle « ne se gênera pas pour le faire ».

Mais l’acquisition d’une grande vedette « n’assure pas nécessairement qu’on va être mieux placé financièrement », nuance-t-il.

L’ancien défenseur de l’Impact se réfère à une période charnière dans l’histoire du club : son rachat par Joey Saputo, Hydro-Québec et le gouvernement provincial en 2002 pour le sauver de la faillite.

« Au point de vue de la philosophie du club, moi, je suis parfaitement d’accord avec ça, explique Gervais. Personnellement, quand je suis arrivé au club, c’était en 2002 et on le rebâtissait. […] Il y avait des jeunes comme Patrick Leduc, Antonio Ribeiro et moi. Il y avait Mauro [Biello] et Nick [de Santis] qui étaient déjà plus établis. Il y avait Nevio Pizzolitto, Adam Braz, Jason di Tullio. On était vraiment des joueurs d’ici.

« Si vous regardez la photo de l’équipe championne de 2004, vous allez reconnaître plusieurs visages montréalais. Et la communauté s’identifie à eux. Avec notre diversité, je crois fortement que la communauté veut et va s’attacher à notre équipe, et va venir nous encourager. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Gervais (à droite) et ses coéquipiers de l’Impact de Montréal célèbrent leur championnat en 2004.

« Il faut que les gens parlent de nous »

Gervais est conscient que la performance sur le terrain a « un grand impact sur l’intérêt » des gens.

Mais au-delà des succès sur les pelouses de la MLS, il y a l’image que l’équipe projette. Et celle-ci passe inévitablement par les départements du marketing et des communications. Ce dossier est prioritaire pour le nouveau président du CF Montréal. Il l’a abordé à plusieurs reprises lors de son entretien avec La Presse.

Il faut « qu’on soit plus dans le marché, dans les yeux de nos clients », indique Gervais. « Il y a beaucoup de choses qui passent par les réseaux sociaux. »

L’administration précédente, présidée par Kevin Gilmore, avait divisé les deux départements. Les volets site web, Twitter, Facebook et vidéos avaient été placés sous la tutelle du marketing. Ce qui causait des problèmes sur le plan des communications. Et des frictions à l’interne.

Gervais veut maintenant une « stratégie globale » pour ces deux volets.

« On veut absolument pouvoir remplir le stade. Mais il faut que les gens parlent de nous. De notre équipe. De nos performances sur le terrain. De nos joueurs. La moitié de nos joueurs, ce sont des Québécois. Des jeunes qui ont grandi à travers notre académie. On a potentiellement cinq joueurs qui vont aller à la Coupe du monde. Je rentre ici, et je trouve qu’on pourrait faire beaucoup plus de travail pour [augmenter] l’engouement envers notre équipe. »

« Un attachement personnel » avec les Ultras

Qui dit marketing dit identité. Une question toujours au premier plan, malgré les déclarations répétées, par le président et par son propriétaire, voulant que le nom « CF Montréal » soit irrévocable.

Lors de la conférence de presse ayant suivi l’annonce de sa nomination, Gervais a affirmé que des « réflexions » étaient en cours à propos du logo de l’équipe.

Quelques jours après son entrée en poste, le nouveau président ne peut encore détailler sa vision sur ce plan. Mais il peut parler des embûches pour s’y rendre.

« Le changement d’identité visuelle n’est pas simple à faire. Vous devez comprendre qu’il faut travailler de concert avec la MLS, qui a les droits sur l’image globalement. Ce n’est pas quelque chose qui peut être fait du jour au lendemain. Toute réflexion doit être faite main dans la main avec la ligue. »

Le club a donc déjà fait des ajustements à sa portée. Le bleu original de l’Impact est de retour dans l’image de marque de l’équipe et dans ses communications. On a basé une campagne de marketing sur « Allez, allez, allez », chant bien reconnaissable qui retentit au stade Saputo.

Et on veut bâtir des ponts avec les Ultras, farouches opposants au rebranding de leur Impact. Ils sont les « bienvenus », dit Gervais.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Les Ultras sont des farouches opposants au rebranding de leur Impact.

« J’espère qu’ils vont revenir. C’est dans mes intentions de les rencontrer, et de bien les comprendre. »

Gervais dit avoir un « attachement personnel » à ce groupe de supporteurs.

« Je me souviens d’eux. Ils ont commencé en 2002, ils étaient peut-être une dizaine. Après, ils ont grossi. Ils nous accompagnaient à Toronto, à Rochester, et bien sûr à nos matchs au centre Claude-Robillard. »

Je ne sais pas qui est encore là, si le fondateur y est encore. J’aimerais leur parler, mais je n’ai pas eu la chance de le faire encore. C’est dans mes plans. Je veux qu’ils soient au stade.

Gabriel Gervais

L’idée, proposée notamment par Joey Saputo en conférence de presse il y a deux semaines, est « d’unifier » les groupes de partisans dans une seule et même section. Des tribunes qui pourraient être baptisées « les Gradins Impact », proposait même le propriétaire.

La position des Ultras est qu’ils ne reviendront pas tant qu’il n’y aura pas un retour au nom « Impact » dans l’appellation du club. Gervais souhaite quant à lui avoir un « dialogue ouvert ».

« Dans une réconciliation, si on peut l’appeler ainsi, tout le monde doit mettre de l’eau dans son vin.

« J’espère qu’on va pouvoir collaborer en incorporant l’Impact de différentes façons. Que ce soit ici au Stade, que ce soit à l’académie, que ce soit ailleurs dans les activités du club. »

Du soccer féminin à l’académie ?

Avant de le laisser vaquer à ses occupations, on relance Gervais sur une affirmation de son prédécesseur datant de mai 2021. Gilmore affirmait alors que le CF Montréal souhaitait instaurer un volet féminin à son académie.

« Oui », il y a un intérêt de la famille Saputo pour aider au « développement » du soccer féminin. « Non », on ne songe pas « pour l’instant » à se lancer dans l’aventure professionnelle.

Gervais se réfère à la « mission » du club, qui est de « développer de façon générale le soccer au Québec ».

« Que ce soit les femmes, les hommes, les filles, les garçons, c’est quelque chose que je vais regarder très attentivement ».