(Toronto) Il y aura les joueurs sur le terrain. Mais il y aura aussi tous ces partisans, dans les gradins et à travers le pays. Ce match du Canada contre la Jamaïque en qualifications pour la Coupe du monde, il porte une charge historique et émotionnelle qui va bien au-delà du résultat final.

La sélection canadienne de soccer tentera une nouvelle fois de confirmer sa qualification pour le Qatar, ce dimanche, au BMO Field de Toronto. Elle avait subi sa première défaite en 12 matchs dans l’Octogonale de la CONCACAF jeudi au Costa Rica.

« On va gagner, c’est tout, a assuré le milieu de terrain Stephen Eustáquio, samedi soir aux abords du terrain. Si on gagne, on garantit notre première place, et c’est ce qu’on recherche. »

L’entraînement venait de se terminer sur la pelouse du Toronto FC. On avait fait jouer la musique de Drake dans les haut-parleurs de l’enceinte, du moins pendant la période d’échauffement ouverte aux médias. Il faisait un temps froid et maussade, rendu pire par un misérable crachin. Les tondeurs de gazon s’exécutaient derrière nos interlocuteurs et rendaient difficiles la compréhension de leurs propos.

John Herdman se plaignait de la température avec le sourire en se présentant devant l’important contingent de journalistes venus à la rencontre de son équipe. Mais il est rapidement passé à autre chose, de la même façon dont il espère voir ses hommes répondre de leur première défaite.

« [Vendredi et samedi], il fallait reconnaître les leçons de ce qui s’est passé au Costa Rica, a commenté le sélectionneur. Selon moi, c’était une performance dont on pouvait être fiers. Mais on la met derrière nous. Il y a des choses que l’on peut retenir, comme la bravoure, le courage de continuer à jouer notre style de football. »

Contre la Jamaïque, ce sera une bête complètement différente. […] On doit mettre le pied en avant dès le coup d’envoi. Les conditions ici vont nous aider à imposer notre jeu physique.

John Herdman

La Jamaïque est déjà éliminée des qualifications, avec une seule victoire en 12 matchs. Mais elle n’a justement plus rien à perdre.

« On sait que c’est une équipe assez directe, a analysé l’attaquant Jonathan David. Beaucoup de joueurs sont très athlétiques, rapides, costauds. On sait qu’il faut les mettre sous pression directement, et après, le tout, c’est de trouver les espaces où jouer et essayer de créer des opportunités. »

Le Canada n’a plus besoin que d’un petit point pour confirmer son billet pour le Qatar.

« C’est un match très important, et c’est certain que finir le travail qu’on a commencé il y a longtemps à la maison, ça peut être très spécial », a ajouté David.

Même son de cloche chez Alistair Johnston.

« L’idée de se qualifier à la maison, ça a toujours été dans la tête des gars, a souligné le défenseur du CF Montréal. Il n’y a pas de meilleur endroit pour avoir notre party de qualification qu’ici. »

« Tout le pays va jouer [ce dimanche], a quant à lui lancé Stephen Eustáquio, qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense. On ne pense qu’à ça. Il n’y a pas de match suivant contre le Panamá. Dans notre tête, c’est notre dernière occasion. »

« J’inviterais tous ces gars à mon mariage ! »

PHOTO TIJANA MARTIN, LA PRESSE CANADIENNE

Les joueurs de l’équipe canadienne à l’entraînement, samedi, sur le terrain du BMO Field

La défaite au Costa Rica n’a pas que laissé des traces au classement. Elle a aussi fait ressortir des comportements que l’on souhaiterait avoir vus disparaître il y a longtemps.

Mark-Anthony Kaye, qui a été expulsé après deux cartons jaunes jeudi en première mi-temps, a été la cible d’attaques racistes sur les réseaux sociaux après la rencontre. Canada Soccer a condamné ces propos vendredi, et les membres de l’équipe canadienne se sont portés à la défense de leur milieu de terrain.

John Herdman, en l’occurrence, est devenu émotif lorsqu’il a été interrogé sur le sujet.

« C’était décevant, et ça montre qu’on ne s’en est pas encore débarrassés, a déclaré l’entraîneur anglais, juste avant que ses yeux s’embuent. Ça doit cesser. On doit se tenir ensemble à des moments comme celui-ci. On ne va pas tolérer cela dans le sport, ni nulle part ailleurs. Je vous le demande : si vous entendez des choses du genre dans les gradins, faites-les cesser. Ne restez pas silencieux.

« Nos gars ont soutenu Mark. Il y a un amour profond pour lui de la part de notre équipe, tout comme de la part de 99 % des Canadiens. On veut ressentir cet amour demain. »

Alistair Johnston a abondé dans le même sens.

« Ç’a été une dure journée pour nous en tant que groupe. Ça a refroidi notre humeur. […] Il a vécu des soirées difficiles depuis le carton rouge, et il a admis sa responsabilité à la mi-temps. Il voulait s’excuser, parce que c’est ce genre de gars. Voir de tels commentaires à son égard ou envers n’importe qui, c’est révoltant. J’espère que ce sera la dernière fois. »

Visiblement, cette équipe se tient.

En entrevue avec La Presse la semaine dernière, Alistair Johnston parlait de « fraternité », de « solidarité » et de « camaraderie ». Des liens qui sont manifestes dès que les joueurs se retrouvent sur un terrain de foot.

Et que l’on ressent lorsqu’on les interroge sur le sujet.

Pour être honnête, j’inviterais tous ces gars à mon mariage ! C’est vous dire à quel point je les aime et à quel point nous nous aimons.

Stephen Eustáquio, milieu de terrain

Le temps s’était encore rafraîchi, le crachin était devenu plus intense. Les tondeurs de gazon n’en étaient qu’au rond central.

On a demandé à Alistair Johnston, lui qui avait joué le match à - 16 °C en manches courtes contre le Costa Rica à Edmonton, s’il allait répéter la frigorifiante expérience ce dimanche.

« On ne se pose même pas la question, non ? s’est-il exclamé, tout sourire. J’espère que les Jamaïcains auront leurs manches longues, parce que je crois qu’ils en auront besoin ! »