Les débats à propos de l’utilisation des gardiens de but ont toujours alimenté beaucoup de discussions à Montréal. Price-Halak il y a une dizaine d’années. Price-Allen aujourd’hui. Price-Kinkaid l’an dernier… mais non.

N’empêche que cela fait partie des mœurs, un peu comme le sont les critiques sur le Bye Bye. La tentation de transposer au soccer ces délibérations sur les gardiens est donc naturelle.

La saison vient à peine de commencer en MLS, le CF Montréal n’a joué que deux matchs. Et Clément Diop a été très bon. Soit.

Mais il y a fort à parier que dès son premier départ chancelant, ou même avant, au moins quelques voix s’élèveront pour réclamer la rentrée de James Pantemis. D’autant que ce dernier est québécois.

À court terme, ces personnes risquent toutefois d’être déçues. Autre sport, autre logique.

Rémy Vercoutre n’aime pas ces commentaires qu’il entend parfois sur la gestion de ses gardiens. On ne peut appliquer au soccer cette philosophie propre au hockey. Pourquoi ?

« Parce qu’on cherche à avoir des connexions avec nos défenseurs. Au hockey, dans un match, toutes les 30, 45, 60 secondes, on change la défense devant le gardien de but. Au football, on ne la change pas, ou rarement », compare Vercoutre.

On cherche donc à favoriser la mise en place d’automatismes entre le gardien et son corps défensif. Ce qui implique une certaine stabilité devant le filet.

Sans compter le nombre de jours qui séparent les matchs, de même que le déroulement de ceux-ci.

Les gardiens de but au football sont moins sollicités qu’au hockey. Ils ont des matchs certainement moins éprouvants, ils ne sont pas fatigués par leur enchaînement. Peut-être mentalement, parfois, mais pas forcément physiquement. Donc, surtout à partir du moment où il y a cette connexion avec les défenseurs, il n’y a aucune raison de les changer.

Rémy Vercoutre, entraîneur des gardiens de but du CF Montréal

À moins, évidemment, que le titulaire multiplie les bourdes, semaine après semaine, auquel cas il finira par être tassé. Mais cette décision ne peut être prise « sur une vision de deux ou trois matchs », signale l’entraîneur, nommé à quelques jours de Noël 2018.

« Si on remplace le gardien chaque fois qu’il fait une erreur, à un moment donné, au lieu d’en avoir un bon et d’autres prêts à lui succéder, vous ne vous retrouvez qu’avec des gardiens qui ne sont pas en confiance, qui ont peur de faire des erreurs. On se doit d’avoir des gardiens qui sont rassurés sur le fait que l’erreur fait partie du jeu et qu’on ne va pas les enlever du rôle de titulaire à la moindre erreur. On ne peut pas jouer correctement avec la boule au ventre. On doit jouer relâché, en pleine confiance. »

Par conséquent, pour un auxiliaire, le chemin vers un poste de gardien titulaire peut souvent être long. Et difficile.

« Oui, c’est dur, parce qu’il faut prouver chaque jour, chaque minute à l’entraînement. Tous les jours, je le répète », insiste Rémy Vercoutre.

James Pantemis n’y voit pas de problème.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

James Pantemis

Même si j’étais gardien numéro 1, je devrais me battre pour mon poste déjà. Je n’arrêterais pas de travailler. Donc, que je sois quatrième, troisième, deuxième ou premier, mon intensité et mes entraînements ne changent pas.

James Pantemis, gardien de but pour le CF Montréal

C’est la mentalité de l’ensemble du groupe de gardiens du CF Montréal, dit-il, qui compte aussi Sebastian Breza et Jonathan Sirois, prêté en CPL.

« Et lorsque vous avez votre chance, poursuit Vercoutre, il ne faut pas la rater. Parce que rares sont les gardiens qui en ont une deuxième. Il y a tellement de personnes qui frappent à la porte. »

Un gardien qui s’impose dès qu’il en a l’occasion « sème le doute dans la tête de ses entraîneurs », plus encore si cette performance est en continuité avec celles à l’entraînement.

Et si cela est jumelé à une succession de performances insatisfaisantes par le titulaire, la table est mise pour la passe d’armes.

« C’est comme ça que ça arrive en général », indique celui qui a joué en Ligue 1 française de 2001 à 2018 et connu tous les rôles comme gardien avec Montpellier, Lyon, Strasbourg et Caen.

C’est ce qui s’est passé, en 2019, avec Evan Bush et Clément Diop.

Gardien… et premier attaquant

À l’origine, ce texte avec Rémy Vercoutre – entretien envisagé depuis quelques semaines avant d’avoir lieu mercredi dernier – devait porter sur le caractère des gardiens de but.

On lui a donc demandé de citer trois qualités essentielles, à son avis, à la personnalité desdits gardiens.

Sa troisième a modifié le plan de cet article…

« J’ai envie de dire une certaine forme d’intelligence. Parce qu’aujourd’hui, à Montréal, ce qu’on leur demande, c’est d’être, certes, le dernier défenseur, mais aussi le premier attaquant. »

C’est ce que prône Wilfried Nancy, en continuité avec Thierry Henry.

« Depuis que je suis arrivé, j’ai connu quatre entraîneurs et je les classerais dans trois catégories », note Vercoutre.

1. Thierry Henry et Wilfried Nancy

« Ils veulent que le gardien de but relance le plus proprement possible. Essayer de garder le ballon, faire en sorte qu’on relance court. Ce qui implique de devoir jouer sous pression. »

2. Wilmer Cabrera

« Lui ne voulait absolument pas que nos gardiens jouent au pied. »

3. Rémi Garde

« C’était entre les deux. Il laissait au bon choix du gardien de décider s’il devait dégager ou jouer court. »

Jouer comme le demande Nancy « est beaucoup plus gratifiant pour le gardien parce qu’il participe à l’évolution du jeu, à l’élaboration des attaques », affirme l’ex-membre de l’Olympique lyonnais, de 2002 à 2014.

En contrepartie, cela ajoute une responsabilité non négligeable sur les épaules du portier.

« C’est quelque chose qui demande beaucoup d’énergie parce qu’être gardien de but, c’est une chose, mais devoir relancer, jouer au pied, ça demande beaucoup de concentration, dit Vercoutre. Et il faut savoir faire les deux, c’est-à-dire qu’être bon relanceur, c’est aussi parfois faire des erreurs comme les autres joueurs, et donc devoir redevenir gardien de but très rapidement. »

Les sports, numéro 7 dans la liste des 50 plus grands clichés à leur sujet, sont des jeux d’erreurs. Il faut savoir les accepter, réitère le coach des gardiens, et persister. Parce que cette façon de bâtir derrière créera davantage d’occasions de marquer. Wilfried Nancy et son personnel en sont convaincus.

En la matière, le Clément Diop de cette année est bien différent de celui du début de 2020, fait observer Rémy Vercoutre.

Ces lacunes avec la balle au pied, c’est ce qu’il y a de plus difficile à corriger ? Pas nécessairement, répond l’entraîneur. Et ça va au-delà de l’enseignement, de toute façon.

« Travailler le jeu au pied, ce n’est pas que travailler la technique. C’est reconnaître les moments où il faut jouer long ou court. C’est reconnaître aussi les déplacements de ses partenaires. Donc, ça demande une finesse et une certaine compréhension du jeu de ses coéquipiers. Et ça, c’est un travail collectif, pas seulement du gardien de but. »

On y revient. À la cohésion, la connexion entre le gardien et les joueurs. Qui se développe par la stabilité…

À LIRE LA SEMAINE PROCHAINE : La personnalité des gardiens