Kevin Gilmore et Justin Kingsley sont revenus sur le changement d’identité de leur club devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

« Il fallait arrêter de dire qu’on vit dans l’ombre des Canadiens. On veut aller prendre notre place dans le marché. »

Le commentaire est de Kevin Gilmore, président et chef de la direction du CF Montréal. Deux mois et demi après le dévoilement en grande pompe de la nouvelle identité de l’équipe, Gilmore et Justin Kingsley, codirecteur de la création du club, présentaient à ce sujet une conférence en ligne à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, lundi midi.

Le président a emprunté plusieurs angles pour expliquer la décision de la direction de procéder à un changement d’identité, qui avait déjà été envisagé en 2012, quand l’Impact a fait son entrée en MLS, a-t-il dit.

Celui-ci était l’un d’eux. Avant son arrivée avec le club, au début de 2019, on essayait de faire du fan du Canadien l’hiver un partisan de l’Impact l’été, a noté Gilmore. Mais les deux organisations n’ont pas la même histoire. On ne peut reproduire le lien émotif noué par 24 championnats.

Sans compter les arguments de nature démographique. Le fan moyen de golf a 64 ans, a avancé Gilmore, en scrutant ses notes. Celui de tennis – masculin, précise-t-il –, 61 ans. Baseball majeur : 57 ans ; NFL : 50 ans ; LNH : 49 ans ; NBA : 42 ans. Et MLS, 40 ans.

On parle à une audience qui est beaucoup plus jeune, et c’est quelque chose qu’on doit prendre en compte.

Kevin Gilmore, président et chef de la direction du CF Montréal

Parmi les autres facteurs évoqués, certains étaient du déjà-entendu. Par exemple, avec une ligue qui gagne en crédibilité, on souhaite « être le club de la MLS que les francophones à travers le monde reconnaissent ».

Mais d’abord et avant tout, le président a livré un tableau indiquant que son club peut compter sur 1,3 million de clients potentiels dans le Grand Montréal (source : 2019 MLS Impact Measurement).

« La ligue et tous les clubs font du travail assez exhaustif sur chaque marché individuellement », a signalé Gilmore.

Or, en vertu des assistances moyennes en 2019, « ça représente seulement 1,3 % de ce potentiel », a-t-il poursuivi. « Donc, pour nous, c’était important de commencer à regarder le pourquoi. »

Leur conclusion ? Jusqu’à maintenant, l’énergie avait été mise sur les « enthousiastes du soccer » et les fans de sport. Mais pas sur ce que le tableau décrit comme les civics.

Gilmore n’en a pas fourni de définition précise. Il a plutôt cité en exemples les cas des Raptors de Toronto et du LAFC, qui ont su attirer les jeunes vers ces clubs de leur ville, créer un sentiment d’appartenance, de proximité dans la communauté.

En d’autres mots, on veut élargir la base et appâter ceux qui se laissent tirer l’oreille. On le savait aussi, à la différence que le président avait cette fois ces chiffres autour desquels discourir.

« Les civics, on s’est dit que c’était le segment le plus intéressant auquel on n’a jamais connecté. C’est quelque chose qu’on s’est rendu compte qu’il nous manquait. »

Plusieurs fans de sport, de soccer, ont des liens émotionnels avec des clubs d’ailleurs. Dans un sport planétaire comme le foot, cela va de soi, et il en sera toujours ainsi.

« On leur dit seulement que s’ils ont une fierté pour leur ville, ils ont un club qui les représente et dans une ligue qui prend de plus en plus de place à l’international, a fait remarquer le président du CFM. C’est une des grosses raisons pour lesquelles on s’est dit que c’était important de regarder pour un changement de marque et de nom qui nous permettrait de se rapprocher des civics qui ont une fierté pour leur ville et qui sont passionnés pour le sport. »

« On est très encouragés »

Justin Kingsley a ensuite rappelé tout ce qui avait déjà été dit au lancement à propos de l’histoire de la ville, l’idéologie derrière le logo, le slogan, les couleurs. Dont le sacré bleu…

PHOTO FOURNIE PAR LE CF MONTRÉAL

Le logo du Club de foot Montréal

« Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui ont fait de belles petites blagues sur ce mot-là », a-t-il laissé tomber, en réexpliquant son sens.

Puis, a suivi une tempête de chiffres, dont certains avaient déjà été publiés, dans La Presse notamment, deux semaines après le lancement.

Rappelant la transformation de l’image d’Astral en 2010, Kingsley a eu ce commentaire : « Ça m’a pris du temps à comprendre ce qui se faisait chez Astral, il y a 11 ans. Et même notre identité à nous, ça m’a pris du temps à m’habituer à la voir. »

Dans le dernier écran de la présentation, on indiquait que 93 % des abonnements de saison avaient été renouvelés, alors que la moyenne de la MLS se situe à 82 %.

Et qu’après BET99.net, un autre partenaire majeur serait annoncé le 8 avril. À suivre.

À date, on est très encouragés par les résultats du rebrand.

Kevin Gilmore, président et chef de la direction du CF Montréal

« Avez-vous pris le fan par surprise ? »

D’entrée, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, a fait savoir qu’il connaissait bien Gilmore, avec qui il a entre autres travaillé récemment sur le dossier du basketball.

Ce qui n’a pas empêché le président de la CCMM, au terme de la présentation du duo, de poser de bonnes questions à celui du CFM. Questions qui n’étaient pas soumises d’avance, nous a-t-on assuré.

Celle-ci, par exemple : « Auriez-vous pu préparer différemment ou mieux préparer le fan à ce que vous alliez poser comme geste ? L’avez-vous pris par surprise ? »

La réponse de Gilmore : « Non… Si on était sortis et on avait demandé aux gens de voter sur un changement de marque… C’est une décision qu’on devait prendre en tant qu’organisation pour évoluer. Sachant que les gens sont attachés à la marque qui existe, on ne se disait pas que les gens allaient dire : “C’est un besoin.” Parce que pour eux, les besoins sont plus axés sur les performances sur le terrain. »

Mais il a réitéré que le processus ne s’est tout de même pas passé en vase clos.

Ce n’est pas comme si on s’était embarrés dans une chambre et qu’on s’était parlé à quatre, cinq personnes. On a parlé à beaucoup de partisans.

Kevin Gilmore, président et chef de la direction du CF Montréal

Quant à l’évaluation des risques, en particulier celui de froisser une frange des supporters, Kevin Gilmore a affirmé que le plus grand danger dans le sport était « de rester stagnant ».