Avec deux matchs à faire, l’Impact tentera ce dimanche de consolider sa place en séries. Évidemment, c’est l’objectif. Malgré l’ambiance qui semble très lourde dans l’entourage du club.

Personne ne considérera cette pandémie comme un évènement heureux. Et le télétravail n’a pas que des avantages. Mais en regardant le verre à moitié plein, une grande proportion des Québécois pourront se dire qu’ils voient leurs enfants plus que jamais.

Ce qui est vrai pour la majorité d’entre nous ne l’est toutefois pas pour les joueurs de l’Impact.

Le 28 août dernier, Samuel Piette et sa conjointe accueillaient leur premier enfant. Deux mois plus tard, le milieu de terrain montréalais n’a que très peu vu son garçon, Romi. Depuis six semaines, à peine quelques jours par-ci, par-là, entre les allers-retours Montréal-New Jersey, où l’Impact joue ses matchs « à domicile » depuis la mi-septembre.

« Ç’a été hyper difficile au début parce que quand je suis parti, notre garçon n’avait même pas un mois. Et maintenant, c’est dur parce qu’il y a beaucoup de choses qui arrivent à cet âge. C’est l’fun de les constater quand je reviens à la maison, mais je vis ça quelques jours, quelques semaines après ma copine. Donc, ça fait un petit pincement au cœur », raconte le numéro 6, déplorant également de devoir laisser sa conjointe à elle-même.

Le jour de la naissance de son fils, l’Impact recevait le Toronto FC au stade Saputo. Un match terne qui s’est soldé par un revers de 1-0. C’est le seul qu’a raté le Québécois cette saison. Et il a fait tout ce qu’il pouvait pour le voir, malgré les circonstances !

« Ma copine a accouché vers 18 h et le match était à 20 h. Tout de suite après l’accouchement, j’ai texté les gens des réseaux sociaux de l’Impact pour savoir s’il y avait un accès pour voir le match parce que dans la chambre d’hôpital, on n’avait pas de télévision. Donc, on suivait ça sur mon téléphone. »

Ce même téléphone qui, depuis un mois et demi, lui sert à voir le petit. À distance.

« Je ne suis pas très téléphone, en général. Mais, oui, c’est sûr qu’on se “facetime” plus que jamais. »

Ambiance lourde

Piette n’est pas le seul à souffrir de ces dommages collatéraux de la dernière portion de la saison. Pour certains joueurs dont la famille se trouve outre-mer, l’éloignement dure depuis bien plus longtemps encore.

Si l’on ajoute à cela la frustration des défaites répétées – fiche de 2-8-1 à ses 11 derniers matchs – et la proximité forcée, quotidienne, avec les autres joueurs, on présume aisément que l’ambiance doit être pesante dans l’entourage de l’Impact en ce moment. Une supposition confirmée par ce commentaire du Québécois.

Dans une saison normale, avec des conditions normales, on perd un match, on n’est pas contents, mais on a la chance de rentrer à la maison. Dans mon cas, ça voudrait dire voir mon garçon qui me sourit et ça me mettrait un peu le sourire au visage.

Samuel Piette

« Tandis que là, on est toujours ensemble. Donc, d’avoir un groupe qui est évidemment déçu de ne pas avoir remporté le match, c’est contagieux. Tu ne veux pas être la personne trop positive. Par exemple, en parlant fort aux repas quand tout le monde ne dit pas un mot. Donc, c’est sûr que ça joue sur le moral du groupe. Et les conditions ajoutent une couche de plus sur le moral », explique Samuel Piette.

Sur le terrain, le onze montréalais a encore son destin entre les mains. Actuellement au 9e des 10 échelons donnant accès aux séries dans l’Est, il terminera la saison le week-end prochain contre un club – D. C. United – qui en est exclu à ce moment-ci. Or, trois points devraient suffire pour prendre part aux éliminatoires.

« On veut faire les playoffs, personne n’a abandonné l’équipe. Tout le monde qui est ici va se battre jusqu’à la fin, je ne suis vraiment pas inquiet », assure celui qui fêtera bientôt son 26anniversaire. Mais…

« Les résultats, la saison, je ne mentirai pas que c’est difficile pour tout le monde et que, entre guillemets, on a hâte que cette saison-là se termine pour pouvoir rentrer à la maison, voir nos familles. On a hâte qu’elle se termine parce qu’on a l’impression que ça dure depuis toujours. »

Départs et rumeurs

Saphir Taïder est parti pour l’Arabie saoudite. Evan Bush, échangé à Vancouver. Puis, il y a tout ce qu’on lit et entend à propos de Bojan, Victor Wanyama, Rudy Camacho, Luis Banks…

Bush, on le sait, est un cas à part. Il ne jouait plus et on lui a offert de se relancer ailleurs.

Mais les restrictions et les mesures imposées à cause de la pandémie sont au cœur de tous les autres dossiers.

Taïder ne s’en cachait pas. Bojan et Binks ont admis qu’ils trouvaient la situation difficile et qu’ils réfléchiraient au terme de la campagne. Quant à Wanyama et Camacho, pour les mêmes raisons, ils auraient demandé de partir et l’Impact chercherait à s’en départir avant la prochaine saison, a affirmé Tony Marinaro, du réseau TSN, il y a une semaine.

Nous avons discuté avec Piette de certains de ces cas :

· Bush : « Personnellement, et, je pense, l’équipe, ça nous a fait mal de le voir partir parce que c’était un leader, une présence super importante dans le vestiaire. Mais pour lui, c’était le mieux. »

· Taïder : « Il a eu une belle occasion de partir et, de ce que je comprends, ça faisait l’affaire du club aussi, toutes les parties étaient contentes. Donc, quand il y a une occasion comme ça, qui est positive pour les deux côtés, ç’aurait été un peu bête de ne pas la prendre. Et un peu stupide au niveau administratif. »

· Bojan : « Je n’ai rien entendu et il lui reste une année d’option. Mais, lui, ça fait presque un an qu’il n’a pas vu sa famille. Donc, l’aspect familial, encore là, c’est compliqué. »

· Wanyama : « J’en ai parlé avec lui et il m’a dit : “C’est ridicule, c’est n’importe quoi. Je ne sais pas d’où ça part”. »

Quoi qu’il en soit, il y a lieu de se demander de quoi aura l’air la prochaine mouture de la formation. Mais il est clair que l’état de la situation entourant la COVID-19 aura une forte empreinte sur l’édition 2021.

Quelques pointes envers la MLS

Si la pandémie fait mal aux joueurs, et aux entraîneurs, d’un point de vue personnel, elle aura aussi des conséquences dans les coffres de la ligue. Comme pour tous les circuits professionnels, le bilan 2020 de la MLS se rédigera en rouge. Pas besoin de voir les livres comptables. Mais cela n’inquiète… ni n’émeut le joueur québécois.

Je pense que la MLS est une ligue en bonne santé et qu’elle a su réagir très rapidement et s’adapter très bien à ces nouvelles conditions. Mais elle a pensé peut-être plus à son argent qu’à la situation des joueurs en général.

Samuel Piette

« Normalement, une saison, c’est 34 matchs. Au final, on va en jouer 23, plus les séries qui vont s’étirer presque jusqu’à Noël. Donc, je pense que la ligue n’a pas à se plaindre, poursuit-il. Nous, les joueurs, on a été touchés au niveau salarial. Donc, c’est normal que la ligue perde de l’argent comme tout le monde. Honnêtement, je ne vais pas verser une larme si la MLS a perdu de l’argent cette année, ça, c’est sûr. »

Tu trouves que la ligue vous en a demandé beaucoup ?

« C’est ma position. Mais pour le partisan qui regarde toujours les matchs à la télé de toute façon, qu’on soit à Orlando, au New Jersey ou à Montréal, ça ne change pas grand-chose. Tandis que nous, les joueurs, on est envoyés dans une bulle où on se met à risque au niveau de la COVID-19 et on laisse nos familles derrière pour lui donner un spectacle. »

Piette le répète à quelques occasions pendant l’entretien, qui a eu lieu au lendemain de la défaite de mercredi contre Nashville. « Mais c’est notre job, c’est une saison particulière et ça n’explique pas nos résultats. »

N’empêche, l’amertume est palpable. Une victoire ce dimanche contre Orlando ferait sans doute un peu de bien.

100 : Samuel Piette a joué son 100e match dans l’uniforme de l’Impact dimanche dernier. « À la base, j’étais un fan de l’Impact avant de jouer professionnel, avant même de partir en Europe. J’allais à plusieurs matchs au Centre Claude-Robillard, je regardais les Gabriel Gervais, Nevio Pizzolitto et je me disais que j’aimerais être à leur place. Ça représente énormément pour moi. »