Connaissez-vous Footballers’ Wives ?

C’est une série télé complètement déjantée. Desperate Housewives rencontre Lance et compte. Sur les amphétamines.

Les joueurs d’un club fictif anglais, leurs conjointes, leurs patrons et leurs entraîneurs s’aiment. Se détestent. Se trompent. Se couillonnent. S’assassinent. Les scandales se suivent comme des grains de chapelet. Tellement vite que pendant les cinq saisons, on n’a jamais vu une seule partie de soccer.

L’Impact, c’est un peu ça – le meurtre en moins.

Le club est abonné aux scandales. Les matchs ne sont souvent qu’un bruit de fond entre deux affaires. Le tintamarre des coulisses enterre tout. Quand le propriétaire s’en prend aux joueurs. Quand les joueurs s’en prennent au propriétaire. Quand le propriétaire s’en prend aux partisans. Quand les partisans s’en prennent au propriétaire. Quand le propriétaire s’en prend à la Ville. Aux arbitres.

Avec le temps, on s’endurcit. Cet hiver, lorsque Ballou Tabla s’est entraîné avec le maillot du Toronto FC, ennemi juré du club, à peine ai-je entendu un bâillement.

Mais le nouveau scandale, lui, risque de faire plus de bruit. Notamment parce qu’il implique le directeur sportif du club, Olivier Renard. C’est lui qui gère les opérations soccer de la franchise. En gros, le Marc Bergevin de l’Impact.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Olivier Renard, directeur sportif de l’Impact de Montréal

Qu’a-t-il fait ?

Son ancien employeur – le Standard de Liège – lui reproche sa participation dans une affaire de corruption. Une plainte a été déposée auprès de la police belge. Les infractions énoncées contre Renard et cinq autres personnes : escroquerie, abus de confiance, faux et usages de faux.

Olivier Renard nie toutes les allégations. « Aucune des accusations portées contre moi n’est correcte », a-t-il affirmé lundi dans une déclaration écrite. Tout indique qu’on se dirige vers une confrontation entre M. Renard et un témoin-clé de la police.

Le créateur du stratagème.

Dejan Veljkovic.

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Les faits reprochés se seraient produits entre 2016 et 2018.

Olivier Renard était alors directeur sportif du Standard de Liège. Dejan Veljkovic, lui, était agent. Il en menait large en Belgique. On disait qu’il était l’« agent maison » du FC Malines, un club de première division où Olivier Renard a amorcé sa carrière de dirigeant.

Les deux hommes se sont croisés pour négocier des transferts. Jusqu’à ce que l’agent serbe soit arrêté par la police, en octobre 2018, dans le cadre de l’opération « mains propres ». On lui reprochait d’avoir orchestré une fraude à grande échelle dans le soccer belge. Dejan Veljkovic a reconnu les faits. Il est même allé plus loin. Il a accepté de collaborer avec la police et de lui confier tout son savoir, en échange d’une peine réduite.

Selon la RTBF – l’équivalent belge de Radio-Canada –, Dejan Veljkovic facturait le gros prix pour produire des rapports de recrutement bidon. Ses clients ? Les clubs qui achetaient les services de ses joueurs. En retour, les dirigeants qui collaboraient recevaient une ristourne de Veljkovic.

Toujours selon la RTBF, le Standard de Liège reproche à Olivier Renard de faire partie de ces dirigeants qui ont accepté une ristourne. 

Le directeur sportif de l’Impact aurait été impliqué dans trois transferts aujourd’hui sous la loupe. À au moins deux occasions, il aurait encaissé une ristourne de 20 000 euros, rapporte la RTBF.

Le Standard de Liège a décliné ma demande d’entrevue.

Olivier Renard, lui, se défend de toute malversation. « Je n’ai jamais perçu la moindre [rétro]commission sur quelque transfert que ce soit, a-t-il indiqué lundi dans une déclaration écrite. L’entièreté des rémunérations obtenues durant ma carrière provient de versements réalisés par les clubs qui ont fait appel à mes services et constitue la stricte conséquence de mon travail. Ces informations diffamatoires et calomnieuses me portent préjudice. Elles affectent mes proches et nuisent à mon image. Je me réserve donc une réaction judiciaire à ce sujet. »

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Coupable ou non, Olivier Renard ?

Il est encore trop tôt pour le savoir. Pour l’instant, ni le libellé de la plainte ni les preuves ne sont disponibles. Les procédures judiciaires dureront des mois. Peut-être déboucheront-elles sur un procès. Peut-être pas. Entre-temps, Olivier Renard continuera d’assumer ses fonctions avec l’Impact.

C’est loin d’être une situation idéale.

Dans les prochains mois, Olivier Renard devra préparer sa défense. Un processus long. Difficile. Stressant. Préoccupant. Pour ajouter une couche de complexité, les procédures se déroulent en Belgique. À sept heures d’avion de Montréal.

Or, l’Impact est un club qui a besoin de toute l’attention de ses dirigeants.

L’entreprise est en pleine restructuration. Elle a connu une année 2019 difficile, tant sur le terrain qu’aux guichets. L’hiver ? Marqué par l’embauche remarquable de Thierry Henry, mais aussi par le départ compliqué de Nacho Piatti. Mettons que l’Impact n’est pas doué pour organiser « des adieux qui quelques fois se passent un peu trop bien ». Par ailleurs, les nouveaux renforts ne suscitent ni l’enthousiasme ni l’espoir.

Je rappelle que la saison commence dans une semaine, avec le match aller de la Ligue des champions au Costa Rica. Un moment fort qui ne suscite aucun buzz. Au contraire, tous ceux qui suivent l’équipe ne parlent que des feux de cuisine allumés par les chefs eux-mêmes.

Vivement le changement de culture tant annoncé depuis un an.

Parce que jusqu’à maintenant, on le cherche encore.