(Aix-en-Provence) Jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle ont été requis vendredi contre un des deux supporteurs russes du Spartak Moscou jugés devant les Assises des Bouches-du-Rhône pour avoir laissé pour mort un partisan anglais à Marseille, lors de l’Euro 2016 de soccer.

L’avocat général a requis une peine plus légère pour le deuxième supporteur, cinq ans de prison maximum, avec possibilité de sursis, tenant à opérer « un distingo » entre les deux accusés.

Pavel Kossov et Mikhaïl Ivkine, 34 ans, devront patienter pour connaître le verdict du jury, à Aix-en-Provence : devant la longueur des plaidoiries de la défense, le procès, qui devait se conclure vendredi, a été suspendu jusqu’à lundi.  

Le réquisitoire est en ligne avec les images vidéos de la scène, à 17 h, ce 11 juin 2016 : quand l’Anglais Andrew Bache fuit la charge des Russes, à quelques mètres du Vieux-Port, c’est bien Pavel Kossov qui lui assène un violent coup de poing à la tête, par-derrière.

Groggy, le quinquagénaire, fan du club de Portsmouth et venu à Marseille pour le match Angleterre-Russie, s’effondre comme une poupée de chiffon sur le pavé, le visage en avant.

Ce coup « peut avoir provoqué une déconnexion cérébrale chez la victime, comme un K.-O. en boxe, un court-circuit », avait expliqué jeudi un expert médical, Michel Blanc, en se demandant « comment ce monsieur Bache est encore en vie ».

Pour l’expert, cependant, les principaux dégâts ont sans doute été provoqué par un troisième supporteur russe, celui qu’on voit asséner un violent coup de poing à la tête d’Andrew Bache, alors que celui-ci est au sol, inanimé. Problème : il n’a jamais été identifié.  

Sur les diverses vidéos visionnées à l’audience, dont des images de la télévision Russia Today ou celles de la caméra Go Pro d’un supporteur russe, le rôle de Mikhaïl Ivkine semble mineur.  

Il est seulement vu lançant une chaise vers Andrew Bache, quelques secondes plus tôt. Et la vidéo dévoilée par la défense à l’audience mercredi montre qu’elle a à peine effleuré M. Bache.

Une certitude cependant pour l’avocat général, Christophe Raffin : la charge des Russes était « un raid, comme un commando paramilitaire ». Et « non, ce n’était pas de la légitime défense, mais de l’illégitime défonce, la défonce de M. Andrew Bache », a-t-il insisté, en dénonçant ces « black blocs du football ».

Traumatisé, sans aucun souvenir même d’avoir mis les pieds en France pour cet Euro, Andrew Bache, 55 ans, désormais handicapé à vie, a refusé de venir au procès. Seul son fils, Harry, a fait le déplacement pour témoigner du calvaire de son père.

« Diabolisation »

Mais pas question pour la défense d’accepter ce label de « hooligans » pour leurs clients. Des « hooligans 2.0 », qui s’exhibent sur les réseaux sociaux, avait lancé en préliminaire vendredi MOlivier Rosato, l’avocat de la victime.

Il faut en cesser avec « cette diabolisation », s’est insurgé MAlain Duflot, l’avocat de Pavel Kossov. Au cours de cette semaine de procès, aucun élément n’a démontré l’appartenance des deux hommes à un quelconque groupe de hooligans russes, comme les « Gladiators » du Spartak ou les « Orel Butchers » du Lokomotiv.

Me Julien Pinelli, le second avocat de Mikhaïl Ivkine, s’est lui attaqué à « la théorie jurisprudentielle de la co-action », qui a permis d’embarquer son client aux assises. « Les images le prouvent, M. Ivkine ne frappe pas, ne déséquilibre pas, ne touche pas M. Bache. Naturellement vous devrez donc l’acquitter ».

Détenus depuis février 2018, après leur arrestation en Allemagne, alors qu’ils allaient voir jouer le Spartak à Bilbao (Espagne), Pavel Kossov et Mikhaïl Ivkine ont déjà fait deux ans et dix mois de détention provisoire.

Me Duflot a appelé les jurés à de la mesure, en rappelant les peines infligées par la justice allemande aux trois hooligans allemands qui avaient tabassé le gendarme Nivel lors du Mondial 1998 de football en France, le rendant également infirme à vie : six ans, cinq ans et trois ans et demi de prison