Déjà dans le collimateur de l'Agence mondiale antidopage (AMA) à cause de ses athlètes, Moscou doit gérer le coup porté à son image par des hooligans impliqués dans les violences du week-end à Marseille, en plein Euro et à deux ans du Mondial-2018 en Russie.

Un père porte son enfant dans les bras et slalome entre des admirateurs russes qui se ruent dans la tribune des Anglais au coup de sifflet final d'Angleterre-Russie (1-1), samedi au stade Vélodrome: cette image a fait le tour du monde, comme celle des bagarres spectaculaires en ville quelques heures plus tôt.

Depuis, les éléments accablants se succèdent. Les rixes sur le Vieux-Port n'étaient pas de simples bagarres improvisées. Le procureur de Marseille a révélé lundi que la police française n'avait pu interpeller aucun des 150 hooligans russes «extrêmement entraînés» repérés dans la cité phocéenne.

«Ce sont des professionnels de la violence», analyse Sébastien Louis, historien spécialiste des partisans radicaux, joint par l'AFP en France.

L'UEFA a haussé le ton, menaçant de disqualification Russie et Angleterre en cas de nouveaux débordements d'admirateurs. Mais pour l'un des hooligans russes présents à Marseille lors des heurts, cette menace «n'aura aucune influence». «Rien ne les arrêtera», affirme cet homme, Vladimir, supporter du Lokomotiv Moscou, interrogé par l'AFP au lendemain des violences.

Le ministre des Sports Vitali Moutko, président de la fédération russe, a appelé les admirateurs à «montrer qu'ils respectent l'équipe adverse et leurs fans» et rappelé l'«étroite surveillance des instances disciplinaires internationales du football».

«Envie de revanche»

Sur les 15 000 fans russes venus en France, seuls 5000 devraient rester après lundi soir, a assuré à l'AFP le responsable de l'Organisation des partisans russes, Alexandre Chpriguine. «Les prochains matches seront calmes», a-t-il promis.

Mais au-delà d'éventuelles sanctions de l'UEFA, la Russie craint surtout les conséquences négatives sur la Coupe du Monde 2018, qu'elle organisera dans deux ans.

«Derrière (les hooligans), il y a un pays de 140 millions d'habitants, les futurs hôtes de la Coupe du Monde, et ils leur font honte», déplore Vitali Moutko. «Ne donnons pas l'occasion à nos collègues et «amis» de jouer la carte» du hooliganisme contre la Russie.

Le Mondial-2018 peut-il être gangréné par la violence? «C'est possible parce qu'en ce moment la réputation des firmes russes (groupes de hooligans) est au top, il y aura donc probablement une envie de revanche (des fractions des autres nations), prédit Sébastien Louis. Les autorités russes contrôleront évidemment les entrées, mais il peut y avoir des trous dans le dispositif.»

La Russie est déjà dans le collimateur des instances sportives depuis la révélation en novembre d'un vaste scandale de dopage dans l'athlétisme. Les athlètes russes pourraient ne pas participer aux jeux Olympiques de Rio en août: la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) doit rendre vendredi son verdict sur leur suspension.

Racisme

Toujours côté football, Moscou doit déjà lutter contre des incidents racistes qui polluent le championnat national.

En 2015 et 2014, le Brésilien Hulk, vedette du Zénit Saint-Péterbourg, a été la cible de cris de singe et des bananes sont régulièrement lancées par des «ultras» aux joueurs noirs.

Changer les comportements des partisans d'ici 2018 est une tâche difficile pour les autorités russes qui, souvent accusées de laisser-faire, semblent néanmoins durcir le ton ces dernières années.

La loi punit désormais les fans violents de peines de prison ferme pouvant aller jusqu'à sept ans, et jusqu'à huit ans s'ils sont arrêtés en possession de pétards ou fumigènes.

Un texte, qui n'est pour l'heure qu'un projet de loi, prévoit la mise en place d'une «liste noire» de partisans interdits de participation à des événements sportifs.

«Ça ne fait pas plaisir à tous, les stades vont perdre de l'argent, mais la sécurité est la priorité», a expliqué dimanche au site d'informations SovSport le président de la commission des Sports de la Douma (chambre basse du Parlement), Dmitri Svichtchiev. «Ces incidents (à Marseille) nous déçoivent, mais nous poussent aussi à tirer des conclusions sur ce que nous devons faire pour que cela ne se reproduise pas chez nous» pendant le Mondial-2018.