Espagne-Pays-Bas. Sacrée affiche pour une finale de Coupe du monde. Deux grandes traditions. Deux vraies équipes qui sont plus que la somme de leurs 11 joueurs. Deux formations adeptes du beau jeu. Et deux pays qui, après avoir si souvent déçu au théâtre du Mondial, espèrent marquer l'histoire en remportant un premier titre planétaire.

Alors, qui va gagner? Épineuse question. Mais l'Espagne a ce qu'il faut pour devenir la troisième équipe de l'histoire à détenir simultanément les titres européen et mondial, après l'Allemagne de l'Ouest (1972 et 1974) et la France (1998 et 2000). Voici pourquoi:

1. Les vieux démons sont morts et enterrés

En remportant l'Euro 2008, à Vienne, la Furia Roja a surmonté les inhibitions qui l'avaient transformée en éternel second couteau. Les quarts de finale s'étaient avérés un obstacle infranchissable lors des Mondiaux de 1994 et de 2002 et lors des championnats européens de 1996 et de 2000. Il y a deux ans, le vent a tourné: une victoire en tirs de barrage contre l'Italie avait donné aux Espagnols la confiance et l'erre d'aller nécessaires pour vaincre ensuite la Russie et l'Allemagne et décrocher leur premier titre européen en 44 ans. Il y a au sein de l'équipe espagnole une confiance tranquille que même la défaite-surprise contre les États-Unis, en demi-finale de la Coupe des confédérations, l'an dernier, n'est pas parvenue à ébranler.

2. Une progression constante

On l'a presque oublié, mais l'Espagne a perdu un match dans cette Coupe du monde, une défaite de 1-0 contre la modeste Suisse en lever de rideau, le 16 juin. Ce revers inattendu a placé l'Espagne dans une situation difficile, la forçant à gagner ses deux matchs suivants, contre le Honduras et le (très peu commode) Chili. Ce qu'elle a fait, avant d'éclipser complètement le Portugal en ronde des 16, de vaincre un Paraguay replié sur lui-même en quarts et de dominer l'Allemagne en demi-finale, gardant le ballon hors de portée de la Mannschaft pendant la plus grande partie de la soirée. Que la meilleure performance espagnole soit survenue contre la meilleure équipe qu'elle ait affrontée, une formation qui avait enfoncé quatre buts non seulement à l'Australie, mais aussi à l'Angleterre et à l'Argentine, est le signe d'une équipe en pleine montée en puissance, un collectif qui atteint son «pic de performance» juste au bon moment.

3. Le tiki-taka

Le quoi? Le tiki-taka. Comme dans «une touche, une touche». C'est ainsi que certains appellent le jeu axé sur la possession du ballon qui fait le succès de la sélection espagnole (et du Barça, qui lui a légué pas moins de neuf joueurs). L'Espagne a réussi 3387 passes en six parties en Afrique du Sud. C'est près de 1000 de plus que les Pays-Bas, qui arrivent au deuxième rang (2434)! Et les Espagnols sont précis: leur taux de réussite de 81% est le plus élevé du tournoi. Quand l'adversaire s'épuise à courir après le Jabulani (en demi-finale, les Allemands ont couru presque deux kilomètres de plus que les Espagnols), c'est le moment pour le chef d'orchestre, Xavi, de servir une passe parfaite à David Villa, auteur de cinq buts jusqu'ici. Ou pour Andrès Iniesta, qualifié l'an dernier de meilleur joueur du monde par Wayne Rooney, de se lancer dans une des courses incisives dont il a le secret. «Nous partageons les mêmes idées et nous savons ce que chacun veut faire, comment trouver les espaces pour menacer, a dit l'autre jour le milieu Xabi Alonso. C'est devenu instinctif.» Et diablement efficace.

4. Le meilleur gardien du monde

Le capitaine Iker Casillas n'a que 29 ans, mais on a l'impression qu'il défend le filet de l'Espagne depuis toujours. Fort de plus d'une centaine de sélections, le Madrilène n'a pas usurpé le titre de meilleur gardien de la planète. Il l'a prouvé une fois de plus en quarts de finale, stoppant un penalty crucial d'Oscar Cardozo, juste avant que l'Espagne ne marque le seul but du match. Casillas, qui a la chance de travailler derrière un remarquable duo d'arrières centraux en Gerard Piqué et Carlos Puyol, n'a accordé que deux buts en Afrique du Sud, trois de moins que son vis-à-vis, Maarten Sketelenburg, chancelant sur le but de Diego Forlan en demi-finale.

5. L'entraîneur

Avec sa grosse moustache, sa calvitie et son ventre rebondi, Vicente Del Bosque a plus l'air d'un grand-papa gâteau que d'un messie autoproclamé à la Jose Mourinho. Mais l'approche débonnaire de l'homme de 59 ans n'est pas une tare. Après tout, il est le dernier entraîneur à avoir connu un succès durable à la tête du Real Madrid. Il a conduit sa bande de Galacticos à deux titres en Liga (2001 et 2003) et autant en Ligue des champions (2000 et 2002), un exploit que Mourinho, qui vient d'arriver à Madrid, tentera de répéter, après une décennie au cours de laquelle le Real a appliqué pour ses managers la politique des portes tournantes. Fin psychologue, Del Bosque sait gérer un effectif bourré de talent et a prouvé, en retirant l'inefficace Fernando Torres de la formation partante en demi-finale, que sa patience n'était pas sans limite. Son expérience des grandes finales sera précieuse.

6. Le poulpe

Paul le poulpe a prédit une victoire de l'Espagne. Que dire de plus?