Consternés. Effondrés. Humiliés. Une centaine de Québécois d'origine espagnole réunis au Club social espagnol, boulevard Saint-Laurent, étaient littéralement sous le choc, hier, à la suite de la défaite surprise de leur pays d'origine contre la Suisse au Mondial.

«C'est une gifle, a dit Alfonso Pascual, qui était venu célébrer ce qui, croyait-il, serait le premier pas d'une marche triomphale vers la victoire finale. Mais parfois, une petite gifle, ça fait du bien.»

 

La centaine de personnes réunies dans la grande salle, dont plusieurs étaient vêtus du maillot rouge de la Furia Roja, s'attendait manifestement à célébrer: malgré l'heure matinale, le rouge, la bière et le cognac coulaient déjà à flots. La fête a cependant tourné court. Moins de cinq minutes après la fin de la partie, la foule avait déjà quitté les lieux.

Personne dans cet auditoire n'était plus déçu qu'Arsenio Diaz. Le colosse originaire d'un petit village près de Séville avait les larmes aux yeux à la fin du match. «C'est une défaite crève-coeur. C'est le premier match que l'Espagne perd en deux ans. C'est incroyable! Ils nous ont eus. C'est très dur», a-t-il dit.

M. Diaz fondait tous ses espoirs dans le jeu du numéro 22, Jesus Nava, qui vient du même village que lui. «Je le connais depuis qu'il est tout petit. C'est un joueur canon. Il va percer la défense suisse», prédisait-il à la mi-temps. Mais ses prédictions ne se sont pas réalisées. Arsenio Diaz s'envolera tout de même dimanche vers son village natal de Los Palacios pour «vivre l'événement» avec sa famille.

Les yeux rouges de M. Diaz résumaient parfaitement l'atmosphère au Club social espagnol. «Je suis très déçu. Je pensais que les joueurs espagnols allaient être beaucoup plus agressifs», a dit Shane Fonbuena, un jeune du secondaire qui était venu écouter le match en compagnie de son frère et de sa soeur, son père et son oncle, ainsi que de leur grand-mère, Rosalia Alanda. À 75 ans, la vieille dame, qui se décrit comme une «fanatique de foot», était la doyenne de cet auditoire.

Et Alicia Munoz en était probablement la benjamine. Âgée de 2 ans, la petite portait déjà son petit maillot rouge et jaune. Sa mère Natalia était venue savourer «l'atmosphère» d'un match de foot au Club social.

L'une des rares personnes heureuses dans cette salle en deuil était Julien Monnier. Le jeune homme, qui arborait fièrement le drapeau suisse, exultait. «Je suis heureux, mais surtout surpris, a-t-il dit à la fin de la partie. Les Espagnols étaient un peu endormis et les Suisses étaient au mieux de leur forme.»

La copine de Julien, Elizabeth Arias, avait une mine beaucoup plus sombre. La jeune femme d'origine espagnole avait perdu son pari: avant le match, elle affichait une confiance totale et se disait «sûre à 100%» que l'Espagne l'emporterait.

Dès la première mi-temps, les fans ont bruyamment manifesté leur impatience. «Plus d'action!», a crié une jeune femme du fond de la salle. À chaque échappée des joueurs espagnols, à chaque but manqué par l'Espagne, une clameur d'espoir montait de l'auditoire. Même les serveuses, qui apportaient aux tables les plats d'omelettes, de chorizo et de calmars frits, ne pouvaient pas s'empêcher de jeter un petit coup d'oeil au match entre deux services...