Pendant 10 ans, Simone Plourde a fait partie du club de ski Mont-Tremblant. Sérieuse, l’adolescente de Mont-Royal glissait sur ses planches du vendredi au dimanche, en plus de s’investir dans la salle de musculation. Performante entre les piquets, elle ne rêvait pas de Coupe du monde ni de devenir la prochaine Valérie Grenier. Les camps hors saison au Chili ou en Autriche, très peu pour elle.

Un jour, son père lui a demandé si elle voulait l’accompagner pour un jogging. Elle y a vite pris goût, s’inscrivant à quelques courses de cross-country avec lui. Voyant son potentiel, une amie de sa mère, qui avait pratiqué l’athlétisme, lui a suggéré de tenter sa chance sur la piste. Ainsi, elle est débarquée un soir de semaine au parc Étienne-Desmarteau, dans Rosemont, pour un entraînement du club Les Vainqueurs, qui réunit des coureurs de tous les âges et niveaux. L’année suivante, elle a rejoint le groupe compétitif.

PHOTO FOURNIE PAR SIMONE PLOURDE

Simone Plourde a rapidement fait sa marque en course à pied.

Au cégep André-Grasset, elle s’est inscrite dans l’équipe de cross-country et a fait la connaissance de Samuel Marion, son premier véritable entraîneur, qui l’a recrutée pour son club civil, le Saint-Laurent Sélect. L’athlétisme est devenu plus sérieux, même en hiver. Après avoir jonglé avec les deux sports, elle a donc fait une croix sur le ski alpin.

Le ski était tellement une grosse partie de ma vie depuis que j’étais toute petite, mais c’était une décision vraiment facile et naturelle. J’avais un gros coup de cœur pour l’athlétisme.

Simone Plourde, se rappelant son choix pour la course à pied il y a six ans

Et un talent certain. Elle a rapidement progressé, remportant le bronze sur 1500 m aux championnats canadiens juniors disputés à Montréal en 2019. Elle a retranché plus de 20 secondes à son temps en l’espace de deux ans. À l’hiver 2020, à Boston, elle a inscrit un record québécois en salle sur le mille, un chrono qui a attiré l’attention d’universités américaines.

Flattée, Simone Plourde avait cependant d’autres ambitions : elle était admise en médecine à l’Université de Montréal. « J’étais tellement bien avec Sam ; notre formule fonctionnait et je n’avais pas trop d’intérêt à aller dans la NCAA. Mais là, la COVID-19 a frappé. »

Confinée, la jeune femme a eu le temps de réfléchir et de poursuivre le dialogue avec des universités américaines. La fermeture indéfinie des lieux d’entraînement au Québec et la confirmation d’une saison dans la NCAA, à l’automne 2020, a fini par la persuader de faire le saut. « L’école va toujours être là, mais ton peak sportif, lui, ne repasse pas. »

Le choc en Utah

Charmée par les montagnes de l’Utah lors d’un stage en altitude avec le Sélect, Plourde s’est laissé convaincre par Brigham Young University, qui avait un excellent programme de demi-fond. En raison de la pandémie, elle n’a pas eu l’occasion de visiter le campus au préalable. La surprise a été totale quand elle a posé valises et crampons à Provo : elle n’avait pas réalisé qu’elle rejoignait l’épicentre scolaire de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, autrefois connue sous le vocable mormons.

En plus de devoir observer un code moral exigeant, les étudiants, à 98 % membres de l’Église, ne peuvent découvrir épaules et genoux, ni consommer de café, de thé ou d’alcool, entre autres restrictions.

Je suis arrivée là-bas tout excitée, avec plein de rêves. Ç’a été un grand choc culturel pour la Montréalaise que j’étais. J’ai su immédiatement que ça ne marcherait pas, que je n’y resterais pas trop longtemps.

Simone Plourde

À quelques reprises, elle a appelé ses parents en pleurs. Désolés, ceux-ci lui envoyaient gâteries et cartes d’encouragement par la poste, faute de pouvoir visiter leur fille de 20 ans en raison du contexte sanitaire.

Heureusement, sur le plan sportif, son expérience a été impeccable. « J’ai adoré la coach, mes partenaires d’entraînement ; elles étaient les meilleures au pays à ce moment-là. »

Son entraîneuse, une non-mormone elle aussi, souhaitait tellement la garder qu’elle lui a accordé un budget pour payer ses cafés au Starbucks : « Elle se sentait mal ! »

La caféine subventionnée ne fut pas suffisante pour retenir la recrue québécoise, qui a rejoint les rangs de l’Université de l’Utah, à Salt Lake City, l’année suivante. « Ce n’est qu’à une heure de route, mais c’est un monde complètement différent. »

Record provincial

Dans un programme en pleine effervescence, dirigé par l’entraîneur Kyle Kepler, Simone Plourde a poursuivi sa progression. À sa deuxième saison, elle a terminé au pied du podium au 3000 m des Championnats en salle de la division 1 de la NCAA, un sommet individuel historique pour Utah.

Au printemps 2023, elle a continué sa formidable lancée à l’extérieur, remportant l’or sur 1500 m aux championnats Pac 12 après avoir pratiquement mené la course de bout en bout. En 4 min 9,48 s, elle a effacé le record québécois de Mélanie Choinière qui datait de 1996. Moins de deux semaines plus tard, elle a retranché trois autres quarts de seconde aux Championnats régionaux de l’Ouest.

PHOTO FOURNIE PAR SIMONE PLOURDE

Simone Plourde participe à ses premiers Championnats du monde d’athlétisme en août dernier, à Budapest, en Hongrie.

Elle a cependant vécu une déception aux championnats nationaux, s’arrêtant en demi-finale au 1500 m dans la touffeur du Texas. En revanche, elle a fini septième au 5000 m, une distance qu’elle pense explorer davantage dans l’avenir.

Comment expliquer cette ascension quasi fulgurante ? « Mes coachs ont toujours été très prudents, n’ont jamais voulu trop presser le citron, analyse-t-elle. Ils voyaient ma progression sur le long terme. Mon volume d’entraînement est relativement bas depuis mes débuts. Ça m’a permis de rester en santé. Aux États-Unis, j’étais dans des programmes en altitude. Je pense en avoir beaucoup bénéficié. »