Les chronos de la nageuse québécoise baissent à vue d’œil. Et sa confiance monte.

En voyant apparaître son chrono de 4 min 36,79 s au tableau indicateur, Mary-Sophie Harvey a réalisé qu’elle aurait pu être championne du monde du 400 m quatre nages individuel. « Ah ben tabarnouche ! », a-t-elle pensé.

Ce constat restait théorique : comme la majorité des meilleurs nageurs, elle a passé son tour pour les Championnats du monde qui se sont déroulés le mois dernier au Qatar. En cette année olympique chargée, elle a préféré s’économiser plutôt que de s’aligner à l’évènement reprogrammé à cette date en raison des bouleversements du calendrier attribuables à la pandémie.

Elle ne regrette pas sa décision, prise en fonction de maximiser ses performances aux Jeux olympiques de Paris l’été prochain. N’empêche, son temps réussi au Meeting Camille Muffat, qui lui a procuré une victoire le 17 mars à Nice, lui aurait valu l’or à Doha. Il l’installait provisoirement au troisième rang mondial pour la saison 2023-2024 (elle est sixième depuis la présentation des championnats du Japon) et l’approchait à trois dixièmes de sa marque personnelle, qui remonte à 2017.

« Je ne m’attendais vraiment pas à ça parce que je ne me concentre pas du tout sur le 400 m quatre nages (400 m QNI) à l’entraînement », a expliqué Mary-Sophie Harvey, le lendemain de son retour au pays.

C’était mon épreuve favorite quand j’étais plus jeune. J’ai pris une longue pause en pensant que j’avais fermé ce chapitre-là. Puis, l’an passé, je l’ai fait une fois à la Mare Nostrum. J’avais été surprise à quel point ce n’était pas aussi pire que ce dont je me souvenais ! J’ai voulu le tenter de nouveau pour voir ce que ça donnerait.

Mary-Sophie Harvey, à propos du 400 m quatre nages

Six jours après sa médaille d’or niçoise, la nageuse de 24 ans a replongé pour un 400 QNI au Giant Open de Saint-Germain-en-Laye, à proximité de Paris. Elle a signé une autre victoire, cette fois en 4 min 38,00 s, soit une demi-seconde de mieux que le temps de qualification olympique. De quoi lui donner des idées en vue des sélections olympiques canadiennes qui se tiendront à Montréal dans moins de 50 jours.

Si Summer McIntosh, détentrice du record mondial depuis les Essais de 2023, est intouchable, le deuxième billet est à prendre.

« Si tout va bien, c’est une porte d’accès plus “facile” que les autres courses, qui sont peut-être un peu plus relevées », a évalué Harvey.

« La confiance est là »

La nageuse de 24 ans n’est néanmoins pas prête à changer son plan d’entraînement pour autant. Le 400 m QNI reste une option parmi d’autres. Ses priorités demeurent le 200 m QNI, dont elle a été finaliste aux Mondiaux de 2022, le 200 m libre et, surprise, le 100 m papillon. Pour le reste, Harvey et son coach Greg Arkhurst hésitent entre le 400 m QNI ou préserver ses forces pour le 100 m libre du lendemain.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE MARY-SOPHIE HARVEY

Mary-Sophie Harvey

La polyvalente athlète ne pouvait rêver mieux après les JO de Tokyo, où elle avait été confinée aux séries du relais 4 x 200 m, ce qui l’avait rendue malheureuse. Au risque de paraître « arrogante », elle vise une finale individuelle à Paris et, pourquoi pas, un podium si elle peut se surpasser au moment opportun.

« C’est la première fois de ma vie où je suis assez sereine avant des Essais, a-t-elle confié. Je ne peux pas demander à être dans une meilleure position. Je suis deuxième au pays dans quatre épreuves, j’ai déjà le temps [de qualification] A dans trois épreuves, bientôt cinq, on verra ! Honnêtement, la confiance est là, le travail est là. Maintenant, c’est juste de continuer ce que j’ai fait depuis le début de la saison. »

Maturité

Depuis les Championnats du monde de 2023, où elle avait vécu une déception au 200 m QNI (11e en demi-finale après avoir fini 3e des séries), Mary-Sophie Harvey surfe sur une vague positive. Aux Jeux panaméricains de Santiago, l’automne dernier, elle a cassé la baraque en décrochant sept médailles, dont trois d’or.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE MARY-SOPHIE HARVEY

Mary-Sophie Harvey

La native de Trois-Rivières a continué dans cette veine en enfilant les courses rapides sans ralentir la cadence à l’entraînement, réalisant quelques records personnels au passage.

Cette séquence a représenté une excellente préparation pour les deux rencontres en France, à l’horaire très chargé, en particulier à Nice, où les nageurs ne disposaient pas de bassin pour dénager, se contentant d’un vélo d’exercice. Cette limitation n’a pas empêché Harvey d’enchaîner trois chronos de 54 s le même jour au 100 m libre.

Plus les compétitions avancent, plus j’ai confiance et plus je suis sereine. Peu importe ce qui va se passer dans l’eau, je sais que ça va bien aller. Ça fait bizarre, mais j’ai 24 ans et je baisse mes temps comme si j’en avais 16 ! À vue d’œil, ça a l’air facile, mais c’est le résultat de la dernière année et demie d’entraînement constant. Ça commence à se percevoir.

Mary-Sophie Harvey

La maturité joue aussi un rôle. « Depuis le début de la saison, je fais vraiment plus de sacrifices, plus attention à moi. Je n’ai pas bu d’alcool depuis le mois d’août. Je m’assure d’avoir mes huit heures de sommeil, surtout quand on se lève à 4 h 30 pour l’entraînement. Je ne sors plus sans raison. Je priorise ma récupération. Je vois ma famille, les gens que j’aime. Ce sont de petits trucs qui pèsent dans la balance. »

Avant les Essais olympiques (13-19 mai), Mary-Sophie Harvey cherchera à poursuivre sur sa lancée en participant à une dernière compétition, l’Omnium canadien de Toronto, du 10 au 13 avril.

Harvey c. Savard

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La nageuse Katerine Savard

En annonçant qu’elle s’alignera au 100 m papillon à la première journée des Essais olympiques, Harvey a confirmé qu’elle se mesurera à Katerine Savard, son amie et ex-coéquipière au club CAMO, à Montréal, récemment déménagée au Club de natation région de Québec (CNQ) dans l’espoir de se relancer.

« J’adore Katerine, je veux qu’elle fasse bien et je lui souhaite le mieux, a d’abord précisé Harvey. Au bout du compte, la natation, ça reste un sport individuel. Ma place dans l’équipe n’est pas garantie. Je vais donc prendre toutes les occasions possibles pour m’en tailler une. »

Se qualifier au 100 m papillon lui offrirait aussi une chance supplémentaire de prendre part au relais 4 x 100 m quatre nages, avec l’optique de donner du repos à Maggie Mac Neil, championne olympique au papillon et meilleure Canadienne au 100 m libre.

Plus ou moins étonnée par la décision de Savard de changer de club, Harvey n’a pas échangé avec la triple athlète olympique depuis son passage surprise au CNQ après les derniers Mondiaux de Doha.

« C’est sûr que je suis triste de la voir partir, mais c’est un choix qui lui revient. Ce qui est important, c’est sa santé mentale, qu’elle aille bien et qu’elle retrouve un peu le plaisir. Si, pour ça, elle doit être plus proche de sa famille, ça se comprend très bien. »

De (rares) nouvelles de Penny Oleksiak

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Penny Oleksiak, aux Jeux olympiques de Tokyo, en août 2021

À peu près disparue des radars dans les deux dernières années en raison de blessures, Penny Oleksiak a effectué un retour très discret à la compétition au début de mars au Westmont Pro Swim Series, en Illinois. La septuple médaillée olympique, un sommet au Canada, n’a rien cassé dans les trois épreuves de crawl auxquelles elle a pris part (50, 100, 200).

Celle qui nage depuis l’automne au club Mission Viejo, dans le sud de la Californie, saura-t-elle trouver un autre tour dans son sac aux Essais olympiques ?

« On doit toujours s’attendre à quelque chose d’elle », a prévenu Harvey, qui l’a côtoyée à quelques reprises au Mission Viejo, où s’entraîne aussi son copain.

« Elle est très bonne pour réussir une performance incroyable au moment opportun. Elle a été présente aux deux derniers Jeux olympiques, pourquoi ne pas s’attendre à ce qu’elle y soit pour des troisièmes ? Ça va être un peu difficile sachant qu’elle part de loin, mais je ne serais vraiment pas surprise de la voir sortir une performance. »

Harvey estime que le 100 m libre représentera la meilleure chance d’Oleksiak. « On ne dirait pas non à une Penny aux Jeux dans un 4 x 100 libre. On en aurait grand besoin ! Je souhaite son retour. »