(Pékin) Il ne s’en souvient pas, mais il y a quelques années, j’avais rencontré Jordan Pierre-Gilles avec ses parents pendant des vacances. Il faisait du patin courte piste de bon niveau, mais était juste à la limite de l’équipe nationale. Un des nombreux appelés pour si peu d’élus.

La semaine dernière, au palais omnisports de la capitale, je le regardais avec Hamelin, Dubois et Dion, tourner furieusement pendant 45 tours vers la médaille d’or du relais, devant les Coréens et les Italiens. J’avais des frissons pour Hamelin, mais aussi pour cet athlète de 23 ans, rencontré par hasard, et qui a tant bûché pour arriver au sommet.

Pendant ce temps-là, les Jeux semblaient en flammes.

« Le jour où les Jeux sont morts », titrait le Telegraph de Londres. Le Tribunal arbitral du sport venait de permettre à Kamila Valieva de participer au programme de patinage artistique, malgré un résultat positif au dopage.

Il n’est pas trop difficile de dresser l’acte d’accusation du Comité international olympique (CIO) et de cette organisation milliardaire où siègent encore des barons d’anciens duchés en forme de paradis fiscaux. Juan Antonio Samaranch, le deuxième du nom, vient d’être réélu à la vice-présidence du CIO, que son père a dirigé pendant des années de joyeuse corruption et de dopage flambant.

Les Jeux viennent d’être tenus dans une dictature de plus en plus répressive – alors que les Jeux de 2008 devaient en signaler l’ouverture. C’était par défaut, tous les pays démocratiques ayant retiré leur candidature. Qui voudrait jamais organiser à l’avenir ce truc gargantuesque, trop cher, trop sécurisé ?

Et pourtant… Ce sera Paris en 2024, Milan en 2026, Los Angeles en 2028. En 2030 ? Déjà, Vancouver, Salt Lake City, Barcelone et Sapporo (toutes des villes entendant recycler des installations) ont levé la main.

Il y a encore, contre tout ce qu’il y a de tout croche, quelque chose ne voulant pas mourir dans l’idée antique du vieux baron de Coubertin.

La « jeunesse du monde entier » qui s’affronte tant bien que mal hors des haines et des conflits, on a beau dire, ça marche encore, même si on a perdu presque toutes nos naïvetés.

Il reste des Pierre-Gilles, un peu partout, qui bûchent pour venir se frotter aux meilleurs, et qui se rejoignent dans cet évènement sans pareil, pour finir en or ou en fond de grille.

N’organisez pas tout de suite les funérailles des Jeux.