À quelques jours du coup d’envoi des Jeux paralympiques de Tokyo, discussion avec l’ex-nageur Benoît Huot au sujet des athlètes canadiens et, surtout, de la progression du mouvement paralympique

Le Canada envoie 128 athlètes, dont 28 Québécois, aux Jeux paralympiques qui débuteront mardi. Le groupe comptera sur de grands noms, Brent Lakatos et Aurélie Rivard, entre autres. Mais il y a également un absent de marque dans la délégation.

Pour la première fois en 20 ans, Benoît Huot se présentera à des Jeux d’été sans son maillot, qu’il troquera pour le micro de Radio-Canada.

Il n’y verra pas de spectateurs en raison de la pandémie, mais croisera assurément plus de journalistes qu’à ses premiers Jeux, en 2000 à Sydney. Le simple fait qu’il soit lui-même envoyé au Japon – en compagnie de Jean St-Onge – démontre que le mouvement paralympique s’en va dans la bonne direction.

« Oui, c’est sûr qu’on est complètement ailleurs », lâche-t-il.

Il y a 20 ans, mieux valait ne pas chercher de journalistes canadiens en Australie. La quête aurait été longue…

Dans les médias, les exploits de Chantal Petitclerc étaient soulignés. Et puis, quelques topos de faits saillants. Essentiellement, la couverture se résumait à ça, dit-il.

« À Sydney, on avait remporté 96 médailles, fini troisièmes au classement, devant les Américains, donc on était une puissance mondiale. Et personne n’en parlait », se rappelle Benoît Huot, qui a remporté 20 médailles en cinq participations aux Jeux.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Huot, lors de l’annonce de sa retraite, en janvier 2019

Aujourd’hui, non seulement les Jeux paralympiques sont reconnus, mais ce qui me rend heureux, c’est que le sport paralympique rentre un peu dans une vague où nos gouvernements et différentes organisations à travers le monde font de l’inclusion et de la diversité une priorité.

Benoît Huot

Il y a encore beaucoup de travail à faire, ajoute cependant Huot. Comme c’est d’ailleurs le cas de bien des groupes minoritaires dans toutes les sphères de la société.

« Le rêve ultime, c’est de voir un jour la médaille paralympique avoir la même valeur aux yeux du grand public que la médaille olympique. On n’est pas encore là, mais on avance dans cette direction », dit-il.

L’importance de l’éducation

De la délégation canadienne, les Québécois Lakatos (para-athlétisme) et Rivard (paranatation) sont les plus médaillés, avec respectivement sept et cinq médailles paralympiques.

Pour ce qui est du nombre de participations aux Jeux, Karen Van Nest (paratir à l’arc) et Patrice Simard (rugby en fauteuil roulant) mènent le bal, eux qui en seront à leurs sixièmes paralympiques.

Des athlètes aguerris, donc, mais qui ne reçoivent pas encore l’attention correspondant à leur statut.

Parmi les défis, le travail à faire, il y a notamment l’éducation au monde paralympique. Au premier chef, le système de classification des handicaps des athlètes, « qui n’est pas simple », reconnaît l’ex-paranageur.

Par exemple, moi, j’ai un léger handicap [un pied bot]. Il n’y a pas une journée, lorsque j’étais athlète, pendant plus de 20 ans, où je n’avais pas un commentaire, une question ou quelqu’un qui me regardait de travers en se demandant ce que je faisais aux Jeux paralympiques.

Benoît Huot

Des commentaires du genre : « C’est sûr que tu gagnes toutes les médailles, ton handicap est léger. »

Mais en paranatation – l’un des 22 sports aux Jeux –, il y a 13 catégories différentes : 10 de handicap physique et 3 de handicap visuel, selon les degrés de la limitation.

« Le bon comparatif, c’est avec la boxe ou le judo, où il y a des catégories de poids. Nous, ce ne sont pas des catégories de poids, mais des catégories de handicap », illustre Huot.

Le nombre de ces catégories varie d’une discipline à l’autre. Pensons aux sports d’équipe où l’application de 13 catégories deviendrait tout simplement impossible.

« C’est important de partager, d’expliquer, de sensibiliser. C’est vraiment ça, je pense, le grand défi, non seulement au Canada, mais partout dans le monde : éduquer les gens sur ce qu’est le sport paralympique. »

Céline Dion et Michael Phelps

Un autre enjeu de taille est la place des Jeux paralympiques au calendrier.

« Pourquoi les met-on toujours après et non avant les Jeux olympiques ? demande Benoît Huot. Si on les faisait avant, je pense que ce serait peut-être plus facile d’amener les gens à s’y intéresser. »

En guise d’explication, il y va de nouveau d’un parallèle fort imagé en demandant ce qui se passerait si Céline Dion chantait avant une autre artiste. Si Céline chante en premier, la majorité des spectateurs quitteront ensuite la salle « parce qu’ils ont vu le gros show », poursuit Huot.

« C’est la même chose. Tu dis aux gens : “Vous venez juste de voir Michael Phelps remporter huit médailles d’or, mais en passant, il y a un athlète paralympique qui peut faire la même affaire dans deux semaines.” Les gens vont en faire peu de cas, ils viennent juste de voir la plus grande performance de l’histoire. »

Évidemment, à ce chapitre, il y a les diffuseurs majeurs, les NBC de ce monde, à convaincre. Or, par exemple, l’éventualité de perdre des cotes d’écoute lors de la cérémonie d’ouverture des JO parce qu’une partie de la population aurait vu celle des Jeux paralympiques ne leur plaît sans doute pas.

Alors, serait-il envisageable de les tenir simultanément ?

Du point de vue de la logistique et des calendriers de compétitions, ce serait difficilement réalisable, répond Benoît Huot. On n’a qu’à penser à l’horaire rodé au quart de tour à la piscine.

Mais, au terme de la discussion, il finira par évoquer l’idée de cette inclusion aux JO en leur ajoutant une troisième semaine.

Je pense qu’un jour, on devrait aller dans cette direction-là.

Benoît Huot, à propos de la possibilité de tenir les Jeux olympiques et paralympiques simultanément

Un jour, s’il survient, qui ne sera assurément pas dans un avenir rapproché, cela dit. Et pour l’instant, les Jeux paralympiques se dérouleront en pleine rentrée scolaire…

« Aurélie sera la star »

Qu’à cela ne tienne, ces Jeux retardés par la pandémie auront finalement lieu, du 24 août au 5 septembre. Des Jeux excitants, affirme Benoît Huot.

Nous lui avons demandé de nous parler de quelques athlètes québécois et canadiens à suivre. Il cite évidemment la nageuse Aurélie Rivard.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Huot et Aurélie Rivard lors de la présentation des Mondiaux de natation paralympique à Montréal, en 2013

« Aurélie sera la star, lance-t-il. Ce sera cinq ou six médailles, la plupart en or, à moins d’une catastrophe. »

En athlétisme, Brent Lakatos est encore favori dans plusieurs épreuves. Puis, il nomme Nathan Riech, à ses premiers Jeux, mais détenteur du record mondial sur 1500 m dans sa catégorie.

« Il est quasiment dans le standard olympique, souligne Huot. Personne ne lui arrive à la cheville. »

Et il ajoute Austin Ingram qui, à 17 ans, a raté le podium d’un centième de seconde au 100 m des Championnats du monde de 2019.

« Il voit seulement à 10 % environ », indique l’analyste. Son temps ? 10,99 secondes.

Cindy Ouellet est de nouveau de l’équipe du basketball en fauteuil roulant. Dans la même discipline, le Canada mise sur le retour de Patrick Anderson, qui s’était retiré après les Jeux de 2012, à Londres. À 42 ans, ses meilleures années sont derrière lui, « mais on a souvent dit qu’il était le Michael Jordan du basket en fauteuil roulant », raconte Huot.

En cyclisme sur piste, il faudra suivre Tristen Chernove, triple médaillé à Rio, en 2016.

Et Kate O’Brien, devenue paralympienne après une terrible chute au vélodrome de Calgary, en 2017. Gravement blessée à la tête, elle a mis deux ans et demi à s’en remettre.

« Elle va complètement dominer sa catégorie. Ça va être impressionnant », assure Benoît Huot.

Et puis, il y a les vétérans Patrice Simard et Fabien Lavoie, en rugby en fauteuil roulant.

Aux Jeux de 2016, le Canada avait pris le 14e rang – en vertu du tableau privilégiant les médailles d’or – avec 29 médailles, dont 8 d’or.

Les Jeux en chiffres

1964

Année où Tokyo a accueilli pour la première fois les Jeux paralympiques d’été. La capitale du Japon est la première ville à les recevoir une deuxième fois. Les tout premiers ont eu lieu à Rome en 1960.

2

C’est le nombre de nouveaux sports admis, mais aussi le nombre d’exclus. Le parabadminton et le para-taekwondo font leur entrée, tandis que la voile et le soccer à sept disparaissent.

22

Nombre de sports aux Jeux. Le Canada aura des participants dans 18 d’entre eux. Au total, 539 épreuves seront disputées.

162

C’est le nombre de comités paralympiques (pays ou régions) représentés – auxquels il faut ajouter l’Équipe paralympique des réfugiés – pour un total de 4237 athlètes. L’Afghanistan a dû se retirer en raison des troubles qui le secouent.

128

Nombre d’athlètes canadiens, y compris les guides. S’y ajoutent 113 entraîneurs et membres du personnel de soutien.

28

Nombre de paralympiens québécois au sein de la délégation canadienne

55 %

Proportion de femmes parmi les 128 athlètes du pays (71 femmes, 57 hommes)

64 ans

Âge de la doyenne des athlètes canadiens, Ruth Sylvie Morel, escrimeuse en fauteuil roulant

17 ans

Âge du plus jeune du groupe, Nicholas Bennett, en paranatation

57 %

C’est la proportion des athlètes canadiens qui ont l’expérience des Jeux paralympiques, soit 73 sur 128

26

Nombre d’athlètes du pays présents qui ont déjà remporté des médailles paralympiques

Sources : Comité international paralympique et Comité paralympique canadien

CONSULTEZ le site des Jeux CONSULTEZ le site du Comité paralympique canadien

Radio-Canada diffuseur officiel

CBC/Radio-Canada présentera sa plus importante couverture des Jeux paralympiques à ce jour. L’ensemble totalisera plus de 120 heures de couverture télé et plus de 1470 heures sur les plateformes numériques. Les cérémonies d’ouverture et de clôture ainsi que la majorité des épreuves seront présentées en direct et sur demande sur le site Radio-Canada.ca/jeux-paralympiques et sur l’application mobile. En après-midi seront présentées quotidiennement deux heures de compte rendu et d’entrevues en semaine, et trois heures d’émissions spéciales les jours de week-end. Ça commence le mardi 24 août à 6 h 45 avec la cérémonie d’ouverture en direct sur ICI Télé et sur le web.