En retrouvant sa famille à l’aéroport à son retour de Tokyo il y a 15 jours, Catherine Beauchemin-Pinard a pris sa médaille et l’a glissée au cou de son père.

Victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2019, le père de la judoka a aujourd’hui de la difficulté à parler et à se déplacer. Avant le départ de sa fille pour le Japon, il lui avait fait une demande toute spéciale, celle de rapporter une médaille olympique à la maison.

Demandez et vous recevrez : la native de Montréal s’est emparée du bronze chez les moins de 63 kg.

Des membres de sa famille s’étaient réunis à l’aéroport pour l’accueillir en bonne et due forme, le 28 juillet. Du lot, un paternel très fier, dont l’anniversaire avait d’ailleurs eu lieu trois jours plus tôt. Difficile de trouver meilleur présent, pas vrai ?

« J’étais vraiment contente qu’il soit là pour que je lui montre ma médaille et que je la lui mette au cou », dit l’athlète.

« C’est le plus loin que je pouvais aller pour lui, poursuit-elle. Que j’aille aux Jeux olympiques, c’était déjà incroyable pour lui, mais le fait que je lui rapporte une médaille, c’est un rêve devenu réalité. »

Quelle a été sa réaction, en voyant la médaille ?

« Sans mots. Pour vrai, il était sans mots, relate-t-elle. Il la regardait… C’est sûr qu’il a de la misère à parler, il ne parle pas beaucoup, mais il la regardait et il était comme : “wow” ! »

La maman aussi était fière, évidemment. Même si elle n’a probablement pas regardé un seul combat de sa fille ! Pas par manque d’intérêt, bien au contraire.

« Ça la stressait au plus haut point, lance la judoka en riant. Elle savait que je voulais gagner une médaille. En fait, elle ne regarde pas mes combats. Elle les regarde après avoir appris si j’ai gagné ou pas. C’est moins stressant ! »

Écrire l’histoire

À Tokyo, Beauchemin-Pinard et sa collègue Jessica Klimkait sont devenues les premières judokas canadiennes à remporter une médaille olympique.

La Montréalaise était bien au fait qu’elle pouvait écrire l’histoire si tout se passait bien au Japon.

« C’est clair que moi, dans ma tête, aller marquer l’histoire, c’était un de mes buts, admet-elle. Qu’on l’ait fait en même temps, Jessica et moi, c’est juste incroyable. »

« Pour l’instant, je ne le réalise pas, mais j’ai l’impression que je vais le réaliser avec Jessica dans les prochains mois parce qu’on va continuer à en parler, ajoute-t-elle. Je vais commencer à faire des cliniques avec les gens des clubs et voir les jeunes du judo. Je pense que c’est là que je vais plus réaliser l’impact de ma médaille. »

Parlons-en, de cette médaille durement remportée. Dans la capitale japonaise, l’athlète se mesurait aux mêmes adversaires qu’elle a l’habitude d’affronter dans d’autres compétitions. Même si son père lui avait demandé de rapporter une médaille, elle s’est assurée de se concentrer sur le « processus ».

« Je me disais : il faut vraiment que je “focusse” sur un combat à la fois, explique-t-elle. Je ne voulais pas trop penser aux résultats. J’y allais plus avec comment je voulais me sentir, me préparer, me réchauffer, me battre. Après ça, je me suis dit : si ça va bien, je vais réussir. »

Une stratégie qui a visiblement fonctionné. La judoka est particulièrement fière d’avoir été capable de se surpasser « la » journée où elle devait se surpasser. Parce qu’au judo, faut-il rappeler, toutes les compétitions d’une même catégorie se déroulent dans la même journée.

« Oui, je me bats toujours contre elles, mais en même temps, d’être capable de performer et de les battre aux Jeux, c’est différent, explique-t-elle. C’est ça que j’avais vécu un peu à Rio, dans le sens où je n’avais pas été capable de performer la journée où il fallait que je performe. À Tokyo, j’ai été capable et c’est ce que je suis vraiment contente d’avoir accompli. »

Après son combat final contre la Vénézuélienne Anriquelis Barrios, Beauchemin-Pinard avait affirmé à La Presse qu’une telle réalisation aurait probablement pour effet de motiver plus de jeunes filles à s’intéresser au judo. Voilà 15 jours que la judoka est de retour et, déjà, l’impact se fait sentir.

« La journée après ma médaille, j’ai reçu vraiment beaucoup de messages, raconte-t-elle. Il y a quelques personnes qui m’ont dit que ma médaille les inspirait. Il y a même des parents qui m’ont écrit qu’ils inscriraient leur fille au judo. C’était vraiment mignon, ça fait chaud au cœur. »

Conquérir les Championnats du monde

Même si elle a eu 15 jours pour souffler un peu, la judoka de 27 ans ignore encore si elle tentera un nouveau cycle olympique. Le mot d’ordre est d’y aller « une année à la fois ».

« Je vais voir si j’ai toujours la flamme, dit-elle. C’est surtout ça que je vais prendre en compte, si j’ai toujours la flamme et l’énergie pour continuer de me battre et de faire des compétitions. Si ça va bien, je vais continuer. Sinon, j’ai l’option de commencer à travailler en comptabilité, à faire mes stages. J’ai mes deux portes ouvertes, je ne sais pas encore ce qui va arriver. »

Elle n’entend pas cependant quitter le tatami de sitôt. Son prochain objectif est de prendre part aux Championnats du monde de 2022. Encore plus que d’y prendre part, elle veut y gagner une médaille. Sa première en Championnats du monde senior.

« Je veux démontrer que j’ai ma place sur le podium aux Championnats du monde aussi », lance-t-elle.

Un objectif tout à fait accessible, après une telle performance aux Jeux olympiques.