(Nashville) Lorsqu’elle a commencé à jouer au hockey, au tournant des années 1990, Julie Chu était essentiellement la seule fille à l’aréna. Plus de 30 ans plus tard, ce qui suscitait à l’époque la curiosité est devenu parfaitement normal. C’est ce qui confirme à l’Américaine de 41 ans que le changement est possible. Mais aussi qu’il prend du temps.

Chu était à Nashville, mardi, pour le lancement de la Coalition des joueurs pour l’inclusion. Il s’agit d’un regroupement d’athlètes, actifs ou retraités, dont l’objectif est de promouvoir la diversité au hockey. Le credo informel de la Coalition : après les consultations, les réflexions ou les recommandations, l’heure est à l’action. La LNH et l’Association des joueurs ont injecté 1 million dans la nouvelle entité, dont les coprésidents sont Anson Carter et P. K. Subban.

Une vingtaine de hockeyeurs – hommes et femmes – sont les premiers visages de la Coalition. Parmi ceux-ci, des personnes issues de minorités ethniques (Georges Laraque, Ryan Reaves et Sarah Nurse, par exemple) ou issues des Premières Nations (Ethan Bear, Brigitte Lacquette…), mais aussi des alliés qui n’appartiennent pas à des minorités culturelles. Ces membres fondateurs ont tous choisi une organisation à parrainer dans leur communauté respective et lui ont remis des sommes par le truchement du fonds d’action de la Coalition. Car, soutient-on, le changement ne peut pas passer que par des structures institutionnelles complexes. Il doit s’exercer sur le plancher des vaches, un joueur, une équipe à la fois.

Nous [les membres] devons utiliser toutes nos plateformes. Rejoindre les gens, travailler à la base. Pour que les jeunes se sentent représentés, qu’ils se voient, qu’ils se sentent bienvenus dans le hockey.

Julie Chu, ex-membre de l’équipe nationale américaine de hockey

Tout cela afin que la diversité ne soit plus seulement une vague idée, mais une nouvelle normalité.

« Je marche dans la rue, je vais au centre commercial ou dans des écoles, et je vois la diversité. Je veux que cette même communauté, celle de nos quartiers, sente que le hockey est pour elle », abonde Mark Fraser. Cet ex-joueur est aujourd’hui gestionnaire de la culture et de l’inclusion chez les Maple Leafs de Toronto. Même s’il n’a que 36 ans, des insultes racistes, il en a entendu lorsqu’il jouait au hockey mineur. Les choses ont évolué, constate-t-il. Mais le chemin à parcourir est encore très, très important.

« Le travail qu’on fait n’est pas pour demain ni pour l’an prochain. On n’en verra le fruit que dans des décennies, affirme-t-il. Ce n’est pas une question de ressources financières. Institutionnellement, le changement prend du temps. »

Lui aussi martèle donc l’importance de l’« éducation » par le truchement de figures connues, de personnes d’influence. Il lance un appel aux jeunes joueurs qui seront repêchés ces jours-ci : même si la grande majorité sera issue de familles blanches et privilégiées, « si on les éduque sur leur rôle, ils vont connecter avec des jeunes moins représentés ». « Tout le monde a un rôle à jouer », conclut-il.

Les infâmes chandails

Il y avait néanmoins une certaine ironie à assister au lancement d’une coalition pour l’inclusion en présence de Gary Bettman, alors que celui-ci avait annoncé deux jours plus tôt que la LNH abolissait le port de chandails thématiques pendant les périodes d’échauffement.

Le refus de certains joueurs d’arborer un maillot arc-en-ciel pour les Soirées de la fierté, en soutien à la communauté LGBTQ+, a soulevé la controverse au cours de la dernière saison. Des athlètes russes ont invoqué des menaces dans leur pays natal, tandis que d’autres se sont rabattus sur des motifs religieux. Des équipes ont aussi changé leurs plans à la dernière minute, provoquant un concert de critiques.

Si l’abandon de ces chandails semble aller à contre-courant de l’inclusion, les membres de la Coalition n’en font pas grand cas.

PHOTO BRIANNA THICKE, FOURNIE PAR CONCORDIA, ARCHIVES LA PRESSE

L’ex-hockeyeuse Julie Chu, entraîneure des Stingers de Concordia

Julie Chu, qui est en couple avec l’ex-hockeyeuse canadienne Caroline Ouellette, insiste : « La grande majorité des joueurs est inclusive. »

« Ils ont porté le chandail et ont compris pourquoi ils le faisaient, poursuit-elle. Oui, pour moi, c’était difficile à voir [ce refus], je préférerais que tout le monde appuie [la cause]. Mais énormément de choses superbes, en lien avec les Soirées de la fierté, ont été escamotées à cause de quelques joueurs. Si on regarde ce que les organisations ont fait au-delà de la période d’échauffement, il y a eu beaucoup de positif. »

Aussi, rappelle-t-elle, la création même de la Coalition sert à alimenter cette « conversation ». « Il y a beaucoup de place pour croître. Si ce n’était pas le cas, on n’aurait pas besoin de nous ! »