Au premier entracte samedi soir, les joueurs du Canadien retrouvaient leurs esprits après une période plutôt mouvementée qui s’est conclue 2-2.

La période avait été particulièrement mouvementée pour Michael Matheson. À son premier match dans l’uniforme du Canadien, ce Montréalais faisait partie du six partant. Son nom a donc été annoncé dans le Centre Bell, tout ça devant de nombreux proches venus assister à ce soir de première.

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Sauf qu’après ses deux premières présences, c’était déjà 2-0 pour la visite, et Matheson avait un beau -2 à sa fiche. Ce qui nous ramène au vestiaire à l’entracte.

« J’étais assis avec [Johnathan Kovacevic et Arber Xhekaj], et c’était clair qu’ils étaient mal à l’aise, comme s’ils se demandaient : “Qu’est-ce qu’on fait, est-ce qu’il faut lui dire quelque chose ?” Et je leur ai dit : “Le hockey est un drôle de sport. C’est un sport qui teste ta volonté.” Ç’aurait été trop facile d’arriver et de finir mon premier match à +3. C’est ce qui fait que c’est agréable. »

C’était agréable pour lui parce qu’au bout du compte, le Tricolore est reparti avec les deux points, dans une victoire de 5-4 en tirs de barrage sur les Flyers de Philadelphie. Une soirée de rêve pour Matheson, qui a essentiellement vécu toutes les émotions. En résumé :

  • les Flyers ont marqué à ses deux premières présences ;
  • il a lui-même marqué son premier but dans son nouvel uniforme en milieu de rencontre ;
  • il a passé quatre longues minutes au banc des pénalités après avoir été coupable d’un bâton élevé en fin de deuxième période ;
  • il était sur la patinoire pour l’indescriptible but égalisateur de Cole Caufield, avec trois secondes à jouer à la troisième période ;
  • il s’est sacrifié pour bloquer un dangereux tir d’Ivan Provorov dans les dernières secondes de la prolongation.

Le hockey à Montréal, ce n’est toutefois pas toujours des soirées enivrantes comme celle de samedi. Le public est certes plus indulgent cette saison, mais l’époque où l’équipe locale se faisait huer après un avantage numérique stérile n’est pas si lointaine.

« Ça revient à mon début de match : c’est tellement important de rester d’humeur égale, de ne pas être trop haut ou trop bas, a résumé Matheson. C’est correct d’en profiter, il n’y a pas d’autre aréna comme ça dans la ligue et tu dois le réaliser. Mais il est 22 h 35. Demain, c’est une nouvelle journée et on a un autre match mardi. J’ai vu mon fils et ma famille juste avant de venir vous voir, c’était plaisant. Je vais me coucher et me préparer pour demain. »

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Le gardien du Canadien Jake Allen

Héros pas si obscur

Si Matheson a passé une soirée si spéciale, c’est en partie grâce à Nick Suzuki.

Sa mise en scène pour préparer le but de Matheson était en effet digne des très bons passeurs de la LNH. Le regard rapide vers Matheson, le pivot sur lui-même pour tromper l’adversaire… Même son coéquipier Brendan Gallagher, posté à l’embouchure du filet, ne savait pas ce qui allait se produire. Imaginez les adversaires.

« Honnêtement, j’étais sûr que Nick me regardait. Il m’a bien eu. Mais il a probablement fait la passe au bon gars ! », rigolait Gallagher.

Matheson, lui, avait remarqué que Suzuki l’avait aperçu avant son pivot. « Donc j’ai essayé de rester là, de ne pas changer de direction et d’avancer lentement », a-t-il décrit. La rondelle a fini dans le filet.

Idem pour le but égalisateur. À part Caufield, qui au Centre Bell pouvait s’attendre à ce que Suzuki, avec trois secondes à jouer, tente une passe transversale vers le petit ailier droit ?

« Nos regards se sont croisés pendant une seconde », a relevé Caufield. Les yeux dans les yeux, ils ont ouvert le feu.

Bref, deux buts, deux jeux où Suzuki a trompé ses rivaux. « Il a du sang-froid. Même si tout va vite autour, mentalement, il voit les trous, il peut vendre un jeu. Nick joue beaucoup aux échecs, il ne joue pas aux dames !, estime Martin St-Louis.

« Si tu regardes sa feinte en fusillade, c’était aussi trompeur, a ajouté l’entraîneur-chef. Quand il descend du côté droit, ça lui arrive de tirer. Quand je dis qu’il joue aux échecs, c’est que les adversaires doivent respecter son tir. S’il ne tire jamais, Cole ne sera jamais à découvert. Nick vend le tir. C’est imprévisible. »

Jusqu’ici, la seule chose qui semble prévisible, c’est sa production offensive. Après 18 matchs, le voici à 23 points. Après près d’un quart de la saison, son explosion est sans doute une des meilleures nouvelles pour le Tricolore.

En hausse

Nick Suzuki

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Nick Suzuki

Si vous n’avez pas vu ses deux passes, réservez un billet d’avion pour Paris ; elles seront bientôt exposées au Louvre.

En baisse

Juraj Slafkovsky

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Juraj Slafkovsky

Seulement deux présences en troisième période. Il a terminé le match à -2.

Le chiffre du match

17

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Owen Tippett

C’est le nombre de tentatives de tir d’Owen Tippett dans ce match. Six de ses tirs ont été cadrés, six ont été bloqués par des patineurs et cinq ont raté la cible.

Ils ont dit

Ce n’était pas notre meilleur match, mais on en a fait assez pour gagner et on va le prendre. [À la toute fin], ça prenait une excellente passe et Cole a fini le jeu. […] Je suis ici depuis longtemps, et c’était un moment fort.

Brendan Gallagher

La grande majorité des joueurs vont tirer. Probablement 95 %. Je suis sûr qu’il a regardé le cadran. Il savait qu’il avait le temps et que Cole serait là. Son intelligence du jeu est incroyable.

Christian Dvorak à propos de la passe de Nick Suzuki en fin de match

C’est sûr qu’il y a l’aspect humain. Mais gérer les deux buts, c’est passer à autre chose, ne pas se morfondre, et ne pas essayer de trop en faire par après. Ce n’est pas comme si je leur avais mis les deux buts sur la palette non plus…

Michael Matheson sur son mauvais début de match

C’est sûr que toute sa famille n’avait pas prévu ça ! Mais je crois que [son but] sera un grand moment pour lui. C’est bon de l’avoir parmi nous.

Martin St-Louis sur le retour de Matheson

[Michael Matheson] est un freak. À l’entraînement, il ne se fatigue jamais. Il est construit différemment. On savait qu’il serait prêt pour ce soir.

Joel Edmundson

Ce n’était pas un de nos meilleurs matchs. En général, je pense qu’on a mieux joué à Columbus, où on a perdu. Ce n’est pas une ligue facile, mais on a trouvé une manière de gagner. À 6 contre 5, nos gros joueurs ont exécuté de gros jeux. Ils nous ont sortis du trou. On a commis beaucoup d’erreurs, on va corriger ça. C’était une victoire de caractère.

Martin St-Louis

Sur le but égalisateur, le bâton de [Noah] Cates est au mauvais endroit. [Patrick] Brown doit couper cette passe. C’est quelque chose dont on avait parlé aujourd’hui même. Les gars essaient, ils ne sont pas paresseux, ils écoutent. Mais ils ne sont pas prêts. Cates a disputé combien de matchs dans la LNH ? [NDLR : 35] Je le place dans des situations auxquelles je n’aurais jamais pensé. Il apprend sur le tas.

John Tortorella

On ne sait pas comment gérer un match. On paniquait avec la rondelle alors qu’on tentait de mettre fin à la rencontre.

John Tortorella

Simon-Olivier Lorange

Dans le détail

Mike Hoffman amoché

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Morgan Frost et Mike Hoffman

Mike Hoffman n’a pas joué du tout en troisième période, samedi. Un état de fait qui a dû ravir une frange d’internautes qui se réveillent la nuit pour le critiquer, mais qui n’avait rien à voir avec ses performances. L’attaquant s’est blessé au deuxième vingt, a confirmé Martin St-Louis après la rencontre, sans fournir davantage de précisions. Hoffman est toutefois demeuré au banc des siens jusqu’à la fin du match, exécutant quelques tours de glace pendant les pauses publicitaires. Il a indiqué à son entraîneur qu’il serait en mesure de contribuer à l’avantage numérique, mais pas davantage. Les Flyers n’ont pas été punis en troisième, et bien que St-Louis aurait pu décider de l’employer avec six patineurs sur la glace, il s’est abstenu, invoquant que son joueur n’avait justement pas joué de la période. Hoffman subira des évaluations additionnelles dimanche, et on devrait savoir lundi si sa blessure l’obligera à rater des matchs.

St-Louis 1 Tortorella 0

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John Tortorella

À l’approche du premier duel entre Martin St-Louis et John Tortorella, on a fait grand cas, au cours des derniers jours, de l’amitié qui unit les deux hommes depuis leurs années à Tampa. « Son équipe travaille fort, et je suis sûr qu’il est content de la manière dont elle a joué ce soir », a prédit St-Louis pendant son point de presse d’après-match. « Ils méritaient mieux », a-t-il ajouté. À l’évidence, il connaît bien son client. « Je crois qu’on a donné beaucoup de bon hockey, venait à peine de dire Tortorella près du vestiaire des Flyers. On a encore beaucoup de choses à apprendre. […] Ce n’est pas le résultat qu’on voulait, mais je préfère m’intéresser au portrait global. Je ne quitte jamais l’aréna fâché lorsqu’on a travaillé aussi fort. » Un reporter a par ailleurs demandé à St-Louis s’il avait osé chercher le regard de son vis-à-vis après le but égalisateur. « Non, j’ai trop de respect pour lui », a-t-il répondu. « Il souriait », a-t-on entendu dans la salle. « Moi aussi ! », a rétorqué le pilote du CH dans un grand éclat de rire.

Owen Tippett en fête

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Owen Tippett et Sean Monahan

Après avoir échoué à trouver ses repères dans l’organisation des Panthers de la Floride, Owen Tippett gagne en confiance chez les Flyers. Évoluant sur le premier trio samedi soir, l’ailier droit de 23 ans a donné tout un spectacle au Tricolore et à ses partisans. Sur son premier but, son tir précis a frôlé la barre horizontale avant de tomber dans le filet. Sur son deuxième, il a tiré dès la mise au jeu, surprenant Jake Allen qui ne s’attendait pas à ça. Et il aurait pu ajouter au moins un autre but, ne serait-ce qu’en début de deuxième période lorsque, après avoir déculotté Kaiden Guhle, il a tiré directement sur le poteau. « Il joue physiquement, il tente de battre les défenseurs à un contre un, il fait des passes solides, a énuméré son entraîneur après le match. Ce sont des choses qu’on remarque et qui le serviront bien à court et à long terme. Je vois une belle croissance devant lui. »

Simon-Olivier Lorange