« Je pense qu’il n’y a pas un jeune joueur qui ne sacrifierait pas tout pour se retrouver ici. C’est une partie du prix à payer. Je l’ai payé. Si c’était à refaire, est-ce que je le ferais de nouveau ? Vous savez bien que oui. »

On s’attendait à l’entendre parler de son genou. De sa rééducation, d’une possible opération, du spectre de la retraite. C’est évidemment arrivé. Mais c’est avant tout à une déclaration d’amour envers son sport que Carey Price s’est livré, lundi matin.

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S’adressant aux membres des médias montréalais pendant plus de 20 minutes, le gardien vedette du Canadien a témoigné, avec une ouverture et une candeur rarement vues chez cet athlète capable d’être froid, d’à quel point le hockey lui manque.

Il s’ennuie évidemment de la compétition, mais aussi du temps passé à l’aréna, de rire avec ses coéquipiers en jasant de tout et de rien. Toujours en rééducation à la suite d’une opération à un genou subie il y a plus d’un an, il gravite encore dans l’entourage de l’équipe, mais il se garde de s’imposer.

Il ne veut pas monopoliser les « ressources du club », surtout pas au détriment de joueurs actifs. « Ils travaillent fort chaque jour avec les thérapeutes, je ne voudrais pas freiner leurs progrès », a-t-il souligné.

Il a encore ses amis proches dans l’équipe, mais il voit aussi se multiplier les nouveaux visages. Il apprend peu à peu à les connaître, encore là sans rien précipiter. « Je veux respecter leur espace », dit-il, presque pudiquement.

En réalité, il aimerait drôlement être à leur place, surtout les plus jeunes.

J’envie les jeunes qui arrivent dans la ligue. Le niveau de jeu est meilleur que jamais. Ils sont chanceux.

Carey Price

A-t-il disputé, le 29 avril dernier, l’ultime match de sa carrière ? Peut-être. Sûrement, en fait. Son dossier médical laisse croire que oui. Opéré à un genou en juillet 2021, quelques jours après avoir transporté son équipe jusqu’en finale de la Coupe Stanley, il a passé toute la dernière saison en rééducation. Après deux régressions, il a finalement pu augmenter la cadence à l’entraînement et disputer cinq matchs à la toute fin du calendrier.

Son genou n’a pas répondu de la manière dont il le souhaitait. L’enflure n’a jamais cessé. La douleur non plus. Il la ressent chaque fois qu’il monte ou descend les escaliers chez lui, encore davantage lorsqu’il a l’un de ses trois enfants dans les bras.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Carey Price

Au revoir

Sans aller jusqu’à dire adieu, il lance un inévitable au revoir aux partisans, à son équipe et au hockey. « C’est quelque chose qu’il faut prendre le temps de digérer. Je ne l’ai pas encore fait totalement », avoue-t-il.

Price n’est pas dupe : il faudrait une sorte de « miracle » pour qu’il joue de nouveau.

Au cours de la dernière année, trois expertises médicales ont convergé vers la même conclusion : c’est probablement une nouvelle opération qui lui donnerait les meilleures chances de revoir une patinoire de la LNH.

L’opération en question, toutefois, est loin d’être attirante. Le gardien le dit d’abord doucement : « Je ne raffole pas de cette option. » Puis sans détour : « Ça me fait peur. »

Ce qui l’attendrait, s’il empruntait cette avenue, c’est une « autogreffe ostéochondrale », mieux connue sous son acronyme anglais OAT, qui consisterait à lui greffer des morceaux d’os et de cartilage prélevés à même une partie saine de son genou. Un récent article du site Athlétique a expliqué l’intervention en détail.

Cette opération est trop « intrusive » au goût du gardien, au regard de ses chances de succès, notamment. Citant une étude américaine, l’article d’Athlétique parle d’un taux de 72 %, amenuisé chez les patients ayant déjà subi une opération – ce qui est exactement le cas de Price. Et encore, il s’agit là de la possibilité de retrouver un quotidien dit « normal », pas celle d’un gardien de la LNH de retrouver toute son aisance devant son filet. En point de presse, Price a plutôt parlé de probabilités s’approchant des 50 %.

« Ça veut dire qu’il y a 50 % des risques que ça ne marche pas », a-t-il tranché. D’autant plus qu’il compose déjà avec les conséquences de vieilles blessures aux chevilles, aux hanches et au dos.

À ses yeux, le jeu n’en vaut pas la chandelle à ce point-ci, d’autant plus que la douleur est suffisamment gérable pour affronter son quotidien de père de famille. « Être capable de continuer à jouer avec mes enfants est la chose la plus importante pour moi. » Pas question, donc, de risquer de perdre cet acquis.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Carey Price

Positif

Il n’empêche qu’il n’est pas dans ses plans, « en ce moment », de prendre sa retraite. « On va y aller étape par étape », a-t-il insisté.

Malgré la « frustration » que lui a procurée une rééducation jusqu’ici infructueuse, il garde le cap. Ayant consulté quelques personnes qui ont subi la même opération que lui, il note qu’il n’est pas rare que la rééducation prenne plus d’un an. Il poursuit donc ses traitements en rêvant d’une guérison. Peut-être recevra-t-il une autre injection de plasma riche en plaquettes, comme il l’a fait pendant l’été.

« J’ai toujours été optimiste, a-t-il assuré. Je veux me concentrer sur le positif de ma vie. » Passer du temps en famille, découvrir le Québec « hors de Brossard et du centre-ville », surtout en automne, sa saison préférée – celle de la chasse, tiens donc. Il est pleinement conscient, malgré les circonstances, de son statut de privilégié.

Il découvre aussi une vie nouvelle « hors de la bulle » de la LNH. En 15 ans de carrière avec le Canadien, il n’a jamais été aussi visible dans l’espace public. Il a été aperçu avec sa femme au récent match que les Raptors de Toronto ont disputé au Centre Bell. Le week-end dernier, à l’invitation des Alouettes de Montréal, il s’est rendu au stade Percival-Molson avec ses enfants. Son aînée, Liv, lui a alors servi d’« assistante personnelle » en lui apportant des ballons que lui remettaient des partisans afin de les faire autographier.

Price, en outre, a lui-même pris la parole dans une vidéo publiée sur le compte Instagram du Canadien, pour convier le public à la collecte de sang de l’organisation. D’ailleurs, il a indiqué que Geneviève Paquette, vice-présidente responsable de l’engagement communautaire chez le Tricolore, avait des projets pour lui.

Autant d’indices qui ressemblent à la routine d’un athlète à la retraite. Mais il n’est pas encore prêt à faire ses adieux.

Peut-être que si un miracle se produit, je pourrai revenir.

Carey Price

Il n’a toujours pas abandonné le rêve de gagner la Coupe Stanley. Ce qui est intrigant, toutefois, c’est de l’entendre aujourd’hui ajouter : « peu importe dans quel rôle ».

Sera-ce en complet-cravate ou en équipement de gardien ? Sur la glace ou derrière le banc ? Lui-même ne le sait pas encore.

Son souhait le plus cher, toutefois, est bien clair.

Son espoir, aussi mince soit-il, ne s’est pas éteint. Et ce, malgré toute la douleur qu’il ressent.

Si ce n’est pas de l’amour, ça…