C’est la fin de l’après-midi lorsque Jordan Hill répond. Parent de jeunes enfants, il arrive à ce moment de la journée pas toujours commode pour jaser au téléphone.

Mais deux fois plutôt qu’une, il assure : « Pour Nick Suzuki, j’ai toujours du temps. »

Jordan Hill est entraîneur associé de l’Attack d’Owen Sound, dans la Ligue junior de l’Ontario. C’est ce club qui, le premier, a cousu un « C » sur le chandail de Suzuki (à l’avant, car à l’arrière, on aurait lu Suzukic) à un haut niveau. Même si Suzuki a terminé son stage junior à Guelph, ses liens avec son ancienne équipe demeurent serrés.

Pas plus tard que la semaine dernière, Hill lui a parlé. « Nick ne m’a même pas dit qu’il allait être nommé capitaine du Canadien ! », lance Hill en rigolant. Autre exemple : le numéro 14 du CH fait encore partie du pool de football de l’Attack. « C’est cool pour les jeunes d’être dans un pool avec Nick Suzuki ! », souligne-t-il.

S’il a toujours du temps pour son ancien joueur, c’est que l’inverse est aussi vrai.

« Il fait l’effort de prendre des nouvelles de temps en temps et c’est dur de faire ça au niveau où il est rendu », estime Hill, lui-même un ancien joueur qui a disputé 211 matchs dans la Ligue américaine.

« Je le texte parfois après de bons matchs et il me répond toujours. Je l’ai entraîné deux ans. C’est un gars avec qui tu veux aller à la guerre. C’est une bonne personne. »

Un choix des joueurs

C’est au camp d’entraînement en 2018 que Suzuki est nommé capitaine de l’Attack. Suzuki a alors 19 ans.

L’année précédente, il faisait partie des adjoints, et avec le départ du capitaine Jacob Friend, le choix du successeur « allait de soi ». « Il était le candidat des entraîneurs, mais on a tout de même fait voter les joueurs, et ils pensaient comme nous », raconte Hill.

« J’ai demandé aux joueurs de donner leur top 3 et Nick a vraiment dominé le vote », ajoute Todd Gill, qui était alors entraîneur-chef de l’Attack.

Il était respecté, il travaillait fort aux entraînements. C’était déjà un pro au junior.

Todd Gill, ancien entraîneur-chef de l’Attack d’Owen Sound

Cette saison 2018-2019 était entamée depuis trois semaines que Suzuki avait déjà réalisé quatre performances de trois points ou plus. « Mes meilleurs souvenirs, c’était quand il prenait le contrôle d’un match, décrit Jordan Hill. C’était des choses que seul Nick pouvait faire, la rondelle le suivait. C’était incroyable de voir comment il pouvait changer un match avec son cerveau et ses habiletés. »

L’autre aspect du leadership de Suzuki qui ressortait, c’était sa capacité à demeurer d’humeur égale, à ne pas s’emporter quand ça chauffait. Ça adonne bien pour lui, parce qu’à moins de s’appeler Connor McDavid, il est beaucoup plus difficile de prendre le contrôle d’un match dans la LNH, étant donné le calibre.

« Je pense qu’il maîtrise mieux ses émotions que quiconque que j’ai connu. Dans les gros matchs, il se lève au bon moment. Et quand ça va mal, il reste positif, résume Jordan Hill. Montréal, c’est comme Toronto. Son calme va l’aider. Des joueurs peuvent se laisser abattre par la pression du marché, mais lui ne se laisse pas affecter par ça. »

Les entrevues avec Jordan Hill et Todd Gill ont eu lieu séparément. Sans se consulter, les deux hommes emploient le même terme pour décrire la personnalité du centre : « even-keeled » (d’humeur constante).

« Peu importe les hauts et les bas, il était tellement stable et c’est ce qui lui permettait de connaître du succès, décrit Todd Gill. Je sais que Nick n’est pas Steve Yzerman, mais il me le rappelait. J’ai eu la chance de jouer avec Steve. Dans les plus gros matchs, il jouait avec calme. Des mauvaises présences, ça arrive, mais sa façon de se comporter ne change jamais. »

Gill a connu Yzerman à Detroit, mais auparavant, il avait joué 12 ans à Toronto, un autre marché pas réputé pour sa tranquillité. Il a donc une idée de la pression qui attend le capitaine dans une telle ville. Dans les circonstances, donner le « C » à un jeune de 23 ans n’est pas anodin.

« Ça en dit long sur ce que la direction pense de Nick en lui confiant ce rôle, observe Gill. Nick n’est pas le gars qui va se lever et crier dans le vestiaire. Il va mener par l’exemple.

« Il est jeune, même s’il a quelques années d’expérience. Nick est probablement un des jeunes les plus matures que j’ai entraînés. Il sait ce qu’il veut et ce qu’il doit faire pour l’obtenir. »