Peut-être était-ce la joie de se retrouver sur le gazon minutieusement entretenu d’un terrain de golf. Peut-être était-ce le ciel sans nuage qui inspirait l’optimisme en ce lundi matin. Peut-être était-ce l’effet envoûtant des musiciens jazz qui accueillaient les invités, quoique le Titanic nous a appris qu’un groupe de musique qui se produit n’annonce pas toujours de bonnes nouvelles.

Toujours est-il qu’à l’amorce d’une saison qui, selon une majorité d’experts, se conclura le 13 avril pour le Canadien, Joel Edmundson avait un message très clair.

« Il n’y aura pas d’excuses si on rate les séries. On pense en fonction d’une qualification pour les séries et ensuite, tout est possible. On ne voit pas ça comme une reconstruction. »

De tous les intervenants rencontrés au tournoi de golf du Tricolore, Edmundson a été – de loin – le plus catégorique. Sa réaction est normale, remarquez. Quel signal enverrait le nouvel adjoint au nouveau capitaine s’il arrivait déjà résigné ?

Je pense qu’on va surprendre beaucoup de monde. Plusieurs joueurs sont arrivés en ville quelques semaines avant le camp, on sent l’enthousiasme dans le vestiaire. L’an passé, c’était une première étape. On a quelque chose à prouver, on veut participer aux séries.

Joel Edmundson

Ses coéquipiers ont opté pour des formules moins contraignantes. « Il y aura des obstacles en chemin, mais on va faire un pas vers l’avant cette année, puis un autre l’an prochain », a prédit le gardien Jake Allen.

« Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent. Les gars dans le vestiaire savent ce qu’on peut accomplir, a opiné Cole Caufield. On va croire en nos capacités, espérer connaître un bon départ et on verra ce qui arrivera. »

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Cole Caufield

Et Martin St-Louis, lui ? « Je ne sais pas si on est en reconstruction ou pas. Les attentes peuvent changer pendant l’année », a-t-il rappelé, avant de souligner qu’il ne souhaitait pas qualifier en « un mot » la situation de son équipe. « Peut-être que dans deux ou trois mois, on va avoir une meilleure idée d’où on en est », a poursuivi l’entraîneur-chef du CH.

Déséquilibre

Ces paroles contrastent avec une analyse froide de l’équipe.

Commençons à l’avant où, avec un effectif en santé, le Canadien pourrait compter sur 11 attaquants touchant 3 millions de dollars ou plus par saison. Les 31 autres équipes de la LNH en comptent en moyenne six chacune. Tout dirigeant rappellera qu’un élément essentiel d’une formation équilibrée est de compter sur un certain nombre de joueurs productifs à « faible » salaire.

Ce déséquilibre est corrigé à la ligne bleue, alors que le CH affiche la plus petite masse salariale en défense (15,155 millions, selon CapFriendly). Ces économies viennent avec de l’incertitude ; celle de déployer deux ou trois défenseurs très inexpérimentés, soir après soir. Les trois principaux candidats pour une permanence cette saison, soit Kaiden Guhle, Justin Barron et Jordan Harris, totalisent 17 matchs dans la LNH. À moins qu’un de ces trois devienne un Moritz Seider, l’intégration pourrait être douloureuse par moments.

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Jake Allen

Je préfère aborder la situation avec optimisme. Oui, il y aura des moments difficiles, mais ça fait partie de l’apprentissage. Ces jeunes sont très bons. Ils arrivent dans un nouvel environnement. Une fois qu’ils auront leurs repères, ils seront meilleurs, et avec [Edmundson, David Savard et Michael Matheson], on a des vétérans pour les aider.

Jake Allen

La situation devant le filet sera tout aussi incertaine, maintenant que Carey Price est écarté. Allen a déjà été titulaire en début de carrière, mais l’an dernier, les blessures se sont multipliées quand sa charge de travail s’est alourdie.

Son adjoint, Samuel Montembeault, a disputé une partie de la dernière saison en dépit d’une blessure à une main ; son rendement, lorsqu’il est en santé, demeure difficile à prédire.

Ajoutez à cela une division déjà forte, qui compte deux des équipes les plus améliorées (les Sénateurs d’Ottawa et les Red Wings de Detroit), et les éléments sont réunis pour une saison de transition.

Partir de loin

Enfin, l’histoire récente suggère qu’il sera difficile pour le Tricolore de faire un grand saut vers l’avant.

Montréal a conclu la dernière campagne au 32rang du classement général. Or, en neuf campagnes depuis le lock-out de 2012, seulement deux équipes de dernière place ont participé aux séries la saison suivante : l’Avalanche du Colorado de 2017-2018 et les Maple Leafs de Toronto de 2016-2017. Mais la première équipe comptait sur Nathan MacKinnon et Mikko Rantanen ; la deuxième, sur Auston Matthews et Mitch Marner.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Jusqu’à preuve du contraire, le CH ne compte pas de tels phénomènes dans ses rangs pour rebondir. Juraj Slafkovsky est très prometteur, mais on ignore encore s’il passera la saison à Montréal ou à Laval. Lui prédire une année recrue comme celle de Matthews il y a six ans serait hautement imprudent.

Mais tout ce beau monde a espoir qu’avec un entraîneur-chef qui aura eu un camp d’entraînement pour inculquer ses concepts, un entraîneur qui a permis à l’équipe de présenter le 24dossier de la LNH à compter de son embauche, en février, une forme de progression est envisageable.

Si ça ne mène pas aux séries, ce n’est pas Geoff Molson qui s’en formalisera, parce qu’il voit plus loin que 2023.

« Il faut prendre le temps nécessaire pour accomplir nos objectifs et avoir une équipe gagnante à long terme, a dit le proprio. Je ne suis pas pressé du tout. »