Notre collègue André Duchesne a publié la semaine dernière un ouvrage racontant la petite histoire derrière les entraîneurs du Canadien de Montréal. Voici deux extraits au sujet de Claude Ruel et de Dick Irvin.

Peu après avoir été nommé 14e entraîneur de l’histoire du Canadien de Montréal, le 10 juin 1968, Claude Ruel se fait une promesse. Si l’équipe remporte le championnat de la saison régulière, Ruel et son épouse Claudette Frappier vont entreprendre des démarches pour adopter un garçon.

Moins d’un an plus tard, en mai 1969, non seulement Ruel a remporté son pari, mais l’équipe met la main sur la 16e Coupe Stanley de son histoire. Celui qu’on appelait affectueusement Piton ne pouvait rêver d’un meilleur scénario.

Dans l’avion qui ramène l’équipe de Saint-Louis avec la Coupe Stanley, Ruel, heureux et volubile, s’épanche. Selon ce que rapporte La Presse, il déclare : « Je me suis dit : merci mon Dieu. J’espère avoir accompli ma besogne. Mais je sais que j’ai fait mon possible. Je ne pouvais demander plus pour ma première saison. Le trophée Prince de Galles était mon premier objectif. La Coupe Stanley ne vient que mieux couronner cette saison formidable. »

Aux journalistes, Ruel évoque son désir et celui de son épouse de devenir parents. Le couple s’apprête à entreprendre des démarches officielles d’adoption. La promesse que Ruel s’est faite à lui-même sera remplie.

Mais avant cela, une autre surprise attend le jeune entraîneur. Pour lui démontrer leur gratitude, les joueurs du CH se cotisent et lui offrent... un cheval !

L’ambleur de quatre ans se nomme Mr. Paul. L’animal est présenté à Ruel, grand amateur de courses sous harnais, par Jean Béliveau, Serge Savard et John Ferguson à l’hippodrome Blue Bonnets.

Au début du mois d’août 1969, les corridors du Forum de Montréal bourdonnent à nouveau avec le retour au travail des membres de la direction et du personnel de l’administration du Canadien. Aux journalistes qui le croisent, Ruel confie que le dossier d’adoption progresse. Le tout se concrétise en novembre, entre deux matchs du CH. Adopté à la crèche, le petit Jean, trois mois, arrive dans le foyer familial pour la plus grande joie de ses parents.

Jean, en l’honneur de Jean Béliveau. Claude Ruel ne fait pas de mystère autour du choix du prénom, ayant la plus grande admiration pour son capitaine qu’il qualifie « d’idole de [s]on enfance ».

Le détenteur du chandail numéro 4 est « profondément honoré » de cette attention. « Ce geste me réjouit autant que la conquête de n’importe quel trophée que j’ai pu remporter depuis le début de ma carrière », répond Béliveau avec toute l’élégance qu’on lui connaissait.

« J’espère qu’il deviendra un amateur de sport et surtout du hockey, du baseball et des courses de chevaux », ajoute Ruel à propos du bambin.

Dick Irvin : des oiseaux dans le Pullman

Être à ce point passionné d’oiseaux est une activité qui nécessite temps et argent. Dick Irvin s’y consacre à l’année. Cela inclut les longs mois de la saison de hockey. En fait, il lui arrive de profiter des déplacements en train de son équipe dans les autres villes de la LNH pour revenir à Montréal avec des cages de précieux oiseaux dans ses bagages. Idem pour Frank Selke. Une habitude qui a évidemment fourni une ou deux savoureuses anecdotes.

À l’époque, les voyages sont longs entre Montréal et Detroit ou Chicago, à bord des trains aux légendaires voitures-lits Pullman. Lorsque Irvin laisse la porte de son wagon ouverte, les joueurs doivent se tenir tranquilles. Lorsque la même porte est fermée, ils sont plus libres de leurs mouvements et peuvent prendre une bière.

On ne sait pas si la porte était ouverte ou fermée, mais un jour, ou plutôt une nuit, alors que l’équipe revient d’un autre match et que tous prennent du repos, un joueur recrue n’ayant pas sommeil a la très mauvaise idée d’aller voir les cages de plus près. Curieux et naïf, il ouvre les portes de celles-ci, laissant la voie libre aux oiseaux trop heureux de pouvoir se dégourdir les ailes !

Gérard Champagne, un journaliste au cahier des Sports de La Presse qui a longuement couvert le Canadien, raconte l’histoire dans un article souvenir : « Les pigeons de messieurs Irvin et Selke ont volé dans toutes les directions du train. Tous les joueurs réveillés en sursaut ont ensuite assisté au spectacle d’un Dick Irvin furieux en train de sermonner la recrue tout en pourchassant les volatiles », écrit-il.

Champagne ajoute que ce genre de cocasserie avait le don de dérider tout le monde, surtout lorsque l’équipe avait perdu la rencontre et que le retour à la maison s’éternisait.

Dans son autobiographie Le sport c’est ma vie, le journaliste Jacques Beauchamp affirme que cet évènement est en fait survenu au retour d’une défaite du Tricolore à Detroit et que le coupable était le joueur d’avant Fernand Majeau. Ce dernier a joué 56 matchs de saison régulière avec le Canadien (son unique présence dans la LNH) de 1943 à 1945, avec une fiche respectable de 22 buts et 24 passes.