Torey Krug a fait ses valises. David Krejci et Zdeno Chara aussi. Tuukka Rask a dû se résoudre à prendre sa retraite.

En relativement peu de temps, les Bruins de Boston ont vu partir des joueurs qui non seulement les avaient aidés à atteindre la finale de la Coupe Stanley en 2019, mais aussi étaient intimement liés à l’identité du club.

En prolongeant sa carrière d’un an, Patrice Bergeron évite aux Oursons de perdre l’un de leurs plus grands leaders de la dernière décennie et l’un des plus grands joueurs de l’histoire de la franchise, point.

Mais après que Krejci, rentré au bercail après un an en Europe, et le Québécois eurent signé des ententes d’un an plus tôt cette semaine, on peut légitimement se demander si les Bruins ne s’offrent pas une dernière chance. Une ultime tentative de gagner avec l’un des meilleurs trios de la LNH, sinon le meilleur, celui de Bergeron, Brad Marchand et David Pastrnak.

Car il n’y a pas que Krejci et Bergeron dont le contrat arrivera à échéance l’été prochain. Au total, ce sont sept attaquants qui deviendront joueurs autonomes sans compensation. Cela inclut Pastrnak, dont un proche confiait à The Athletic en juin qu’il était loin d’être enchanté par le travail de la direction.

En attaque, seuls Brad Marchand, Taylor Hall, Charlie Coyle et Jake DeBrusk sont liés aux Bruins pour la saison 2023-2024. Et il n’est pas acquis qu’ils porteront alors l’uniforme noir et jaune.

« Adversité »

En s’adressant aux médias, lundi, Patrice Bergeron a insisté sur le fait qu’il abordait chaque saison « une à la fois ». Et que celle qui s’amorcera en octobre prochain serait rapidement ponctuée d’« adversité ».

C’est peu dire. Opérés le printemps dernier, Brad Marchand, Charlie McAvoy et Matt Grzelcyk rateront les premiers mois. Grzelcyk vise un retour au début de novembre ; Marchand et McAvoy, un mois après.

Traduction : les Bruins devront survivre à l’amorce de la saison sans leur premier duo de défenseurs et sans l’un des meilleurs attaquants de la ligue.

C’est connu, passé la Thanksgiving, fin novembre, les équipes qui ne sont pas dans le portrait des séries éliminatoires ont peu de chances d’y accéder le printemps venu. Le positionnement des Bruins à ce moment sera donc crucial.

Car un important retard sur une qualification aux séries pourrait sonner le départ d’une reconstruction. Le cas échéant, le ménage pourrait être spectaculaire.

Pastrnak, surtout s’il est vrai qu’il est déjà d’une humeur non optimale, serait-il tenté de s’entendre à long terme avec une équipe qui prend un pas de recul ? Rien n’est moins sûr. Bergeron a assuré, lundi, que se joindre à un club capable d’être compétitif le motivait ; serait-ce encore vrai avec une équipe destinée au fond du classement en 2023-2024 ?

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

David Pastrnak

Si Don Sweeney recevait le feu vert pour liquider des actifs, il pourrait faire des affaires d’or. À la date limite des transactions, Pastrnak serait, sans l’ombre d’un doute, le joueur le plus convoité du circuit. Nick Foligno, Pavel Zacha, Craig Smith et Tomas Nosek devraient eux aussi trouver preneur facilement.

À ce moment, ou même au cours de l’été, on pourrait se résoudre à échanger Brad Marchand, quatrième marqueur du circuit depuis cinq ans. Dans son cas comme dans celui de Pastrnak, le DG ne se gênerait pas pour imposer des demandes démesurées.

Inévitable ?

En réalité, le scénario de changements majeurs dans l’effectif semble quasi inévitable. En regardant de plus près la structure salariale des Bruins, on peut même se demander si une bonne performance en 2022-2023 ne serait pas une mauvaise nouvelle.

Le constat est cynique, mais réaliste. En accordant des bonis de performance totalisant 3,5 millions à Bergeron et à Krejci, Sweeney s’est donné une marge de manœuvre : s’il manque d’espace sous le plafond salarial en 2022-2023, il peut les reporter au budget de la saison suivante. Et donc pelleter un problème en avant.

Si les Bruins faisaient bonne figure, leur budget serait serré jusqu’à la fin de la saison. Ils n’auraient pas beaucoup de latitude pour améliorer leur formation à la date limite des transactions, rendant probable une élimination au deuxième tour, voire au premier. Ils se retrouveraient alors devant le risque réel de perdre la plupart de leurs attaquants sans rien obtenir en retour. Et leur masse salariale de 2023-2024 serait alourdie par les bonis de Krejci et de Bergeron.

Si, à l’inverse, on se retrouvait rapidement loin des séries, Sweeney aurait tout le temps voulu pour assainir sa masse salariale, faire le plein d’espoirs ou de choix au repêchage et recommencer (presque) à neuf l’année suivante.

Évidemment, si les séries 2023 se concluaient par une conquête de la Coupe Stanley, la conversation serait plus harmonieuse. Mais les Bruins ne ressemblent pas à une formation équipée pour se rendre jusque-là.

Il faut reconnaître qu’ils se sont offert, depuis des années, toutes les chances de gagner. Celle du noyau actuel, selon toute vraisemblance, sera toutefois la dernière.