(Ottawa) On a eu droit à un revirement inattendu lors des audiences du comité qui enquête sur les scandales à Hockey Canada. On s’attendait à ce que ce soir l’organisation qui se retrouve au banc des accusés, mais la place est revenue à Sport Canada.

C’est qu’on a appris mardi au Comité permanent du patrimoine canadien que Sport Canada avait été mis au courant d’allégations d’inconduite sexuelle visant des joueurs de Hockey Canada le 26 juin 2018, mais qu’il n’avait jugé ni nécessaire de sévir, ni d’en informer la ministre de l’époque, ni d’effectuer un suivi auprès de l’organisation.

Le directeur principal des programmes à Sport Canada (une direction du ministère du Patrimoine canadien), Michel Ruest, en a convenu en réponse à une question du député conservateur John Nater. Ce dernier s’est montré estomaqué. « Pendant quatre ans, vous allez me dire que Sport Canada n’a pas fait de suivi au sujet de ces allégations ? C’est ce que vous êtes en train de me dire ? », s’est-il emporté.

La ministre St-Onge, qui témoignait après le fonctionnaire Ruest, n’a pas été en mesure de justifier pour quelle raison elle n’en avait appris l’existence que le 24 mai 2022, de la bouche de l’ancien PDG de Hockey Canada, Tom Renney. Ses prédécesseurs, Kirsty Duncan et Steven Guilbeault, n’avaient pas non plus été mis au courant.

« Vous pouvez pointer du doigt Hockey Canada tant que vous voulez, mais moi, je pointe du doigt Sport Canada. Le ministère doit en prendre la responsabilité autant qu’eux », a tempêté le conservateur Kevin Waugh à l’intention de Pascale St-Onge.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Sports Pascale St-Onge

À cela, son interlocutrice a répliqué que les informations transmises au fédéral étaient « minimales », qu’elles n’avaient pas « l’ampleur » que l’on a apprise dans les médias, et que Sport Canada ne pouvait se substituer à la police.

« On peut faire mieux […] Je reconnais que les outils de Sport Canada doivent être améliorés », a affirmé Mme St-Onge, dont le ministère s’est retrouvé sur le gril des élus de l’opposition, alors qu’il avait jusqu’à présent été épargné.

Le secret professionnel

Cette deuxième série d’audiences du comité s’est amorcée mardi avec le témoignage de l’avocate Danielle Robitaille, du cabinet torontois Heinein Hutchison. C’est à cette puissante firme que Hockey Canada avait fait appel pour mener une enquête indépendante sur les allégations de viol collectif.

À part révéler que c’est elle qui a recommandé à l’organisation de contacter la police de London pour l’informer des allégations de viol collectif, l’avocate n’a rien pu dire des recommandations qu’elle a faites à l’organisation.

La raison ? Le secret professionnel que Hockey Canada lui a demandé d’invoquer.

Les élus du comité ont tenté de savoir, entre autres, quelles recommandations de l’enquête préliminaire lancée en 2018 avaient été fournies à Hockey Canada, et si l’organisation en avait implanté.

Ce fut en vain. « La seule chose que je peux dire en respectant le secret professionnel, c’est que ma première recommandation était de contacter le Service de police de London », a répondu MRobitaille au bloquiste Sébastien Lemire.

Elle a pris le téléphone le matin du 19 juin 2018 pour offrir ce conseil à Glen McCurdie, qui était alors vice-président des assurances et de la gestion des risques à Hockey Canada. « Il m’a dit qu’il devait en discuter avec la haute direction avant de suivre ma recommandation », a plus tard indiqué l’avocate.

Dix joueurs interrogés au départ

Ce sont 10 joueurs sur 19, et non « 12 ou 13 » comme l’avait affirmé Hockey Canada, qui avaient accepté de participer à l’enquête indépendante de 2018 sur le viol collectif allégué, tandis que sept avaient signalé qu’ils ne collaboreraient pas, et que deux attendaient de connaître le résultat de l’enquête policière, a dit l’avocate.

On le sait, celle-ci n’a pas mené à des accusations, mais elle a été rouverte la semaine dernière. L’enquête de la firme Henein Hutchison a aussi repris, et la victime présumée, qui avait refusé de donner sa version des faits, a cette fois accepté d’y participer.

« Nous avons maintenant la version détaillée des évènements », a déclaré MRobitaille.

L’avocate n’a pas voulu spécifier si, à la lumière des témoignages qu’elle a colligés dans le cadre de cette enquête qui est toujours en cours, elle avait une bonne idée des huit joueurs de hockey qui sont visés par ces allégations.

Lorsque la ministre des Sports, Pascale St-Onge, a gelé le financement de Hockey Canada, le 22 juin, elle avait sommé l’organisation de divulguer les recommandations de la firme Henein Hutchison et « les détails concrets de [son] plan pour mettre en œuvre le changement ».

Dans sa déclaration d’ouverture, elle a averti la direction de Hockey Canada qu’elle n’avait « plus le droit à l’erreur »

Le comité entendra mercredi plusieurs représentants du milieu du hockey, dont, évidemment, les dirigeants de Hockey Canada. La première présence de trois d’entre eux devant les élus, à la fin du mois de juin, avait été unanimement critiquée.

Sheldon Kennedy souhaite la démission des leaders de Hockey Canada

L’ancien joueur de la LNH Sheldon Kennedy, devenu défenseur des droits des victimes, a demandé la démission du président et chef de la direction de Hockey Canada, Scott Smith, de son équipe de direction et du conseil d’administration de l’organisation, à la suite d’allégations d’abus sexuels.

Kennedy a répondu sur Twitter au plan d’action de Hockey Canada pour lutter contre la culture toxique.

Kennedy a récemment déclaré qu’une lettre ouverte du 11 juillet de Hockey Canada, promettant des réformes et la réouverture d’une enquête sur une allégation d’agression sexuelle en groupe en 2018, était « un bon premier pas ».

Mardi, il a toutefois dit, à propos de Hockey Canada, que ce sont « les mêmes personnes avec un nouveau plan qui s’attendent à un résultat différent ».

Kennedy est une voix pour les victimes suite à sa propre expérience d’abus dans le hockey junior par un entraîneur à l’époque, Graham James.

La Presse Canadienne