La lassitude qui s’est installée sur cette saison un brin longuette, tout comme les insuccès qu’il a connus sur le plan individuel, nous a presque habitués à parler de Brendan Gallagher comme du joueur qu’il n’est plus.

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Marquera-t-il de nouveau 30 buts au cours d’une saison ? Difficile à dire. Son contrat de 6,5 millions valide jusqu’en 2027 résistera-t-il à l’usure du temps ? Peut-être bien… mais sûrement pas.

Or, à son retour au jeu après une absence de huit matchs, sa troisième convalescence de la saison, il a rappelé ce qu’il est encore et qu’il sera toujours. En dépit de la défaite de 6-3 du Tricolore aux mains des Sénateurs d’Ottawa, Gallagher a été, comme c’est le cas depuis le premier jour de sa carrière, en plein cœur de l’action.

Il ne lui restait que 13 rencontres (maintenant 12) pour tenter de terminer en force, à défaut de racheter, ce qui s’annonce déjà comme la pire saison de sa carrière sur le plan offensif. Après la défaite, il n’a pas caché ses intentions. Oui, il veut jouer avec « constance » et avec « confiance », « avoir un impact ». Mais il désire, surtout, « gagner des matchs ». C’était vrai quand ça allait bien. Ce l’était encore quand l’équipe était au plus mal et que la liquidation s’annonçait complète. Ce l’est toujours alors que la suite se précise peu à peu.

C’est bien sûr une évidence… mais pas tant que ça. Le virage que prend l’organisation ne pourrait être plus flagrant. Juste à voir la défense, avec trois recrues en uniforme, on comprend que la transition est amorcée.

Martin St-Louis, jour après jour, met l’accent sur le processus avant les résultats : autrement dit, la manière de jouer et de se comporter de ses ouailles l’intéresse davantage que la victoire ou la défaite.

Il n’empêche que les erreurs, dans la transition, seront réelles et, probablement, nombreuses. Les défaites aussi. L’homme derrière le banc apparaît en soi comme un remède contre la morosité. Il ne pourra toutefois pas être le seul.

Tous les athlètes professionnels, par définition, détestent perdre. Mais peu le détestent autant que Brendan Gallagher.

« C’est un gars qui amène l’équipe à la guerre, a constaté St-Louis. Il va dans les tranchées. Sur 82 matchs, c’est bon d’avoir des gars comme lui pour amener de l’émotion dans un match. Je ne veux pas qu’il perde ça, [car] c’est bon pour nos jeunes. Il se présente à chaque match. Si les jeunes peuvent absorber cette mentalité, on va être corrects. »

David Savard a abondé dans le même sens. Des joueurs comme Gallagher, mieux vaut les avoir « de [s]on côté ». « Il ne changera jamais », croit le défenseur. Et c’est tant mieux. Car peu importent le processus et ses vertus, « c’est des victoires qui vont nous amener dans la bonne direction ». « Personne n’est censé aimer perdre », a renchéri le Québécois.

Ce qui ne passe pas

Le thème de ce qui se fait et ne se fait pas est à la mode, ces jours-ci, dans la LNH. Dans certains cercles, par exemple, célébrer de manière trop fanfaronne un but spectaculaire est un prétexte légitime de représailles physiques.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Justin Barron célèbre son but en compagnie de Corey Schueneman en 2période.

Il y a en tout cas au moins une chose que Brendan Gallagher n’endure pas : feindre une blessure.

Tim Stützle semblait à l’article de la mort après que son genou fut entré en contact avec celui de Nick Suzuki en fin de deuxième période. Un coup dangereux dont le joueur du Canadien pourrait entendre parler plus tard cette semaine si les autorités disciplinaires de la LNH s’y intéressent.

L’Allemand a patiné péniblement avec un thérapeute du sport pour se rapprocher de son banc. Mais après quelques bonnes respirations, il a repris vie et est demeuré sur la patinoire pour amorcer l’avantage numérique.

À la toute fin du match, avec une minute à jouer, Gallagher a dit sa façon de penser à son opposant. On s’est fait de gros yeux, on s’est échangé des mots dont on se doute qu’ils ne seraient pas prononcés à heure de grande écoute. Des gants ont volé.

Après le match, le vétéran s’est lancé dans un laïus sur le sujet.

« Quand j’avais 10 ans, mon entraîneur nous imposait une règle : si tu restes étendu sur la glace et qu’un thérapeute doit venir te chercher, tu dois rester au banc et sauter trois présences. [Stützle] est un excellent joueur, ça fait deux ans que je l’affronte, mais dans la moitié des matchs, il est resté étendu sur la glace et a joué la présence suivante. Il y a des enfants qui nous regardent, on doit être des modèles. Si j’étais son coéquipier, je lui dirais d’être plus intelligent. Ça ne paraît pas bien. Il est très talentueux, mais il doit arrêter de faire ça. C’est embarrassant. »

Permettons-nous de tousser poliment à l’écoute de l’argument de l’exemple pour la jeunesse : se battre pour ça était-il bien mieux ? On s’en reparlera.

Mais on y revient sans cesse : le Canadien aura besoin de cette intensité et de ténacité au cours des prochaines années. Et jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas de meilleur candidat que Brendan Gallagher pour l’injecter dans cette équipe.

Dans le détail

Grandeur et misère de Barron

Justin Barron aurait certainement préféré un contexte différent pour marquer son premier but dans la Ligue nationale, entendons-nous. N’empêche qu’il n’a pas à rougir de ce premier filet, qu’il a marqué en démontrant ses grandes qualités de patineur, mais aussi de tireur ; ce tir des poignets en était un des ligues majeures. Mention honorable à Jake Evans pour son travail comme écran devant Anton Forsberg. « Il s’est placé en position parfaite et a anticipé le jeu », a décrit Brendan Gallagher. Sa soirée s’est toutefois terminée dans la douleur, et on ne parle pas de celle de la défaite, mais bien de la douleur bien réelle à une jambe après qu’elle eut tourné du mauvais bord, sous le poids de Mathieu Joseph, avec quatre minutes à jouer. Barron est tout de même revenu sur la patinoire pour saluer la foule quand il a été nommé deuxième étoile du match, mais il n’a pas rencontré les médias, l’équipe annonçant qu’il subissait des traitements.

Le sourire de Stützle

Si Tim Stützle faisait rager Brendan Gallagher après le match, la simple évocation de son nom suscitait de la marrade chez les Sénateurs. Brady Tkachuk a par exemple retenu le sourire du jeune attaquant de 20 ans, au moment où les joueurs du CH voulaient se quereller en fin de match. « J’ai adoré ça. Il est fougueux, compétitif, il veut gagner. Il ne recule pas. C’était hilarant de voir son sourire, a commenté Tkachuk. On est tous là pour le protéger et ça se voyait à la fin, tout le monde était prêt à le défendre. On est choyés de l’avoir avec nous. » Après un lent début de saison (8 points à ses 21 premiers matchs), l’Allemand a retrouvé le rythme de croisière attendu d’un troisième choix au total. Son but mardi était son sixième point à ses six derniers matchs, et il totalise 43 points en 68 matchs.

Ylönen n’arrête pas

On l’oublie souvent derrière les jeunes défenseurs et Cole Caufield, mais Jesse Ylönen sera un autre espoir à suivre chez le Canadien d’ici la fin de la saison. Il disputait mardi un cinquième match depuis son rappel et continue à se montrer incisif offensivement, même s’il n’a pas amassé de point. Le Finlandais, repêché au 35e rang en 2018, a terminé sa soirée après quatre tirs, dont trois qui étaient de réelles menaces. Sur l’un d’eux, il s’amenait d’ailleurs à deux contre un avec Ryan Poehling, et a opté pour le tir. Avec la qualité de sa dégaine, il a intérêt à privilégier le tir à la passe quand la situation se présente, lui qui avait un seul tir – un but – à ses quatre derniers matchs. Son temps d’utilisation a beau être limité, le fait qu’il soit employé en avantage numérique donne un indice du potentiel que St-Louis voit en lui.

Ils ont dit

C’est le fun pour lui. En plus, il le fait à Montréal, devant une foule exceptionnelle. Son tir était parfait. C’est le fun qu’il marque son premier, et c’est sûr que ce ne sera pas le dernier.

David Savard, à propos de Justin Barron

Il avait de bonnes intentions. Des fois, ce n’est pas seulement la faute du gars avec la rondelle. Des fois, l’autre joueur n’a pas pris le bon angle, la bonne route. Je vais regarder ça. Je ne pense pas que ce soit une grosse erreur. Ce n’est pas quelque chose qui va me faire “bencher” un jeune et lui enlever sa confiance. Il nous a donné tellement de bonnes minutes, ce soir, mais aussi depuis que je suis ici.

Martin St-Louis, au sujet du revirement de Corey Schueneman qui a mené au premier but des Sénateurs

Brady joue avec beaucoup plus de maturité. Il est robuste sans la rondelle, mais il l’est aussi avec la rondelle. Frapper et renverser les joueurs est une chose, mais tu peux aussi être robuste quand c’est difficile de t’enlever la rondelle. Lui, Josh Norris et Drake Batherson, c’était dur de leur enlever la rondelle.

D. J. Smith, au sujet de Brady Tkachuk

C’était une ambiance des séries, ça allait des deux côtés, le momentum changeait de côté. C’est bon que nos jeunes vivent ça. En troisième période, on a joué plus nord-sud, c’était plus rapide. On s’est servi de nos jambes pour nous défendre et créer de l’attaque.

Austin Watson

En hausse

Mike Hoffman

Loin d’être le chouchou de cette rubrique, Hoffman a fait preuve d’implication à la gauche de Jake Evans et de Josh Anderson. Sur le plan offensif, on a vu cette intelligence que vante Martin St-Louis. Un de ses meilleurs matchs depuis un bon moment.

En baisse

Nick Suzuki

Une sortie particulièrement difficile pour le colauréat en titre de la Coupe Molson. Son contact genou à genou avec Tim Stützle aurait pu être lourd de conséquences ; il a en tout cas coûté un but pendant que Suzuki était au banc des punitions.

Le chiffre du match

5

En marquant son 16e but de la saison, Cole Caufield s’est emparé du cinquième rang parmi les recrues de la LNH à ce chapitre cette saison.