(Montréal) L’arrivée de Joel Edmundson chez le Canadien, au cours de l’été 2020, a eu un effet positif indéniable. Mais c’est à se demander si ce n’est pas son absence, depuis le début de la présence saison, qui a fait découvrir à un peu tout le monde à l’extérieur du vestiaire à quel point le numéro 44 est devenu un rouage essentiel de cette équipe.

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Ce n’est pas lui qui a écrit l’histoire du match sans grand intérêt de samedi soir entre le CH et le Kraken de Seattle, respectivement installés en 32e et en 31e place du classement général. Les locaux ont été brouillons, mais ont quand même effacé un déficit de deux buts. Les visiteurs, en quête désespérée d’une victoire, ont été agressifs au possible en échec avant. Un défenseur de chaque équipe a marqué dans son propre but. Et une longue séance de tirs de barrage a constitué le clou de la soirée. Verdict : victoire de 4-3 du Kraken.

Revenons donc à Edmundson. Comme le décrivait vendredi le collègue Guillaume Lefrançois, le Manitobain a vécu des derniers mois extrêmement éprouvants. Une blessure au dos dont la rééducation a subi des régressions. La perte de son père.

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Il n’y avait donc rien de surprenant à l’entendre parler de la journée « émotive » qui a précédé son retour dans la formation, au 58e match de la saison de son club. Il aurait bien aimé marquer un but pour son paternel, emporté par un cancer en janvier dernier. Il aurait aussi voulu, plus que tout, qu’il le voie jouer une dernière fois.

Ce n’est pas arrivé. Qu’à cela ne tienne, « je sais qu’il me regarde d’en haut et qu’il sera avec moi pour le reste de ma carrière, pour le reste de ma vie », a raconté le défenseur.

« Je ne serais pas là sans lui. »

Ascendant

Lui-même a bien sûr parlé d’une année en « montagnes russes », ponctuée par les hauts et les bas d’une longue guérison.

Il s’est efforcé de rester « positif », notamment en passant le plus de temps possible à l’aréna, idéalement avec ses coéquipiers, alors que les blessés travaillent surtout à l’écart du groupe principal.

C’est d’ailleurs sa « présence » qu’a vantée Brendan Gallagher. Celle sur la glace, d’une part. Les deux joueurs se connaissent depuis les rangs juniors. « Il ne laisse pas d’espace dans le coin ni au filet ; tu dois te battre avec lui en tout temps », a analysé l’attaquant.

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Joel Edmundson

« C’est dur à décrire », a-t-il ajouté, comparant ladite « présence » à celle de Shea Weber – entre nous, pas le plus ingrat des exemples.

Celle dans le quotidien, d’autre part. « Les gars l’adorent », a renchéri Gallagher.

« Il aime qu’on fasse des choses ensemble, que tout le monde soit impliqué. Il adore être autour des gars, il s’entend aussi bien avec les plus vieux qu’avec les plus jeunes. Il peut s’asseoir et avoir une conversation avec tout le monde, parler de n’importe quoi. C’est très important. »

En cette saison unique, celle pendant laquelle le manque cruel de leadership (et de capitaine) a tant été déplorée, cette « présence » du numéro 44 aurait indubitablement aidé le Canadien. Pas au point de sauver sa saison, mais au moins sa dignité.

Depuis quelques jours, alors que le retour d’Edmundson était imminent, les éloges à son endroit ont fusé, mais il y avait quelque chose de différent. Lorsque Tyler Toffoli a été échangé aux Flames de Calgary, le mois dernier, Martin St-Louis avait parlé de lui comme du « capitaine sans le C » du Tricolore. À l’évidence, son successeur est revenu au jeu samedi.

Correct

Comment ce retour s’est-il manifesté sur la glace ? Correctement.

Sans surprise, Edmundson aura besoin de temps avant de retrouver son rythme de croisière. Il a lui-même avoué avoir eu le « souffle court » et souffert de « crampes » en troisième période.

« Tu peux t’entraîner autant que tu veux, ça ne se compare pas à un vrai match », a-t-il reconnu.

Son entraîneur s’est montré satisfait des 16 min 38 s de boulot honnête qu’il lui a données. « Il a gardé ça simple, il a joué physique, durement, a dit Martin St-Louis. Il va continuer à retrouver la forme. »

« Il a joué comme il a toujours joué », a ajouté Gallagher. Les six mises en échec à sa fiche confirment cette observation. Une mauvaise séquence en début de match l’a « suivi pendant quelques présences », a précisé le numéro 11, mais il a finalement mis cette bourde derrière lui.

En tout respect pour le pauvre Kale Clague, qui a été placé sur la liste des blessés après qu’il eut reçu une rondelle en plein visage à l’entraînement, cette version édulcorée d’Edmundson est déjà certainement plus fiable que beaucoup de défenseurs qui ont défilé chez le Canadien depuis le début de la saison.

Mais dans le contexte actuel, pour Edmundson comme pour son équipe, il a été décidé que son retour serait progressif. Il n’a pas pris l’avion pour Philadelphie après la rencontre, et ne participera donc pas au match de ce dimanche soir dans la ville de l’amour fraternel. Il se soumettra plutôt à des traitements afin d’être prêt à la visite des Coyotes de l’Arizona, mardi. Corey Schueneman le remplacera contre les Flyers.

On se doute qu’après toute cette attente, passer son tour ne lui fait pas le plus grand des plaisirs. Mais quand on mesure toute la valeur qu’il revêt pour l’organisation, lui donner les conditions gagnantes pour un véritable retour en santé est certainement de bon aloi.

Dans le détail

Un beau moment

C’est bien beau, le retour du hockey au Centre Bell au maximum de sa capacité – le Canadien a annoncé une assistance de 20 608 spectateurs pour ce match face au Kraken de Seattle –, mais cela ne veut pas dire qu’il faut ignorer ce qui se passe dans la réalité plus difficile, malheureusement trop souvent une habitude dans le monde de la LNH. Ainsi, cette soirée au Centre Bell s’est amorcée sous le signe de l’émotion quand deux musiciens ukrainiens, le pianiste Serhiy Salov et la violoncelliste Katia Brahina, ont joué Imagine de John Lennon alors que les couleurs de l’Ukraine étaient projetées sur la glace. La foule a entonné certains passages de cette célèbre chanson, et le duo a reçu un très bel accueil. « De toute évidence, ç’a été un beau moment, et avec raison, avec tout ce qui se passe présentement », a dit l’entraîneur Martin St-Louis après la rencontre.

Deux buts à la Ryan O’Byrne

Ryan O’Byrne n’a pas marqué beaucoup de monde lors de son passage avec le Canadien, il y a déjà trop longtemps, mais on se souvient tous, n’est-ce pas, de ce magnifique but qu’il avait compté dans son propre but. Eh bien, deux joueurs ont tenté de lui rendre un vibrant hommage lors de la joute de samedi soir… en marquant eux aussi dans leur propre but. En premier, ça a été le cas du défenseur Chris Wideman, qui a mis la rondelle dans son propre filet, un but qui a été accordé à Yanni Gourde, qui ne s’attendait certes pas à ça. Ensuite, les visiteurs ont remis la politesse au Canadien, quand Adam Larsson a intercepté une passe, mais a fait dévier la rondelle dans le filet du gardien Philipp Grubauer. Ce but-là est allé à la fiche de Nick Suzuki, qui, comme Gourde, n’en demandait pas tant. Quelque part, Ryan O’Byrne doit être fier.

Rien de moins que 14 tireurs en fusillade

C’est rare que ça joue aussi longtemps, mais samedi soir au Centre Bell, ça a joué très longtemps. En premier parce que la prolongation n’a rien donné, ensuite parce que personne ne semblait vouloir réussir un but lors des tirs de barrage, s’il faut se fier au nombre de rondelles qui sont allées directement dans la vitre derrière le but (les deux gardiens ont été très bons aussi, il faut bien le souligner). Finalement, au bout de 13 tirs, c’est le 14e tireur, Marcus Johansson, qui a pu mettre fin à ce suspense qui n’en finissait plus en déjouant Samuel Montembeault. « J’ai bien aimé notre jeu en première période, ce sont deux mauvais bonds de la rondelle qui nous ont mis en arrière au pointage, a expliqué Martin St-Louis. Le deuxième but était un peu ordinaire, sur les unités spéciales, on n’avait pas assez de contrôle de rondelle sur l’avantage numérique… on a été meilleurs à cinq contre cinq, ça nous a enlevé un peu de momentum… mais ça a été excitant à la fin ! »

Ils ont dit

J’ai aimé notre première période, on a bien joué. Deux mauvais bonds nous ont placés en retard. […] Je suis content de la manière dont on s’est battus en troisième.

Martin St-Louis

Il avait marqué un but, c’est un très bon coéquipier. Les gars disaient sur le banc qu’il avait une bonne feinte. Juste lorsqu’il est sorti du banc pour aller tirer, j’ai vu la réaction dans l’aréna, j’étais content de l’avoir envoyé. Il a eu la plus grosse ovation.

Martin St-Louis sur sa décision d’envoyer Michael Pezzetta en tirs de barrage

C’est plaisant d’être sur le banc avec lui. Un entraîneur-chef se concentre sur les attaquants, mais lui parle à tout le monde. Il est très vocal et très intelligent. Quand il parle, tout le monde se tourne vers lui pour l’écouter. Dès sa première journée, tout le monde a adhéré à son programme.

Joel Edmundson sur Martin St-Louis

Depuis un mois, on essaie de reconstruire notre culture, celle de venir chaque jour à l’aréna pour gagner. Les gars n’ont jamais lâché. On aurait bien aimé marquer [en tirs de barrage] pour Monty [Samuel Montembeault]. On a quand même perdu nos deux derniers matchs, il faudra rehausser notre jeu.

Brendan Gallagher

En hausse

Joel Armia

Solide en possession de rondelle et impliqué en échec avant. L’un de ses bons matchs cette saison, même s’il a été blanchi.

En baisse

Chris Wideman

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Chris Wideman

Même en faisant abstraction de sa boulette légendaire qui a mené au premier but du Kraken, il a connu une soirée très laborieuse, surtout dans son territoire.

Le chiffre

31

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Nick Suzuki et Mark Giordano

Pour la 31e fois de la saison (en 58 matchs), Nick Suzuki a dépassé la barre des 20 minutes de jeu. Il a disputé 23 min 42 s