Pour le visage long des lendemains qui déchantent, il faudra repasser.

Rétrogradé dans la Ligue américaine, mercredi, quelques heures à peine avant le premier match du Canadien, Ryan Poehling n’est évidemment pas emballé par ce qui lui arrive.

Il était le premier à le savoir, et tout le monde le lui a rappelé : le poste de quatrième centre du Tricolore était à prendre, au début du camp d’entraînement, et le jeune homme n’a pas su saisir la chance qui s’offrait à lui. C’est donc au centre du premier trio du Rocket de Laval qu’il amorcera la saison 2021-2022, ce vendredi soir.

Or, devant le fait accompli, Poehling a décidé de ne pas se laisser abattre. Dès son arrivée à Laval, « il était très positif », a raconté l’entraîneur-chef du Rocket, Jean-François Houle, après l’entraînement matinal de son club, jeudi.

Ce n’est jamais facile de se faire descendre [dans la Ligue américaine], mais il semble comprendre pourquoi il est ici. Il veut s’améliorer et aider l’équipe.

Jean-François Houle, entraîneur-chef du Rocket

Dès que Poehling entre dans la pièce, on sait que son entraîneur a dit vrai. L’air décidé, il n’élude aucune question et aborde ouvertement sa situation. Avant de prendre le chemin de la couronne nord, il a eu une « très bonne conversation » avec Marc Bergevin et Dominique Ducharme, directeur général et entraîneur-chef du CH, respectivement.

« J’étais bien sûr déçu, mais je n’étais en désaccord avec rien de ce qu’ils m’ont dit, avoue-t-il. Je ne suis pas frustré du tout de leur décision. On a la même opinion sur mon camp d’entraînement : je ne méritais pas un poste. »

Confiance et constance

Avec le Rocket, Poehling souhaite « [se] retrouver, continuer de [s]’améliorer ». « Être moi-même », ajoute-t-il, et retrouver une confiance en soi qui s’est effritée.

Comment décrirait-il ce qui n’a pas fonctionné ? « J’étais trop hésitant. Je pensais trop, je ne jouais pas ma game. Des fois, au camp d’entraînement, on suranalyse. On se demande ce qui va se passer. Je dois sortir ça de mon jeu. C’est ce qui va me ramener dans la LNH. »

Il y a donc cette confiance à consolider, mais également une constance à trouver, dans son jeu, dans son effort. Celle dont parle systématiquement Dominique Ducharme quand le nom de Ryan Poehling entre dans la conversation. Et celle que le jeune joueur avait acquise, la saison dernière, quand il avait récolté 21 points à ses 18 derniers matchs. Au cours de cette séquence, il avait été blanchi seulement quatre fois sur la feuille de pointage. Et jamais deux soirs de suite.

Les multiples réaménagements de la saison dernière ont compressé certains segments du calendrier, et Poehling a senti que c’est là que sa concentration a atteint son sommet. « Il y avait beaucoup de matchs, donc pas beaucoup de temps pour penser ; j’avais juste à jouer. Notre équipe a bien fait et j’ai connu du succès aussi. Je dois continuer sur cette voie. »

Aussi, et le détail est tout sauf négligeable : Poehling affirme « adorer » jouer avec le Rocket. S’y retrouver de nouveau n’est donc pas une punition. « Les gars sont super, je suis bien ici », dit-il. Cela n’empêche pas que l’objectif ultime demeure un poste avec le grand club.

« Je dois me faire confiance », répète-t-il.

Cet apprentissage passe par la répétition et le travail, souligne Jean-François Houle, qui compte utiliser son joueur « à toutes les sauces », en avantage comme en désavantage numérique, et lui confier des missions importantes, par exemple des mises en jeu à des moments névralgiques.

« J’ai beaucoup aimé son entraînement de [jeudi], a noté l’entraîneur. Il était intense et on l’a vu amener la rondelle au filet plusieurs fois. Il doit jouer beaucoup, avoir la rondelle sur son bâton. Un jour, il va jouer dans la LNH. Ce qu’il vit, c’est un autre apprentissage. »

Souriant

S’il y a un point qui fait l’unanimité, c’est bien que Poehling n’a pas amené de nuage noir avec lui.

Tobie Paquette-Bisson a rapidement retrouvé le gars « souriant et travaillant » qu’il a côtoyé l’an dernier. Lui-même a été « surpris » de savoir que son coéquipier avait été retranché de la formation du Canadien, « mais son attitude est A1 », assure-t-il.

Même si Poehling est l’un des plus jeunes joueurs du groupe, il est déjà « un bon exemple » pour tous ses coéquipiers, poursuit Paquette-Bisson. « Il a la place d’un vétéran dans l’équipe. »

Au centre de Rafaël Harvey-Pinard et de Jesse Ylönen, l’Américain aura « tout de suite un impact sur la glace », prédit quant à lui Jean-Sébastien Dea. Le Québécois de 28 ans, sans avoir la feuille de route d’un choix de premier tour au repêchage – il n’a lui-même jamais été repêché –, connaît bien le sentiment d’être victime du couperet. Il a appartenu à quatre équipes de la LNH avant de s’entendre avec le Canadien, l’été dernier, et n’a, à ce jour, disputé que 33 matchs dans le circuit Bettman.

« [Au camp d’entraînement], on doit performer à son maximum pendant une courte période, mais parfois, ça ne fonctionne pas comme on veut, témoigne Dea. Il ne faut pas baisser les bras. Je pense que c’est une bonne situation pour lui, d’arriver ici et de montrer ce qu’il est capable de faire. La Ligue américaine, c’est une bonne place pour peaufiner des choses. Je suis certain que ça va bien aller. »

Dominique Ducharme avait d’ailleurs gardé la porte ouverte, la veille. « Ça change tellement vite, au hockey… Ça lui prend un bon départ [à Laval]. On ne sait jamais ce qui peut arriver. »

Encore là, Poehling est sans doute le premier à le savoir.