Katerine Aubry-Hébert a suivi sa passion, simplement. Aujourd’hui, elle ouvre la voie aux femmes dans une branche du sport québécois encore principalement occupée par les hommes : le recrutement.

Le 31 août, Katerine Aubry-Hébert est devenue la première femme québécoise recruteuse pour la Centrale de soutien au recrutement de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).

La native de Boucherville mange du hockey. Presque littéralement.

En semaine, elle est coordonnatrice au hockey féminin à Hockey Québec. Elle organise les camps d’Équipe Québec, s’assure que les joueuses aient le meilleur encadrement possible, veille à développer le bassin de joueuses dans toute la province…

Puis, les vendredis soir et les fins de semaine, elle parcourt maintenant les arénas du Grand Montréal pour évaluer les meilleurs espoirs de moins de 18 ans.

Donc oui, c’est presque dire qu’elle mange du hockey pour souper.

Dès son enfance, la femme d’aujourd’hui 30 ans a développé un amour pour le sport. Elle écoutait religieusement les matchs de la Ligue nationale avec son père, un grand amateur de hockey.

« C’est sûr que c’est de même que ça a commencé, lance-t-elle en entrevue avec La Presse plus tôt cette semaine. Je me suis mise à m’intéresser au hockey. Quand j’étais petite, je me tenais beaucoup avec les gars, et eux aussi trippaient hockey. Je jouais tout le temps avec eux au hockey après l’école, le soir. »

Elle a vieilli, naturellement, mais le hockey est toujours demeuré sa grande passion. Elle a d’ailleurs joué des années avec les filles au sein de l’Association de hockey mineur de Varennes.

En 2014, Katerine Aubry-Hébert a terminé un baccalauréat en administration marketing à l’UQAM. Aussitôt sortie de l’école, elle s’est jointe à la LHJMQ à titre de coordonnatrice aux opérations hockey. Rôle qu’elle a occupé pendant quatre ans.

« Au début, j’étais comme tout le monde, à chercher un peu ce que je pourrais faire, relate-t-elle. J’aimais beaucoup l’événementiel, tout ça. J’ai fait plusieurs petits évènements ici et là, pour voir un peu ce que j’aimais dans le bénévolat, des petits stages. Je me suis rendu compte que c’était vraiment dans le milieu sportif que je voulais me diriger, que c’était ça qui me motivait. »

« Je jouais encore beaucoup, j’écoutais encore beaucoup de matchs. Quand j’ai fini mon baccalauréat et que l’occasion s’est ouverte à la Ligue, j’ai dit : “Go, c’est ma chance.” »

Son rôle de coordonnatrice l’amenait à passer beaucoup de temps sur le terrain. Ledit terrain étant les arénas du circuit Courteau. Et ça tombe bien, parce que c’est exactement ce qui la passionne : le temps à l’aréna, l’action.

« C’est ça que j’aime, dit-elle. La Ligue, je l’aimais beaucoup aussi. Ce sont des jeunes, tu vois leur développement. Dans les équipes, c’est juste du monde passionné. C’est ça qui est le fun, aussi. C’est une petite communauté. »

En octobre 2018, elle est passée de la LHJMQ à Hockey Québec, où elle est toujours coordonnatrice du hockey féminin. Ce qui nous amène à aujourd’hui, alors qu’elle ajoute une bien belle corde à son arc en rejoignant la Centrale de recrutement de la LHJMQ comme recruteuse.

On le disait plus tôt : son horaire sera chargé cette saison. C’est bien le moins qu’on puisse dire.

Je le fais parce que j’aime ça. Ça ne me dérange pas de travailler… Je ne le vois pas tant comme un travail.

Katerine Aubry-Hébert

Confiance

La Centrale compte sur sept recruteurs au Québec. Aubry-Hébert est assignée au secteur du Grand Montréal. Son rôle est d’évaluer les joueurs ; leur patin, leurs habiletés physiques, leur caractère, leur potentiel de développement…

Après chaque match, elle remplit un rapport d’évaluation. À la fin de la saison, la Centrale propose aux équipes un compte rendu de ce qui a été observé chez chaque joueur.

« Ce qui est différent pour nous à la Centrale, versus une équipe de la Ligue, c’est qu’on évalue vraiment ce qu’on voit sur la glace, explique-t-elle. On ne passe pas de temps sur le hors-glace, sa situation familiale ou ses performances à l’école. »

Katerine Aubry-Hébert est reconnaissante envers la LHJMQ, qui lui accorde son entière confiance. Il faut dire que les connaissances hockey de la Bouchervilloise ne sont plus à prouver. Elle a gagné sa place, comme n’importe qui d’autre.

« C’est sûr que je suis fière, dit-elle. C’est une belle occasion que la Ligue m’a offerte. Je suis contente d’avoir cette confiance-là. »

Évidemment, avec tout nouveau rôle vient un petit stress. Mais elle est prête.

Je veux prouver que je suis capable et que les femmes sont aussi capables que les hommes d’occuper ce genre de postes.

Katerine Aubry-Hébert

« Oui, je suis confiante, mais je suis consciente que ça se peut que je me fasse challenger un peu. Quand j’arrive dans un aréna, je ne me sens pas intruse. Je suis habituée d’être dans un milieu d’hommes. C’est comme ça depuis que j’ai commencé à travailler. On dirait que ça ne me dérange plus. »

Une de plus

Depuis quelques années, plusieurs femmes défoncent les barrières et gravissent les échelons dans le sport, dans différents rôles ou postes. On peut penser à la vice-présidente des opérations football des Eagles de Philadelphie Catherine Raîche, à la présidente, sports et divertissement du Groupe CH France Margaret Bélanger ou même à la jeune gardienne de but Ève Gascon. Il y en a beaucoup d’autres.

Katerine Aubry-Hébert s’ajoute à celles qui tracent un chemin pour les femmes dans un milieu qui est encore beaucoup plus fréquenté par les hommes.

« C’est sûr que j’espère qu’il y en ait d’autres [femmes] qui se disent : "J’aimerais faire ça, c’est possible." Que ce soit dans les équipes junior majeur ou à d’autres positions, autant comme recruteuse qu’aux opérations hockey, par exemple. »

Selon elle, les Ligues québécoises comme la LHJMQ ou la Ligue de hockey M18 AAA du Québec sont très ouvertes, même si la Ligue nationale « reste encore un peu plus conservatrice ».

« Je pense qu’il va y en avoir de plus en plus, dit-elle. En publicisant ça, en donnant de la visibilité et en faisant bien [dans nos postes], ça va normaliser un peu plus tout ça. »