(Trois-Rivières) C’était, pour reprendre l’expression très juste du confrère du Nouvelliste Louis-Simon Gauthier, l’éléphant dans la pièce.

La Ville de Trois-Rivières organisait jeudi une conférence de presse devant l’hôtel de ville afin d’annoncer une entente de principe entre l’administration municipale et l’investisseur Dean MacDonald. L’entente prépare essentiellement le terrain à la venue d’une équipe de l’ECHL pour l’automne 2021.

Équipe qui sera affiliée, vraisemblablement, au Canadien de Montréal. Même si personne n’ose le dire.

D’ailleurs, à moins que Geoff Molson se soit fait passer pour l’hurluberlu qui criait à l’autre bout du parc pendant que le pauvre Marc-André Bergeron tentait de faire son allocution, personne du Canadien n’était sur place.

Posez aux gens impliqués une question sur le CH, et ils étaient immédiatement sur la défensive.

Mark Weightman, président du Rocket de Laval jusqu’à l’hiver dernier, agit comme consultant dans ce projet. Alors, le Canadien ?

« On a eu des discussions avec des équipes de la LNH qui pourraient être des filiales potentielles pour le club », répond-il d’abord. « Il y a plus qu’une option », ajoutera-t-il.

Jean Lamarche, maire de Trois-Rivières, trépigne d’enthousiasme. « Les fiançailles sont faites, les faire-part sont envoyés, la salle est réservée, et on a une bonne idée de l’orchestre. C’est là qu’on en est aujourd’hui », a-t-il lancé à la tribune. Avec l’annonce du jour, Trois-Rivières pourra déposer une candidature pour obtenir une équipe de l’ECHL, la ligue nord-américaine de troisième division, juste en dessous de la Ligue américaine. Alors, le Canadien ?

« Ce sera à l’organisation [Deacon Sports and Entertainment] de vous le dire. »

Heureux hasard, Marc-André Bergeron, ancien défenseur du Canadien et fier Trifluvien, représentait justement DSE, l’entreprise de Dean MacDonald. Alors, le Canadien ?

« Ils ont été nommés, c’est un naturel. Mais il n’y a pas d’entente à l’heure actuelle. On ne veut surtout pas les mettre dans une mauvaise position », a-t-il répondu.

Un besoin

Le Canadien n’a pas souhaité commenter la nouvelle, en avançant qu’il s’agissait simplement d’une entente de principe quant à l’utilisation du nouveau colisée de Trois-Rivières.

PHOTO STÉPHANE LESSARD, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Nouveau colisée de Trois-Rivières

On sait cependant que John Sedgwick, l’un des vice-présidents du Canadien, est en contact depuis longtemps avec les autorités municipales. En janvier dernier, il a envoyé une lettre à la Ville, écrivant que le Tricolore « [était] disposé à s’engager à devenir le principal associé pour une franchise de Trois-Rivières au sein de l’ECHL ».

À l’heure actuelle, le Canadien n’a pas sa propre filiale dans l’ECHL. Résultat : quand il n’y a plus de place pour un joueur avec le Rocket, il doit être cédé à une équipe de l’ECHL, qui est la filiale d’une autre formation de la LNH.

Au terme du dernier camp, par exemple, le Rocket a dû céder des joueurs aux Mariners du Maine (Rangers) et au Thunder des Adirondacks (Devils). Le gardien Michael McNiven a été la plus grande victime de ce système mal ficelé. Le jeune homme de 23 ans, qui a jadis brillé dans la Ligue junior de l’Ontario et qui affichait une belle progression à ses deux premières saisons dans la Ligue américaine, a joué pour trois équipes différentes de l’ECHL cette saison. Il n’a eu droit qu’à trois matchs à Laval, coincé derrière Charlie Lindgren, Cayden Primeau et Keith Kinkaid.

« McNiven, on a eu de la misère à le placer quelque part pour qu’il puisse jouer, et c’est un joueur très prometteur de l’organisation, rappelle Weightman. Autant pour lui que pour l’équipe, il devait jouer et se développer. Une affiliation avec une équipe de l’ECHL permet à l’équipe de la LNH de contrôler les aller-retour d’un joueur comme lui. »

Alors l’idée d’avoir une filiale de l’ECHL tient parfaitement la route pour le CH. Seulement 140 km séparent Laval de Trois-Rivières. L’autre équipe de la Ligue américaine la plus proche de Trois-Rivières ? Les Senators de Belleville… à 500 km. Et leur partenaire actuel est situé à Brampton, à 215 km.

Personne n’a plus intérêt que le Canadien à s’établir dans la région. C’est sans compter les retombées commerciales pour le CH, qui aurait ainsi une présence à l’extérieur de la grande région montréalaise.

Encore des obstacles

Tout n’est pas réglé pour autant, quoique la tenue d’une telle conférence de presse en dit long sur l’avancement du projet.

L’un des dossiers à régler est le partage de la future infrastructure. Au départ, il était question que les Patriotes de l’Université du Québec à Trois-Rivières en soient les uniques locataires. S’ils devaient être colocs avec une équipe de l’ECHL, la construction d’un deuxième vestiaire serait nécessaire.

Le maire Jean Lamarche a expliqué que les plans et devis prévoient un seul vestiaire pour l’équipe à domicile. « Mais si on a une entente avec les Patriotes, on pourra [ajouter un vestiaire]. On a un montant prévu pour l’élargissement dans le financement. »

Et la COVID-19, dans tout ça ? Le ralentissement économique peut-il mettre en péril le projet ?

« On espère tous que dans 14, 15 mois, ce sera derrière nous, qu’on aura un vaccin et qu’on reviendra à la normale, répond Weightman. Rendus là, on pense que les gens vont avoir le goût d’aller à des spectacles, à des matchs de hockey. Et notre produit sera abordable, comme le Rocket. On mise sur la qualité du spectacle et de l’ambiance pour donner de la valeur à un billet qui ne sera pas très cher. »