John Chayka est devenu en 2016 le plus jeune directeur général de l'histoire de la LNH. C'est pourtant sa soeur Meghan qu'on retrouve sur la liste des 100 personnalités les plus influentes du hockey du magazine Hockey News en 2019.

Et la cofondatrice de la société de statistiques avancées qui a fait connaître son frère entend continuer à défoncer les portes pour les femmes dans le monde du hockey et du sport en général. «J'essaie d'être un moteur de changement, au hockey et dans le sport en général», a-t-elle confié à La Presse au bout du fil.

«De très bonnes candidates restent bloquées parce qu'elles sont des femmes, poursuit-elle. J'espère qu'on retrouvera encore davantage de femmes sur cette liste dans trois à cinq ans. C'est incroyable de se retrouver sur cette liste, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. J'étais au 95e rang, pas dans le top 5

John Chayka tentait par tous les moyens d'améliorer son jeu dans la Ligue junior A en Ontario, quelque part en 2009 ou 2010. Il a demandé à sa soeur Meghan et au copain de celle-ci, Neil Lane, de filmer ses matchs.

De fil en aiguille, ils ont créé l'entreprise Stathletes Inc., vouée à la dissection des performances sportives au profit des athlètes, des équipes, des agents, des entraîneurs et même des ligues professionnelles.

Money Ball

Neil Lane, fort d'un MBA et spécialiste en informatique, Meghan Chayka, avec son baccalauréat en finances et économie, et John ont créé un système complexe et efficace d'analyses statistiques.

«Money Ball a été d'une grande inspiration, dit Meghan Chayka. C'était frappant de constater à quel point les statistiques avaient un effet sur le sport. J'ai perçu une ouverture dans le monde du hockey à une pensée différente. En analysant un seul match, on peut retrouver plus de 80 000 points statistiques.»

L'entreprise a vite grossi. Les Canucks de Vancouver ont été les premiers à utiliser leurs services, en 2010. Les Coyotes de l'Arizona aussi, et ils ont même promu John Chayka au poste d'adjoint au DG, avant de lui offrir le poste de directeur général quelques années plus tard. Une équipe de l'Association de l'Est a payé plus cher pour obtenir les droits exclusifs dans l'Est.

L'entreprise continue de rouler depuis l'embauche de Chayka en Arizona. Stathletes Inc. compte désormais plus de 60 employés, dont 40 pour analyser les matchs de la Ligue nationale à l'aide de la vidéo.

Le hockey n'est plus leur seul champ d'expertise. En août 2017, par exemple, elle a fait une présentation à la Coupe Rogers, à Toronto, et expliqué en quoi les statistiques avancées telles que son entreprise les conçoit pourraient être utiles au tennis.

Meghan Chayka, 34 ans, se fait souvent demander si elle aimerait suivre les traces de son frère. Sa réponse, dans le Hockey News de janvier, a permis de mesurer ses ambitions.

«Je ne veux pas devenir DG, a-t-elle répondu au journaliste Matt Larkin. Je veux détenir ma propre équipe. Je veux être mon propre patron. Bâtir une entreprise milliardaire et détenir mon club.»

Elle pouffe de rire au bout du fil quand on évoque cette interview. «Même si j'adore le hockey, j'ai d'ailleurs grandi dans les arénas et passé des heures et des heures, enfant, à jouer dans la cour arrière sur la patinoire que mon père arrosait, j'aime avoir un vaste champ d'intérêt. J'ai toujours été intéressée par l'aspect business et technologie. Je préférerais être CEO que DG.»

Parmi ses objectifs à court et moyen termes, le développement du hockey féminin. «Je suis à finaliser une entente pour m'impliquer encore davantage dans le hockey féminin, dit celle qui enseigne aussi les statistiques à l'Université de Toronto. Le plus récent match des Étoiles a donné un bel aperçu de la croissance de ce sport.»

Angela Merkel

Comme son frère, Meghan Chayka a fait beaucoup de sport étant jeune. «J'ai pratiqué plusieurs sports de compétition. Je mesure 6 pi 1 po, j'ai été lanceuse à la balle-molle, j'ai joué au basketball au niveau provincial, au volleyball, j'ai fait de l'aviron. J'ai transposé les notions d'esprit compétitif et de travail d'équipe dans ma carrière.»

Elle a réussi à percer même si les modèles féminins se faisaient rares au hockey. «C'était un défi. Je regardais du côté des joueuses, Hayley Wickenheiser, Cassie Campbell, Tessa Bonhomme. Ces dernières sont ensuite passées dans le monde des médias.»

Mais sa référence ultime demeure la chancelière allemande Angela Merkel. «Elle n'est pas seulement une femme puissante, mais une personne puissante. Elle ne cherche pas la publicité ou l'attention des médias, elle exécute son travail. C'est ce qu'on cherche à faire au sein de notre entreprise. C'est une extraordinaire championne, une grande leader.»

PHOTO ROSS D. FRANKLIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

John Chayka