Le jour que Nicolas Deslauriers attendait depuis deux mois est enfin arrivé. Fini, la cage accrochée à son visage ! L'attaquant du Canadien s'est entraîné avec une visière cette semaine et disputera ce soir un premier match sans la grille qu'il devait porter depuis le début du calendrier.

« En principe, j'aurais dû attendre au 1er décembre pour l'enlever, mais j'ai dit que je devais m'habituer à jouer sans la cage, donc j'ai poussé un peu ! », explique-t-il fièrement.

On devrait savoir rapidement si la visière nous permettra de revoir le Deslauriers de 2017-2018, qui avait causé la surprise en enfilant 10 buts en 58 matchs. Le Québécois avait également terminé au 7e rang de la LNH avec 238 mises en échec, soit 4,1 par match. Cette saison, il compte 1 but seulement en 19 matchs et 54 mises en échec (2,8 par match).

« Je ne suis pas là pour scorer des buts, donc je ne regarde pas mes chiffres, a expliqué Deslauriers, après l'entraînement d'hier. Tout le monde le sait dans la ligue, 10 buts, c'était beaucoup pour moi. Si je peux le refaire, tant mieux, mais je ne m'y attarde pas. »

Il y a une autre colonne où Deslauriers est en retard par rapport à l'an passé, et ça va un peu de soi : les bagarres. Il avait laissé tomber les gants cinq fois en 2017-2018, mais toujours pas cette année. Il l'a fait à son premier match préparatoire, mais une solide droite de Brandon Baddock lui a fracturé le visage.

Malgré cet incident, Deslauriers n'entend pas changer. À la fin de l'entraînement hier, il s'exerçait à s'empoigner avec Jordie Benn, essayant de se protéger et de défaire son bras, comme dans une vraie bagarre.

« C'est une partie de ma game que je ne pouvais pas faire jusqu'ici. Je niaisais un peu avec Benn, il est capable de se battre lui aussi. Ce n'était pas pour me réadapter, mais pour niaiser. »

« Me battre, ça fait partie de mon style. En ce sens, j'étais retenu. Je vais me sentir un peu plus libre. » - Nicolas Deslauriers « Pour la vision, c'est cent fois mieux. C'était correct avec la cage, mais avec une visière, tu vois encore mieux. »

Le hasard fait en sorte que les visiteurs au Centre Bell ce soir, les Rangers de New York, viennent au 1er rang de la LNH avec neuf bagarres cette saison. Par contre, leur dur à cuire, Cody McLeod, ne jouera pas. La raison : une fracture à une main subie lorsqu'il a livré son quatrième combat de la saison, le 21 novembre.

EN BAISSE

Après 25 matchs, les joueurs du Canadien ont été impliqués dans seulement trois bagarres (Max Domi, Jordie Benn et Xavier Ouellet ont été les belligérants). Le Tricolore pourrait menacer son record d'équipe pour le plus petit nombre de batailles en une saison. Le site de référence HockeyFights tient les données à partir de 1957-1958, et le Canadien a connu sa saison la plus tranquille en 1962-1963, quand seulement 10 bagarres avaient éclaté.

Cette situation s'inscrit dans la baisse généralisée observée encore cette saison dans la Ligue nationale. Il y a même une équipe, les Coyotes de l'Arizona, qui n'a pas encore été impliquée dans une bataille !

Chez le CH, outre Deslauriers, on note un autre absent de la « carte » : Andrew Shaw. Le teigneux attaquant s'était seulement battu une fois l'an dernier, mais cinq fois en 2016-2017.

Shaw a subi de nombreuses commotions cérébrales, mais il assure qu'il croit encore en la pertinence des bagarres.

« J'essaie simplement de rester le plus en santé possible, a-t-il expliqué. S'il y a une situation où je dois me battre, je vais le faire, mais ce genre de situation ne s'est pas présenté très souvent. Les matchs ont été robustes, mais propres en général. C'est du bon hockey dur. »

« Je ne crois pas que les bagarres seront complètement éliminées un jour, car ça demeure un sport de contact, la tension monte et ça va arriver, poursuit-il. Mais les bagarres préméditées, on en verra de moins en moins. »

UNANIMITÉ

En raison de leur style de jeu, il était prévisible que Deslauriers et Shaw affirment croire en l'importance des bagarres. Sans nous lancer dans un sondage scientifique avec marge d'erreur, échantillonnage stratifié, intervalle de confiance et autres concepts enseignés par Raoul Gorlier au collège Ahuntsic, nous avons tout de même voulu tâter le pouls de joueurs qui proviennent de milieux différents. Et les discours se ressemblent malgré tout, que ce soit par conviction ou par solidarité pour ceux dont le poste en dépend.

Nous nous sommes d'abord tournés vers Kenny Agostino. Ailier de quatrième trio du Canadien, diplômé de l'Université Yale, Agostino a joué quatre ans dans la NCAA, où une bagarre entraîne une expulsion automatique ET une suspension pour le match suivant. L'Américain n'a toujours pas jeté les gants en 32 matchs dans la LNH. Dans la Ligue américaine, il l'a fait trois fois, notamment à son tout premier match. « C'était une mêlée générale à la mise en jeu. Il ne restait que Joel Armia qui n'était pas pris, donc on n'avait pas vraiment le choix ! », rigole-t-il.

« Il y a des moments dans un match où l'arbitre ne peut pas tout gérer, et les joueurs doivent prendre les choses en main. Les bagarres ne devraient pas être abolies. » - Kenny Agostino Jesperi Kotkaniemi, lui, avait admis après son premier match préparatoire que c'était la première fois qu'il disputait un match dans lequel il y avait un combat. Le Finlandais de 18 ans affirme ne s'être jamais battu au hockey. Mais trois mois en Amérique du Nord l'ont convaincu du bien-fondé de ces règlements de comptes.

« Il y en a de moins en moins, mais ça demeure une partie importante du hockey. Si quelqu'un ne suit pas les règles, c'est une bonne façon de le lui rappeler », a mentionné Kotkaniemi.

Jusqu'ici, la baisse du nombre de bagarres ne semble pas avoir été suivie par une hausse des coups salauds. Ces coups sont durs à quantifier, mais notons que depuis le début du calendrier, la LNH a seulement décerné cinq suspensions. La saison dernière, il y en avait eu 21, et 23 en 2016-2017. On ne saura évidemment jamais quel serait l'impact d'une réglementation plus musclée contre les bagarres sur ces coups dangereux, mais les données laissent croire à une baisse générale des actes violents.