Il y a huit défenseurs en santé en ce moment chez le Canadien. Calcul rapide, c'est deux de trop. Bientôt trois quand Shea Weber sera remis de sa blessure.

Dans un contexte où le Canadien connaît des ratés défensifs, forcément, Claude Julien tente de battre ses cartes. Résultat : beaucoup, mais alors beaucoup de changements de duos chez les défenseurs.

Des changements, oui, mais aussi plusieurs défenseurs laissés de côté l'espace de quelques matchs. Noah Juulsen l'a vécu, Karl Alzner souvent, Victor Mete plus tôt dans la saison, récemment Mike Reilly et Xavier Ouellet. Seuls Jordie Benn et Jeff Petry n'ont jamais sauté leur tour, en plus d'être le duo le plus régulier de Claude Julien.

En fait, depuis le 30 octobre dernier, jour où le Canadien a accordé quatre buts aux Stars de Dallas, Claude Julien a essayé huit duos différents. Et depuis ce match, donc au cours des neuf derniers de l'équipe, le Canadien a accordé 38 buts. Personne n'a fait pire dans la LNH durant cette période (on exclut les matchs d'hier).

La question : remanier aussi souvent les combinaisons défensives, est-ce la solution... ou la cause du problème ?

Pour Claude Julien, évidemment, c'est la solution. Il voit dans la création d'une telle tension la bonne vieille « compétition à l'interne » qui ne peut qu'aider l'équipe.

« Je suis à l'aise avec la rotation, mais encore là, tu prends des décisions basées sur les performances de certains joueurs et en même temps ça fait de la compétition interne. C'est ce qui nous donne une chance de gagner. En même temps, tu vois qu'il n'y a personne qui est à l'écart pendant trop longtemps. Ce qui n'est pas une mauvaise chose. »

« Je ne veux pas qu'aucun des joueurs devienne confortable. »

Cette instabilité pourrait-elle nuire, selon le pilote ?

« Pas vraiment. C'est de la compétition interne pour l'instant. Il faut continuer à essayer de s'améliorer du côté défensif, mais aussi nos défenseurs doivent continuer à avoir cette compétition-là pour faire ressortir le meilleur d'eux-mêmes. »

Voilà donc sa manière d'approcher le trop-plein de défenseurs. Claude Julien ne veut pas couler dans le béton son top 6, d'autant qu'il devra régler dans les prochaines semaines plusieurs dossiers épineux avec le retour de Shea Weber. Enverra-t-il un vétéran respecté, et avec un lourd contrat, comme Karl Alzner dans la Ligue américaine ? Prendra-t-il la voie facile consistant à rétrograder Noah Juulsen ou Victor Mete, exempts de ballottage ? Osera-t-il soumettre au ballottage Xavier Ouellet, dont le contrat et le rendement le rendent extrêmement attrayant pour les autres équipes ? Et finalement, qui jouera à la gauche de Shea Weber ?

On parlait d'instabilité, nous n'avons encore rien vu.

INCONFORT

De l'autre côté du miroir, il y a les défenseurs qui se retrouvent pris dans la rotation. Des défenseurs qui, en effet, sentent les effets de cet inconfort recherché par leur entraîneur. Il y a Mike Reilly, exclu de la formation face aux Flames, dont la laisse a été plutôt courte après plusieurs bons matchs cette saison, mais un très mauvais contre les Oilers.

« J'étais sous le choc, c'est sûr, a reconnu Reilly. Je n'ai pas reçu de raison, mais je sais que je peux certainement être meilleur. Je n'ai pas été bon à Edmonton [il a fini à - 3] et je ne vais pas blâmer l'effort d'équipe. Moi-même, je n'ai pas été bon. »

« Je ne sais pas quand je vais revenir, mais quand je vais le faire, je dois hausser mon jeu et atteindre un autre niveau. »

Reilly a admis que cette « compétition à l'interne » pouvait être lourde mentalement. On a d'ailleurs vu quelques fois cette saison des défenseurs revenir après avoir été laissés de côté et manquer de créativité dans leur jeu. Le genre de créativité qui vient avec la confiance.

C'est Reilly lui-même qui a aussi noté la difficulté de s'ajuster à de nouveaux partenaires de jeu. Tout juste après avoir admis qu'il jouait, selon lui, le meilleur hockey de sa carrière jusqu'ici cette saison, au sein d'un système qui le mettait en valeur.

« Je jouais dans des situations ardues dans lesquelles je n'avais jamais été placé et je m'en tirais bien. Avec Noah Juulsen, on formait un bon duo, on aimait jouer ensemble. Ça nous permettait d'avoir des similarités d'un match à l'autre. Quelques périodes, ça changeait, mais on était pas mal sûrs de jouer ensemble et on était à l'aise. Je me sentais bien la plupart du temps, mais c'est un processus d'apprentissage. »

« On était à l'aise »... Intéressante opposition à l'inconfort recherché par l'entraîneur. Tout de même, Reilly confirme que cette compétition incite au dépassement, et qu'à travers tout ça, l'ambiance est demeurée très saine. Exactement ce qu'a dit Xavier Ouellet, confiné deux fois à la galerie de presse cette saison. En fait, les deux défenseurs pensent la même chose : saine compétition, mais difficile ajustement à de nouveaux partenaires. Ouellet nous a offert en prime une incursion dans la tête d'un joueur pris dans ce tourbillon.

« Ça fait toujours mal quand tu te fais dire que tu ne joues pas. Il y a toujours un pincement au coeur. » - Xavier Ouellet

« J'ai aussi plus d'expérience [que lorsque ça lui arrivait avec les Red Wings]. J'ai appris que je n'ai pas toujours le contrôle sur les décisions des entraîneurs ou des dirigeants. Ça ne sert à rien parfois de trop chercher les raisons. Il faut juste que tu te concentres sur ton jeu sur la glace. »

En attendant, la rotation se poursuivra ce soir contre les Canucks de Vancouver. Il reste à savoir qui regardera le match comme spectateur.