Pour la jeune génération des partisans du Canadien, Tomas Plekanec est un joueur effacé, surtout défensif, à l'éternel col roulé, qui a fait sa marque de commerce de tirer dans le ventre des gardiens adverses. Mais Plekanec a déjà été plus que ça, beaucoup plus que ça, pour le Canadien.

Plekanec est quand même le joueur qui a valu cette réponse de Brad Marchand quand ce dernier s'est fait demander à l'été 2014 qui il détestait le plus: «Tomas Plekanec. Je ne peux pas le supporter.»

C'était quelques mois après que le Canadien eut éliminé les Bruins de Boston pour accéder à la finale de l'Association de l'Est. On comprend que la douleur était encore vive. Mais ça veut dire beaucoup d'être le joueur le plus détesté du joueur le plus détesté. Francis Bouillon était avec Plekanec à ses débuts dans la Ligue américaine, en 2002, et il a joué sept ans à ses côtés. Il savait que les deux hommes ne s'aimaient pas, et il sait exactement pourquoi.

«Ce n'est pas un gars que tu vas détester parce qu'il va être fatigant sur la glace comme un [Brendan] Gallagher qui va rentrer au filet déranger le gardien et picosser tout le monde. Mais il joue tellement intelligemment que ce sont des gars qui tapent sur les nerfs. Ils sont toujours "dans ta face".

«Tu vas vouloir prendre un lancer, il a le bâton bien placé. Ce n'est pas le gars qui parle le plus sur le glace, mais oui avec Marchand, tu voyais les deux qui se picossaient. Si j'étais un centre, celui que je détesterais le plus, ce serait Patrice Bergeron. Pas parce qu'il est chien, mais parce qu'il joue tellement bien.»

Plekanec a déjà été ce joueur pour le Canadien. Il a en plus connu sept saisons de 20 buts, six de 50 points. Il a déjà eu des responsabilités de premier centre. En 17 saisons dans l'organisation du Canadien, il s'est valu une place de choix dans l'histoire de l'équipe. En fait, s'il joue encore 24 matchs, il se retrouvera au cinquième rang du classement des joueurs qui ont disputé le plus de matchs avec le Canadien. Derrière Henri Richard, Larry Robinson, Bob Gainey et Jean Béliveau. Rien que ça.

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TOMAS PLEKANEC EN CARRIÈRE 

232 buts

375 aides

607 points en 999 matchs

Plus de matchs avec le Canadien: 

1- Henri Richard - 1258

2- Larry Robinson - 1202

3- Bob Gainey - 1160

4- Jean Béliveau - 1125

5- Claude Provost - 1005

6- Andrei Markov - 990

7- Tomas Plekanec - 982

Plus de points dans l'uniforme du Canadien: 

1- Guy Lafleur - 1246

2- Jean Béliveau - 1219

3- Henri Richard - 1046

4- Maurice Richard - 966

13- Tomas Plekanec - 605

Plus de matchs dans la LNH pour un joueur tchèque: 

1- Jaromir Jagr - 1733

2- Roman Hamrlik - 1395

3- Bobby Holik - 1314

4- Radek Dvorak - 1260

11- Tomas Plekanec - 999

Plus de points dans la LNH pour un joueur tchèque:

1- Jaromir Jagr - 1921

2- Patrik Elias - 1025

3- Milan Hejduk - 805

4- Vaclav Prospal - 765

14- Tomas Plekanec - 605

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Plus que son jeu, Plekanec s'est distingué par son exceptionnelle loyauté envers le Canadien. Au point de revenir l'été dernier, après avoir été échangé aux Maple Leafs de Toronto.

«Je n'avais pas réalisé qu'on avait manqué le 1000e match de si peu! a dit Patrick Marleau, qui a souvent joué avec Plekanec à Toronto. C'était agréable de jouer avec lui. Il est dur à affronter, et on s'est souvent affrontés. C'était vraiment bien de le voir dans un chandail de la même couleur que le mien.»

Et même laissé de côté en début de saison, Plekanec s'est assuré de partager son savoir avec les plus jeunes, notamment aux cercles des mises en jeu. Tout ça en expliquant calmement devant les journalistes que les succès de l'équipe passaient avant les siens.

Jour de repêchage

Quand André Savard est devenu directeur général du Canadien en novembre 2000, il héritait probablement de la pire mouture de l'histoire de l'équipe. Il n'avait pas droit à l'erreur lors des repêchages suivants. S'il a eu un certain succès avec Chris Higgins et Mike Komisarek, il a frappé un coup de circuit avec Plekanec au 3e tour, 71e au total, en 2001. Savard raconte ce moment.

«En fait, le plus important est avant le repêchage. On tient nos derniers meetings et cette année-là, on avait fait ça à Québec. J'avais rassemblé les dépisteurs pour préparer nos listes. Quand je suis arrivé au nom de Tomas Plekanec, je le connaissais, je l'avais vu jouer. Je m'étais rendu en Europe. Notre dépisteur en République tchèque, il l'aimait, mais je trouvais qu'il était trop loin sur notre liste. J'ai dit: "Oui, tu l'aimes, mais il est trop loin. Là où il est, on ne l'aura pas. Alors, il faut que tu démontres que tu l'aimes plus que ça."»

En Europe, Plekanec jouait pour Kladno, sa ville natale, en Extraliga tchèque. Savard y avait vu un joueur qui ne se laissait pas abattre, qui avait un bon sens du hockey, un bon coup de patin. En revanche, il savait très bien que son joueur avait besoin de s'adapter au style nord-américain. C'est sous Claude Julien, à Hamilton, qu'il a appris.

«Il jouait un style très différent, a dit Julien. Je me souviens, au début, il disait qu'il était le "centre-arrière", donc qu'il fallait toujours qu'il soit en retrait dans le territoire adverse. J'ai travaillé fort avec lui pour l'encourager à avoir plus confiance offensivement, pour lui montrer que le troisième homme pouvait être le centre ou un des ailiers aussi. Il s'est mis à offrir des bonnes performances et en arrivant à Montréal, il a connu des saisons productives. Ce gars-là a une bonne tête de hockey. Il est capable de s'ajuster à différents rôles, et c'est pourquoi il joue encore aujourd'hui.»

À Hamilton, Bouillon a découvert un jeune homme gêné, qui ne parlait pas l'anglais mais qui s'est rapidement intégré à ses coéquipiers. Pendant ses deux séjours avec le Canadien, le dernier de 2012 à 2014, Bouillon a appris à connaître un joueur discret mais doté d'une vision du jeu exceptionnelle.

Au quotidien, on sait Plekanec sympathique, toujours capable d'une boutade (souvent en français d'ailleurs), mais aussi très réservé. C'est sur la glace qu'il s'est toujours exprimé, avec le Canadien mais aussi avec la République tchèque, dont il a été le capitaine aux Jeux olympiques de 2014 et à la Coupe du monde de 2016.

Son 1000e match aura peut-être lieu ce soir contre les Red Wings de Detroit. Plekanec est en fin de parcours, tout le monde le sait, mais on ne pourra jamais lui enlever ce qu'il a accompli en se rendant là.

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Photo tirée d’Instagram

Brendan Gallagher, Jacob De La Rose, Artturi Lehkonen et Jeff Petry ont salué leur ancien coéquipier Tomas Plekanec en portant le col roulé alors que le Canadien affrontait les Maple Leafs en mars dernier.

Ce qu'ils ont dit...

«Quand on l'a envoyé à Hamilton, j'étais allé le voir. Il était habitué à jouer centre en retrait [center back] et on ne jouait pas de cette manière-là. Je lui ai expliqué qu'il devait faire plus d'échec avant, qu'il sorte de ce modèle-là. Il était tellement fier de jouer dans les deux zones, mais je trouvais qu'il exagérait un peu.» - André Savard

«Il aime faire les choses par lui-même. Ça ne veut pas dire que c'est un mauvais coéquipier. Certains sont plus extravertis, lui l'est moins. Je l'ai toujours aimé même si nous ne sommes pas allés souper ensemble 1000 fois sur la route. Tu respectes ça. Comme coéquipier, tu veux qu'il livre la marchandise, c'est ce qu'il faisait.» - Francis Bouillon

«C'est un des meilleurs de l'histoire tchèque. Il y a des joueurs qui sont de plus grandes célébrités que lui, comme Jaromir Jagr, Dominik Hasek ou Patrik Elias. Mais c'est un des meilleurs que nous n'ayons jamais eu. Il nous a aidés à notre arrivée à Montréal. Si on a des questions, on les lui pose et il essaie de nous aider. Si on ignore quelque chose, on peut le texter ou l'appeler, et il va nous aider. C'est important pour nous de l'avoir ici.» - Michal Moravcik, joueur tchèque du Rocket de Laval

«Il m'a aidé et il m'a donné beaucoup de conseils. Il n'a pas l'air de ça, mais c'est un gars qui parle beaucoup sur la glace et sur le banc. Disputer 1000 matchs dans la LNH, c'est un exploit, encore plus quand c'est presque tous avec la même équipe. Au banc, il parle de chaque chose qui arrive lors d'une présence. Je ne vais jamais oublier l'aide qu'il m'a apportée.» - Charles Hudon, qui a formé un trio intéressant avec Tomas Plekanec l'an dernier