Jonathan Drouin ne s'en cache pas: il a mal digéré d'avoir été laissé de côté par le Lightning de Tampa Bay, l'automne dernier. Il espérait passer directement du repêchage à la Ligue nationale. Les joueurs de sa qualité se font rarement dire non.

«C'était la première fois que ça m'arrivait», concède celui qui a été choisi au troisième rang du dernier repêchage.

Il lui a fallu plusieurs jours pour digérer sa déception. Au Colorado, Nathan MacKinnon, son ami et partenaire de trio avec les Mooseheads de Halifax, avait été retenu par l'Avalanche. Il se réjouissait pour lui. Mais il ne pouvait s'empêcher de se poser sans cesse la question: «Pourquoi pas moi aussi?»

«C'était difficile. Il fallait que je tourne la page. Mais comme je dis tout le temps, j'ai 18 ans, ce n'est pas comme si je n'avais plus la chance de jouer dans la Ligue nationale. J'aurai l'année prochaine et pas mal d'années encore», relativise Drouin.

«Ce n'était pas la fin du monde, quand j'ai réalisé ça, mais ça m'a pris du temps», admet-il.

Son entraîneur chez les Mooseheads note que le deuil a duré «deux, trois semaines». «Les médias parlaient de lui durant tout l'été comme d'un possible candidat au trophée Calder, rappelle Dominique Ducharme. Même s'il ne voulait pas se laisser embarquer dans ce discours-là, Jonathan l'a entendu quand même.»

Mais les choses se sont vite placées à Halifax. Alors que les séries commencent aujourd'hui dans la LHJMQ, Drouin peut faire le bilan de sa troisième saison dans le junior. Il ne pavoise pas. Mais le meilleur espoir québécois à 18 ans a de quoi être satisfait.

Cette année, Drouin a été muté de l'aile gauche au centre. «Ça a changé son implication dans le jeu, son rôle sur la glace, note Ducharme. Ce sont des outils de plus pour l'année prochaine.»

Même s'il assumait un nouveau rôle, sa production offensive a un peu augmenté cette année: 108 points en 46 matchs, contre 105 en 49 l'année dernière. Il a enfilé moins de buts, mais il a réussi plus de mentions d'aide.

Drouin a aussi réussi à clouer le bec à tous ceux qui prétendaient que ses succès s'expliquaient beaucoup par son association avec Nathan MacKinnon. Cette année, MacKinnon n'était plus là, à ses côtés, à terroriser la ligue dans un trio d'enfer. Drouin a répondu présent.

«Cette saison, on avait encore une bonne équipe, alors les points sont rentrés comme l'année dernière. Il y a peut-être des gens qui vont dire autre chose, mais moi, je trouve que j'ai une bonne saison, dit-il. J'ai fait des points et l'équipe a fini deuxième. Ce n'est pas si mal. Et là, on a de bonnes chances dans les séries.»

Sur les traces de Crosby

Preuve que sa saison s'est bien déroulée, Drouin se retrouve en nomination pour l'obtention du trophée Michel-Brière, remis au joueur par excellence de la Ligue. Il a déjà remporté cet honneur l'année dernière. Un seul joueur l'a obtenu deux fois d'affilée dans l'histoire de la LHJMQ, un certain Sidney Crosby.

Anthony Mantha (Foreurs) et Anthony Duclair (Remparts) sont aussi en nomination. «C'est sûr que ce serait quelque chose de répéter l'exploit de Crosby. Mais Anthony Mantha a eu une saison pas mal extraordinaire, note Drouin. Même chose avec Anthony Duclair avant qu'il subisse une commotion. Ce sont deux bons joueurs, alors on verra.»

L'attaquant québécois se concentre maintenant sur les séries, qui commencent pour les siens demain contre les Islanders de Charlottetown. Puis, une fois la saison terminée, il va tout faire pour se préparer au camp d'entraînement du Lightning, où le départ de Martin St-Louis va décongestionner l'avant.

Drouin est plus fort que jamais. Il n'avait pas de cours cette saison. Il s'est entraîné tous les matins. «J'ai pris du muscle. Mais en même temps, ma game, ce n'est pas d'entrer et de frapper tout ce qui bouge. Je travaille plus ma vitesse, mes pieds, des choses comme ça. Ça m'aide à gagner les petites batailles. Je ne suis pas le plus costaud, mais j'essaye d'être plus rapide que les gars devant moi.»

Le jeune joueur a maintenant l'expérience d'un camp d'entraînement dans la LNH. Il sait aussi ce que ça fait de se faire dire non. Ce sera une motivation de plus, cet été, pour mettre les bouchées doubles. Pour faire en sorte que la deuxième fois soit la bonne.

«Je vais aller là optimiste, dit Drouin. Mais je ne vais pas arriver là-bas en me disant que je mérite ma place parce que j'ai été un troisième choix. Je vais prendre ma place.»