Le monde du golf est en pleine période de transition. Il tente de se réinventer, mais surtout de s’adapter aux plus récentes tendances et aux nouvelles capacités des golfeurs. L’Augusta National, toujours un peu en rattrapage, tente aussi de suivre la cadence.

Après des modifications aux 11e et 15e trous l’année dernière, le 13e a à son tour été remanié en vue du Tournoi des Maîtres de 2023.

Le fameux Azalea a été allongé de 35 verges. Les surintendants ont reculé le tertre de départ. Cette normale 5 est donc passée de 510 à 545 verges. Cette distance demeure tout de même raisonnablement courte et accessible pour une normale 5 d’un tournoi majeur.

Néanmoins, cette restructuration du dernier trou de l’emblématique Amen Corner obligera les golfeurs à revoir leur stratégie. Autrefois, il était le trou le plus facile du terrain. Tout ça étant relatif, bien entendu. Les arbres sur la gauche, les obstacles d’eau et les fosses de sable autour du vert effraieraient la majorité des golfeurs du dimanche.

Pour le commun des mortels, le 13e trou de l’Augusta National n’est pas le genre de trou sur lequel on utilise la plus belle balle de son stock, mais plutôt une vieille balle perdue, trouvée et meurtrie par l’abandon, sur laquelle figurent des initiales étrangères écrites au crayon-feutre.

Cependant, pour des golfeurs professionnels, ce trou était un passe-partout. Les joueurs pouvaient compter sur cet arrêt au 13e trou pour se remettre dans le coup à l’approche des cinq derniers trous. Les observateurs se demandaient même depuis des années si ce trou était digne du tournoi le plus prestigieux au monde, considérant la puissance et la distance générée par les golfeurs d’aujourd’hui.

Or, en ajoutant 35 verges, il sera plus complexe pour les golfeurs d’atteindre le vert en deux coups.

« C’est plus long. Beaucoup plus long », a souligné le tenant du titre, Scottie Scheffler, il y a quelques jours.

Le meilleur joueur au classement mondial pense même devoir revoir sa stratégie. « Habituellement, je le jouais avec un bois 3. Je peux faire un crochet intérieur, mais pas volontairement. La balle ne tourne pas assez. Si je le fais, c’est par accident, pas parce que j’ai frappé pour faire cet effet. »

Le 13e est conçu de manière à tourner vers la gauche, environ à la mi-parcours. L’espace du milieu est plus étroit et bordé par des arbres sur la droite et un ruisseau sur la gauche. Le reste du terrain est ouvert et le trou se retrouve sur la gauche.

« Avec mon bois de départ, lorsque je fais un crochet à gauche, la balle n’a pas assez d’effet pour rester dans les airs assez longtemps et pour tourner suffisamment. Elle fait juste piquer du nez. »

Plus haut

Le champion de 1984 et 1995, Ben Crenshaw, est allé sillonner le parcours au début du mois de mars. De sa perspective, le changement le plus significatif est la hauteur à laquelle se retrouve le nouveau tertre de départ.

Quand je suis arrivé, ce qui m’a frappé, c’est qu’il fallait marcher beaucoup plus pour aller frapper la balle. C’est environ 30 pieds plus haut.

Ben Crenshaw, sur les ondes de Golf Channel.

Les organisateurs ont fait « un travail fantastique » pour déterminer « à quel point la balle pourrait aller loin ».

Selon lui, le défi pour les golfeurs sera de « résister à la tentation de vouloir couper la trajectoire de leur balle par-dessus les arbres ».

Les gros cogneurs devront garder la tête froide, croit-il. Il sera possible d’utiliser cette stratégie ambitieuse, mais réalisable, mais compte tenu de l’ampleur de l’évènement, certains pourraient se montrer hésitants et jouer de prudence.

« C’est une décision très moderne », pense Crenshaw.

L’Augusta National se rallonge, mais il n’est pas devenu le paradis des gros cogneurs pour autant. Il renferme encore trop de pièges. Le 13e trou devenant la nouvelle énigme à résoudre pour les concurrents.

Cinq prétendants au titre

Un veston vert sera remis à l’un des 89 golfeurs inscrits au Tournoi des Maîtres dimanche après-midi. À qui Scottie Scheffler remettra-t-il la pièce vestimentaire la plus convoitée du golf professionnel ? Ou encore, Scheffler pourra-t-il l’enfiler avec plus d’aisance que l’an passé ? Voici cinq prétendants au titre.

Jon Rahm

PHOTO MIKE BLAKE, REUTERS

Jon Rahm

Rahm a connu un début de saison étincelant. Plus discret l’année dernière, l’Espagnol a remporté trois des cinq premiers tournois auxquels il a participé en 2023. Il a déjà empoché plus de 10 millions de dollars en bourses et le printemps vient à peine de se pointer le bout du nez. Son jeu court, sur les verts et autour, est dans une classe à part. Cet aspect de son jeu lui permet de dominer les statistiques du PGA Tour pour le nombre d’aigles, d’oiselets et pour le pointage moyen. Quatre fois au cours des cinq dernières années, il a terminé dans le top 10 au Tournoi des Maîtres.

Max Homa

PHOTO ERIC GAY, ASSOCIATED PRESS

Max Homa

Homa gagne à être connu. Son nombre de titres en carrière (6) n’est pas proportionnel à son potentiel. Il est capable de s’illustrer sur le terrain et à l’extérieur. Le cinquième joueur mondial est passionnant à suivre sur les réseaux sociaux et dans ses différentes interventions publiques. Sa franchise et sa capacité à demeurer terre à terre charment de plus en plus d’amateurs. Homa a plusieurs cordes à son arc et il est capable de faire de l’or avec du sel dans différentes situations. Il compte déjà deux victoires cette saison.

Rory McIlroy

PHOTO JAE C. HONG, ASSOCIATED PRESS

Rory McIlroy

Deviendra-t-il, enfin, le sixième joueur à réussir le Grand Chelem en remportant au moins une fois chaque tournoi majeur ? Il a tout ce qu’il faut pour réussir. Son jeu s’améliore sans cesse et depuis deux ans, on revoit le McIlroy des beaux jours. Seul son jeu sur les verts peut parfois lui poser problème, mais il vient de se procurer un nouveau fer droit. Il est aussi resté le meilleur golfeur au monde sur les tertres de départ. Rappelez-vous également son dernier coup, l’an dernier, au Tournoi des Maîtres. Dans l’euphorie la plus complète, il a envoyé sa balle au fond de la coupe, à partir de la fosse de sable, pour s’assurer du deuxième rang. Cette année pourrait être la bonne.

Scottie Scheffler

PHOTO MIKE BLAKE, REUTERS

Scottie Scheffler

Le meilleur joueur de golf au monde, c’est Scottie Scheffler. Le joueur le moins orthodoxe du circuit maintient la cadence imposée l’année dernière. Avant de dominer outrageusement l’édition 2022 du Tournoi des Maîtres, le Texan avait gagné l’Omnium de Phoenix, l’Invitation Arnold Palmer et le Championnat du monde par trou. Dans les dernières semaines, il a encore été prolifique en défendant son titre à Phoenix et en gagnant le Championnat des joueurs, considéré comme le cinquième majeur. Il sera l’homme à battre à Augusta. Il deviendrait le premier joueur à gagner deux éditions consécutives depuis Tiger Woods en 2001 et 2002.

Will Zalatoris

PHOTO MARK BAKER, ASSOCIATED PRESS

Will Zalatoris

Le cas de Zalatoris est particulier. Comme Roy Dupuis, on le voit seulement lorsque c’est important. Le huitième joueur mondial a seulement une victoire à sa fiche et elle remonte à août 2022 au Championnat St. Jude. Néanmoins, il est une bête complètement différente lorsqu’il compétitionne en tournoi majeur. Il a terminé cinq fois au sein du top 10 lors des deux dernières années. À Augusta, il revendique une deuxième et une sixième place. Malgré une motion incompréhensible avec son fer droit, il trouve toujours le moyen de briller au Tournoi des Maîtres.

Les Canadiens à suivre

Rarement les Canadiens ont-ils performé si fièrement sur le circuit de la PGA. Depuis quelques mois, presque chaque semaine, un joueur de l’unifolié s’illustre. Il est peut-être ambitieux de prévoir une première victoire depuis celle de Mike Weir en 2003, mais à tout le moins, un ou deux golfeurs pourraient se faufiler jusqu’à un départ tardif dimanche.

Corey Conners

PHOTO CHARLIE RIEDEL, ASSOCIATED PRESS

Corey Conners

Il est depuis quelque temps déjà le meilleur golfeur canadien. Il est épatant par sa constance et sa capacité à faire beaucoup de bruit dans le silence. Conners est loin d’être le plus volubile ou le plus expressif derrière ses lunettes de soleil, mais il est capable de rivaliser avec les golfeurs les plus dominants de la planète. L’Ontarien de 31 ans est à son aise sur le parcours de l’Augusta National. Il fait mieux d’année en année. Depuis 2020, il a terminé 10e, 8e et 6e. Son élan sur les coups de départ, l’un des plus mécaniques du circuit, est toujours son arme de prédilection. Le 28e joueur mondial a encore des lacunes flagrantes sur les verts, mais son triomphe dimanche dernier à l’Omnium Valero du Texas a de quoi donner espoir au Canadien après un début de saison en dents de scie. Il a su négocier avec la pression imposée par ses poursuivants et il a été presque sans faille lors de la ronde finale. Conners se présentera donc à l’Augusta National le vent en poupe.

Adam Svensson

PHOTO ERIC GAY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Adam Svensson

De tous les noms canadiens, Svensson est sans doute le moins connu. Le golfeur de Surrey, en Colombie-Britannique, a été une belle révélation la saison dernière. Depuis, il fait belle figure presque à chaque sortie. Il a gagné son premier titre à la classique RSM en novembre et depuis le début de la campagne 2022-2023, il a raté la coupure seulement 3 fois en 16 tournois. Posté au 56e rang mondial, il connaîtra sa première participation au Tournoi des Maîtres, en vertu de sa victoire obtenue. Svensson est un as sur les coups d’approche, avec ses fers longs ou ses fers courts. Il n’est pas le plus gros cogneur, mais sa précision est déconcertante.

Mackenzie Hughes

PHOTO JAE C. HONG, ASSOCIATED PRESS

Mackenzie Hughes

Hughes avait commencé la saison sur les chapeaux de roues avec un triomphe dès son deuxième tournoi, au Championnat Sanderson Farms. Depuis, c’est moins évident pour l’Ontarien de 32 ans. Il n’a pas survécu à la coupure à quatre de ses sept derniers évènements avant le Championnat du monde de golf par trou. Il y a deux semaines, Hughes a pris le cinquième rang du tournoi, à Austin, au Texas. Dans son groupe, le Canadien a devancé notamment Jordan Spieth et Shane Lowry. Il a ensuite battu Max Homa en ronde des 16, avant de s’incliner devant Sam Burns, le futur champion. Au Tournoi des Maîtres, Hughes est habituellement assez constant lors des rondes du jeudi et du vendredi. Son défi, cette année, sera de maintenir la cadence jusqu’à dimanche.

Mike Weir

PHOTO CHARLIE RIEDEL, ASSOCIATED PRESS

Mike Weir

Il y a 20 ans cette année, Weir devenait le premier joueur canadien à enfiler le veston vert. Souvenez-vous à quel point le gaucher avait été brillant et… résilient. Le jeudi, il était en quatrième place à -2. Le vendredi, il avait remis une carte de 68 pour grimper au premier rang à -6. Le samedi, il l’avait échappé avec un 75, glissant au deuxième rang. Le tournoi s’était décidé en prolongation, contre Len Mattiace, fort d’une ronde finale exceptionnelle de 65. Au trou de prolongation, Weir a été sauvé, car il a réalisé un boguey, mais Mattiace s’est saboté avec un double boguey. Vingt ans plus tard, la journée du 13 avril 2003 est encore l’une des plus mémorables du sport canadien. Le nouveau capitaine de l’équipe internationale en vue de la prochaine Coupe des Présidents a fait la coupure seulement trois fois depuis 2010, mais sa simple présence à l’évènement sert à rappeler que les golfeurs canadiens ont leur place sur la plus grande scène du monde.