(Atlanta) Bûcher, briller, répéter. On peut définir ainsi la routine hebdomadaire de Bijan Robinson. Et ça fonctionne, car le porteur de ballon fait bien plus qu’exceller. Il répond aux attentes.

Robinson est arrivé sur le terrain d’entraînement des Falcons d’Atlanta aux côtés de Tyler Allgeier, les gants coincés dans son short au niveau de la taille et son casque rouge dans la main droite.

Il était enjoué. Peut-être parce que la pelouse était fraîchement tondue. Aucune machinerie n’était visible, mais l’odeur ne mentait pas.

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Préparation de la surface de jeu au complexe d’entraînement des Falcons, à Flowery Branch

Deux terrains sont à la disposition de l’équipe sur cette propriété de 50 acres située à Flowery Branch. C’est devenu le quartier général. À une extrémité du terrain, un lac artificiel. À l’autre, une bâtisse récemment construite et aménagée, tout en brique, à l’intérieur ultramoderne.

Dans le vestiaire, au terme de l’entraînement, Robinson a les yeux rivés sur son téléphone cellulaire. Peut-être pour voir ce qui se trame sur sa page Instagram comptant près d’un demi-million d’abonnés.

Malgré ses 21 ans, Robinson en impose. Par ses cuisses larges comme des séquoias géants, mais aussi par son charisme et sa joie de vivre qui paraît franchement naturelle. Son surnom dans l’équipe est « Smiley ». Ceci expliquant cela.

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Bijan Robinson compte 364 verges de gain par la course en cinq matchs.

Sur le terrain, le porteur de ballon a également toutes les raisons de sourire. Le huitième choix du dernier repêchage est étincelant depuis ses débuts dans la NFL. En cinq matchs, il compte 364 verges par la course, bon pour le neuvième rang de la ligue, et deux touchés.

Après avoir projeté les raisons de sa réussite sur Dieu, il a aussitôt évoqué l’importance de ses coéquipiers, lors de son entrevue avec La Presse : « Le coach me met toujours dans les meilleures situations et les gars me créent beaucoup d’espace. Ils me donnent la chance de me faufiler, ils sont habiles. J’ai bien utilisé le temps que j’avais depuis le camp d’entraînement pour parfaire mon jeu et m’adapter. »

D’autant plus qu’en raison de ses performances historiques avec les Longhorns de l’Université du Texas dans la NCAA, les attentes sont presque démesurées à son égard. Avant même qu’il ait joué son premier match, les observateurs le plaçaient dans la même catégorie que des ténors comme Derrick Henry, Saquon Barkley et Nick Chubb.

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Bijan Robinson

Force est d’admettre que le natif de Tucson, en Arizona, répond aux attentes. Il est en voie de connaître une saison de plus de 1200 verges par la course. Mais encore, son aisance sur le terrain, sa rapidité, son explosivité et la manière dont il s’est adapté au calibre de jeu rendent son arrivée dans la NFL presque phénoménale.

La raison de son succès ? « Je ne crois pas en la pression », a révélé le joueur de 5 pi 11 po à la chevelure imposante.

« Je crois seulement en ce que je peux contrôler, poursuit-il. J’ai un plan et je le suis. La pression ne me pèse pas. Je sais cependant qu’il y avait des attentes, ce qui s’ajoute au fait que j’étais nouveau dans cette ligue et dans cette équipe, mais je ne veux pas m’en soucier, parce que c’est juste du stress supplémentaire. »

Faire parler de soi

Peu importe la chaîne, si on présente des faits saillants de la NFL, les chances d’y voir Robinson sont très bonnes. Presque autant que d’apercevoir un piéton marchant avec une casquette des Braves sur la tête au centre-ville d’Atlanta.

Son plus récent touché, réalisé la semaine dernière, a fait le tour de la planète football. Il avait alors capté une courte passe de dos, à une seule main, avant de porter le ballon sur le bout des doigts tout en virant les rotules de son poursuivant.

Et même s’il a marqué des tonnes de touchés depuis ses débuts au football et qu’il en marquera des dizaines au cours de sa carrière, ce sentiment presque indescriptible d’entrer dans la zone des buts avec le ballon en main est la principale source de motivation de Robinson.

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Bijan Robinson

C’est fantastique ! On travaille tellement fort pour chaque touché. On travaille plein de choses pendant la semaine. Au bout du compte, tout ce qu’on fait, c’est pour finir dans la zone des buts.

Bijan Robinson

En vérité, chaque touché devient le point culminant d’une série d’évènements mis en place pour arriver justement à cette finalité. Et Robinson en parle comme un chef à propos de sa crème brûlée. Ou un metteur en scène à propos de son spectacle.

« En plus, le faire dans un gros stade, dans une grande ligue, entouré des meilleurs athlètes, c’est quelque chose. Et de le faire pour gagner des matchs en plus, c’est le plus beau cadeau. »

Transition et respect

D’ailleurs, cette capacité à être si polyvalent permettra à Robinson de se démarquer à l’avenir. Repêcher un demi offensif dans le top 10 est un risque. Mais ce pari semblait pleinement assumé par les dirigeants des Falcons le soir de l’encan.

Peu de porteurs de ballon sont aussi habiles pour attraper le ballon que pour le porter, mais c’est le cas de la pépite des Falcons. Il a déjà capté 21 passes et seul Josh Jacobs, des Raiders de Las Vegas, le devance à ce chapitre.

En fait, l’identité et l’ADN de l’Américain n’ont pas changé depuis sa sortie des rangs universitaires. Son impact sur le terrain, sa capacité à faire bondir les spectateurs et son énergie contagieuse sont restés les mêmes. Mais dorénavant, il ne peut plus compter sur le soutien inconditionnel de l’acteur Matthew McConaughey sur les lignes de côté. C’est là sans doute la principale différence.

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Bijan Robinson serre la main d’un partisan des Falcons après une victoire à domicile contre les Packers de Green Bay (7).

Il a su réussir sa transition. Et il commande le respect des autres joueurs dans la ligue, même après seulement six matchs. « En tout cas, je l’espère », note-t-il lorsqu’on lui en fait mention.

« Je travaille fort chaque jour pour acquérir et mériter ce respect, que ce soit de mes coéquipiers ou de mes pairs. Mais je me sens à l’aise sur le terrain, et c’est ce qui importe. Mais si j’ai le respect des gars à travers la ligue, ça veut dire que je fais mon travail comme il faut. »

Au terme de sa réponse, Robinson est retourné s’asseoir à son casier, le deuxième à droite de la porte donnant sur le terrain.

À l’extérieur, trois employés s’affairaient à couper la pelouse. À en prendre soin pour l’entraînement du lendemain. Parce que rien n’est le fruit du hasard. Ni pour Bijan Robinson ni pour les Falcons.