(Copenhague) « Vous avez interviewé tous les Québécois au Tour de France ? » Mercredi après-midi, à l’hôtel de Groupama-FDJ, dans un coin perdu en périphérie de Copenhague, Antoine Duchesne se paie gentiment la tête des deux journalistes québécois venus le rencontrer.

La veille, il avait reçu une photo d’une carte d’embarquement d’un voyage Montréal-Copenhague. C’est comme ça que Guillaume Boivin lui a annoncé qu’il s’apprêtait à les rejoindre, lui et Hugo Houle, pour faire le Tour de France.

Pour la première fois, les trois amigos du Québec disputeront un grand tour ensemble, et pas n’importe lequel.

Duchesne se demandait si la nouvelle était sortie. Israel-Premier Tech (IPT) a confirmé la présence de Boivin une demi-heure plus tard sur les réseaux sociaux. Jugé « cas contact à haut risque » pour la COVID-19, Omer Goldstein, seul Israélien de la formation au Tour, devait céder sa place. C’est le Québécois, premier remplaçant, qui en a hérité.

Je l’ai su lundi, avant de prendre un avion d’Edmonton à Montréal. Ils m’ont demandé de passer un test PCR. Je savais ce que ça voulait dire.

Guillaume Boivin

Deuxième des championnats canadiens, où Pier-André Côté l’a privé d’un deuxième titre national consécutif, Boivin est donc retourné à Montréal pour repartir le lendemain.

À peine débarqué à Copenhague, mercredi après-midi, il a sauté dans ses nouveaux cuissard et maillot pour assister à une réunion avec l’organisation du Tour et ensuite participer en soirée à la présentation officielle de l’équipe dans les jardins de Tivoli, un grand parc d’attractions au look suranné.

Les milliers de spectateurs n’en avaient que pour Christopher Froome, le quadruple vainqueur qui les a galvanisés, et Jakob Fuglsang, le héros local de 37 ans qui espère inscrire une première victoire d’étape au Tour.

« C’est assurément la meilleure présentation à laquelle j’ai assisté », a affirmé Michael Woods, l’autre Canadien d’Israel-Premier Tech, qui est au moins « à moitié » québécois, dixit Duchesne, lui qui a fait ses classes dans la province et possède maintenant une maison à Chelsea.

PHOTO GONZALO FUENTES, REUTERS

Christopher Froome, Jakob Fuglsang et Michael Woods, de l’équipe Israel-Premier Tech

Boivin, lui, savourait le moment. « J’espérais venir, a soufflé l’athlète originaire de Longueuil. Depuis le début de l’année, je pense que j’ai ma place. Je suis juste content d’être là. Et je veux prouver que ce n’est pas pour rien. »

Malgré le manque de sommeil, le cycliste de 33 ans compte sur « l’adrénaline » pour le début du Tour qui s’élance vendredi avec un contre-la-montre au centre-ville de la capitale danoise.

« C’est un privilège de faire le Tour », a insisté celui qui a pris part à son premier l’an dernier. « Ce n’est jamais donné. Ce n’est pas [la fatigue] qui va m’empêcher de faire un beau Tour et d’en profiter. »

« J’ai très hâte »

Boivin avait mal avalé sa non-sélection la semaine dernière. Il venait de disputer une série de courses en Belgique alors qu’il devait s’aligner sur le Critérium du Dauphiné, l’une des dernières grandes épreuves préparatoires pour le Tour. IPT l’avait envoyé là pour récolter des points UCI et échapper à une relégation en deuxième division l’an prochain. Pour éviter de broyer du noir, il avait mis le cap sur Edmonton pour y défendre son titre national.

Après 12, 13 ans dans le métier, on est habitués à voyager à gauche et à droite et à vivre des émotions fortes. Ça fait partie de la job.

Guillaume Boivin

Soucieux de contribuer aux succès de ses coéquipiers Woods et Fuglsang, Boivin lorgne une étape en particulier, la cinquième, où les coureurs emprunteront des secteurs pavés de Paris-Roubaix. Neuvième de la célèbre classique l’an dernier, il n’a pas été en mesure de s’exprimer au printemps, ralenti par la maladie.

Il compte bien se reprendre la semaine prochaine. « Ça fait longtemps que je pense à celle-là. J’affectionne les pavés, ce n’est un secret pour personne. J’ai très hâte. »

David Veilleux est le premier natif du Québec à avoir pris part au Tour de France en 2013. Pierre Gachon, un Parisien qui a émigré au Québec à l’adolescence, est le premier Canadien à avoir pris le départ en 1937.

Pour la première fois, le Tour comptera donc sur trois Québécois, presque quatre. L’an dernier, Houle et Boivin ont posé ensemble au soleil tombant sur les Champs-Élysées. Ils espèrent être encore plus nombreux sur la photo souvenir dans trois semaines.