Infrastructures grandioses mais tribunes désertes ... le Grand Prix de Turquie, qui en cinq ans n'a jamais trouvé son public, symbolise l'échec sportif de Bernie Ecclestone, le tout puissant argentier de la Formule 1, en quête perpétuelle de nouveaux marchés.

Dimanche, à peine 32 000 spectateurs ont garni les gradins de l'Istanbul Park, bien loin de la centaine de milliers d'aficionados présents en mai au Grand Prix d'Espagne à Barcelone. La ferveur semblait absente, comme l'a pointé Mark Webber (Red Bull), deuxième derrière Jenson Button.

«Je suis impatient d'être à Silverstone (où se déroulera le 21 juin le Grand Prix de Grande Bretagne) parce que (...) l'ambiance y est superbe, au contraire d'ici. Il n'y avait personne. Nous autres pilotes aimons courir devant du monde», s'est emporté l'Australien.

32.000 spectateurs, contre 40 à 45 000, un chiffre déjà catastrophique, les années précédentes, alors que la capacité du site est de 130 000 places. «La crise financière nous a fait du mal», estimait un cadre du Grand Prix dimanche soir.

Visuellement, le décalage entre la taille des infrastructures et le faible public paraissait impressionnant. Les tribunes aux sièges multicolores étaient clairsemées. L'une d'entre elle était même pudiquement recouverte d'une bâche verte, censée l'effacer du paysage.

L'échec du Grand Prix de Turquie peut surprendre. Organiser une course dans un pays de 70 millions d'habitants, à une quarantaine de kilomètres d'une ville mondialement connue de 13 millions d'habitants, Méditerranéens et comme tels amateurs d'automobile, semblait un gage de réussite. Il n'en a rien été.

Trop cher

Au-delà même de l'intérêt du public turc pour la F1, spectacle relativement monotone pour qui n'est pas expert, davantage encore des bords de pistes, où les informations ne sont pas communiquées au public comme elles le sont aux téléspectateurs, se pose la question de son prix.

Dimanche, un adulte devait régler entre 500 et 700 livres turques (entre 370 et 520$) pour s'asseoir dans la tribune des stands. Les billets les moins onéreux, sans accès aux écrans géants, ce qui ne permet pas de comprendre la course, étaient facturés 90 livres turques (65 $).

«On aurait dû laisser entrer les gens gratuitement aujourd'hui (...). Je suis sûr que beaucoup d'entre eux auraient voulu venir mais n'avaient pas les moyens de le faire car c'est très cher», a commenté Webber.

Les 300 millions de dollars dépensés pour construire le circuit, le relier par d'excellentes routes, et organiser le premier GP passent donc mal. D'autant que le développement économique censé accompagner la F1 n'est pas criant.

L'opération pourrait même s'avérer humiliante pour les autorités turques si le site n'était pas retenu pour les prochains Championnats du monde de F1.

«Notre contrat (avec la FOM) court jusqu'à 2011. Si nous voulons continuer (la F1), nous devrons trouver un accord avec M. Ecclestone. Ce ne sera pas facile», a estimé Mümtaz Tahincioglu, le président de la Fédération turque de sport automobile dans la presse locale.

Car les pays candidats sont nombreux, et prêts à dépenser des centaines de millions d'euros, sans retour sur investissement garanti, pour figurer dans la vitrine F1, scrutée par 600 millions de téléspectateurs chaque année. Le miroir aux alouettes d'Ecclestone a encore de beaux jours devant lui.