En 2018, après 17 saisons consacrées à la Formule 1, Fernando Alonso en a eu assez.

Avec deux titres mondiaux et 32 victoires en Grand Prix, il est parti. Mais sans joie ni satisfaction. Son dernier championnat remontait à 12 ans, sa dernière victoire, à 5 ans.

« Quand je suis parti, j’étais au plus bas. Je ne voulais pas ça, parce que mon pilotage, mon désir de gagner étaient aussi élevés qu’à mes débuts, explique Alonso, 41 ans. Mais les gens ne le voyaient pas. Maintenant, je prouve que je suis encore rapide ; l’âge ne compte pas. Ça fait partie d’un retour en force. Gagner un 33Grand Prix ou me battre pour un championnat ajouterait encore plus de drame à l’histoire. »

Il a été absent de la F1 en 2019 et 2020, mais pendant ce temps, il a continué à courir et a redécouvert la joie de gagner. Il a été sacré champion du monde en Endurance avec Toyota, a gagné les 24 heures de Daytona, tout comme la prestigieuse compétition des 24 heures du Mans. Deux fois plutôt qu’une.

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Fernando Alonso lors d’une conférence de presse au Grand Prix de Miami

Une disette de 10 ans

Malgré son bon début de saison, Alonso n’a pas remporté de Grand Prix depuis 10 ans. Max Verstappen, de l’écurie Red Bull, double champion en titre et meneur au classement de 2023, aimerait bien voir Alonso gagner de nouveau.

« Fernando aurait dû gagner beaucoup plus de courses, a déclaré Verstappen. Je pense qu’il en a mérité beaucoup plus. Alors, oui, je serais heureux de voir sa 33victoire en F1. Et même plus. On verra durant les prochaines courses. »

Alonso est revenu en Formule 1 en 2021 chez Alpine avec un succès modéré. Mais au milieu de l’année dernière, la chance lui a souri : Sebastian Vettel, de l’écurie Aston Martin, quatre fois champion du monde, a annoncé sa retraite. Alonso et son ami de longue date Lawrence Stroll, le propriétaire de l’équipe, se sont vite entendus.

Lawrence m’a téléphoné : “T’es-tu engagé auprès d’Alpine ?” J’ai dit non. Il m’a dit : “OK, si je t’envoie quelque chose sur papier aujourd’hui, vas-tu le regarder ?” J’ai dit oui.

Fernando Alonso

« Les pourparlers avec Alpine étaient assez avancés, mais rien n’était couché sur papier. Lawrence m’a envoyé une offre. C’était bien et comme je n’avais rien de l’autre bord, la décision a été facile. Tout est allé vite ; on se connaît depuis longtemps », dit-il.

Interviewé à ce sujet, Stroll a dit qu’il avait plusieurs raisons de vouloir Alonso : « C’est un des plus grands pilotes de Formule 1, c’est clair. Et il n’a jamais été aussi motivé. Quand on s’est parlé, il m’a dit : “Écoute, je peux apporter quelque chose à cette équipe pendant mes dernières années de pilotage et après, je l’espère, jouer un rôle chez Aston Martin pendant de nombreuses années.” Quand il a dit ça, j’étais déjà pas mal convaincu. »

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Le patron d’Aston Martin, Lawrence Stroll

Les deux hommes se sont connus au Canada en 2011 lors d’une course de karting à laquelle participait le fils de Stroll, Lance, alors âgé de 12 ans.

Lance Stroll était membre de l’Académie Ferrari et Alonso en était à sa deuxième saison avec l’équipe. Aujourd’hui, les voici coéquipiers chez Aston Martin.

« Je ne dirais pas qu’on avait une relation, j’avais 12 ans, affirme le fils Stroll. J’étais juste un petit gars, un fan. Mais maintenant, oui. Il y a une super dynamique dans cette équipe. J’aime beaucoup travailler à ses côtés. Il a du talent, des connaissances et une expérience incroyables ; et chaque jour, il veut tirer le meilleur de lui-même. »

Alonso indique qu’il se souvient de sa première rencontre avec son coéquipier d’aujourd’hui : « C’est drôle de repenser à ça aujourd’hui. Je me rappelle aussi qu’à ma dernière année chez Ferrari, en 2014, je suis resté chez Lawrence après la course de Montréal. Je me suis entraîné là pendant une semaine. »

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Fernando Alonso se faisant doucher au champagne par le vainqueur du Grand Prix de Miami, Max Verstappen

« J’ai aussi visité Lawrence à Monaco sur son yacht par la suite, on dînait ensemble. On se connaît. On a toujours gardé le contact. »

Transformer leur amitié en « partenariat professionnel » s’est fait naturellement, souligne-t-il.

Lawrence Stroll a acheté Aston Martin en 2018. L’écurie s’appelait alors Force India, il l’a renommée Racing Point. Deux ans plus tard, Stroll et des partenaires ont acheté une participation de contrôle du constructeur automobile Aston Martin, ce qui lui a permis de ramener la marque en Formule 1 en 2021 après 61 ans d’absence.

Cette année-là, il a déclaré qu’il voulait que l’équipe bataille pour la course au titre mondial dans cinq ans. Il a fait construire une nouvelle usine et une soufflerie qui ont coûté « plus de 250 millions de dollars ». Le personnel est passé de « 350 personnes à 780 aujourd’hui ».

L’écurie emménagera d’ici peu dans le nouveau complexe. La soufflerie, qui permettra à l’équipe de tester l’aérodynamisme des prototypes, ouvrira au printemps 2024.

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Fernando Alonso au volant de son Aston Martin durant le Grand Prix de Miami

En avance

Grâce aux performances d’Alonso, Aston Martin avance plus vite que prévu et est en deuxième place au classement des constructeurs.

« Quand on l’a mis sous contrat, début août l’an dernier, Fernando ne savait pas que la voiture serait aussi rapide, explique Lawrence Stroll. Mais il savait quelle passion j’avais investie dans ce projet, quelles personnes formidables j’avais embauchées, quelles installations formidables je construisais. Il voulait en faire partie. Il y croyait. »

Même Alonso est surpris des résultats. « J’ai cru au projet. J’ai pensé que c’était une belle aventure pour moi, qui suis en fin de carrière, de commencer avec une équipe qui a tant d’enthousiasme et un si bel avenir. »

Mais je pensais qu’il faudrait du temps pour atteindre un certain niveau, et que peut-être, en 2024, on pourrait se battre pour une marche du podium. Je ne pensais pas que la voiture serait si performante si vite.

Fernando Alonso

Sa deuxième retraite ? Un rôle autre que celui de pilote chez Aston Martin ? Alonso n’y pense pas souvent. Il est de nouveau heureux derrière un volant. « Mais je sais que j’ai 41 ans. Je sais que je ne suis pas ici pour encore 10 ans. Alors bon, oui, peut-être qu’après, je serai lié à l’équipe d’une autre manière. »

Mais avant, il veut savourer au moins sa 33victoire.

« Gagner un championnat serait parfait, a déclaré Alonso. Après toutes ces années depuis ma dernière victoire, un tel écart serait sans précédent. C’est mon objectif actuel.

« Le souvenir que je veux laisser en F1, c’est celui de quelqu’un qui aime énormément ce sport et qui a continué à courir longtemps, à un niveau aussi haut que possible. Ça prouverait quelque chose, ça donnerait du sens à mon retour. »

Cet article a d’abord été publié dans le New York Times.

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