Si je vous affirme ici que le circuit Gilles-Villleneuve est l’un de mes préférés au monde, vous vous direz probablement que je prêche pour ma patrie, mais dans les faits, il y a beaucoup plus. Ce circuit évoque des souvenirs à la fois magnifiques et très significatifs pour moi.

De prime abord, c’est précisément sur ce circuit que j’ai vu mon idole, Gilles Villeneuve, gagner sa toute première course de Formule 1 le 8 octobre 1978 lors de l’inauguration du circuit de l’île Notre-Dame. J’avais 10 ans et je me souviens clairement que c’est à cet instant précis que le petit garçon que j’étais a formulé un grand souhait : « Moi aussi, un jour, ça sera mon tour… »

Le circuit Gilles-Villeneuve a subi plusieurs transformations au fil des années. Il est aussi l’un des rares circuits sur la planète où l’on permet aux spectateurs de s’installer tout près de la piste. Inutile de dire que pour nous, pilotes, cette proximité nous offre la possibilité de ressentir l’émotion des partisans à son maximum.

Il est primordial, pour les pilotes, de mémoriser le circuit parce qu’il demande de la finesse au freinage et de la précision lors de l’utilisation des vibreurs.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le circuit Gilles-Villeneuve

En piste

Vu de l’intérieur, ce circuit est rempli de défis, à commencer par le moment où l’on se retrouve sur la première ligne droite, plus précisément sur la ligne des puits de ravitaillement, juste avant le virage Senna.

PHOTO BRUNO DORAIS, FOURNIE PAR GROUPE À L’INFINI

Le circuit Gilles-Villeneuve, l’un des préférés de Bertrand Godin

À cet endroit précis, il faut déjà anticiper la légère courbe qui se trouve sur la droite. Avec un bolide qui file à 300 km/h, cette anticipation est essentielle pour nous donner la possibilité de bien placer notre voiture tout en la gardant stable et en ligne droite, car le freinage y est très puissant et tardif. C’est un endroit idéal pour dépasser à gauche avant ou dans le virage, car l’entrée de ce virage offre suffisamment d’espace pour y positionner deux voitures de large. On aime bien ça…

D’ailleurs, pour être infaillible, le freinage doit se poursuivre légèrement au début de la courbe pour permettre ce qu’on appelle « l’adhérence mécanique », nécessaire pour aligner la voiture sur la trajectoire, car l’appui aérodynamique est beaucoup moins efficace pour nous amener vers l’épingle. Cette portion du circuit est légèrement en montée, et garder l’intérieur permet de profiter de l’adhérence de la piste. La ligne droite qui suit est plutôt courte, avant le prochain virage, mais une bonne accélération peut permettre un dépassement juste avant le freinage de la première chicane.

Cela dit, les précautions sont de mise. Cette chicane est un virage qui ne pardonne absolument pas. D’ailleurs, en 1980, Jean-Pierre Jabouille s’était fracturé les deux jambes lors d’un accident dans ce virage. Pour garder le rythme dans cette courbe, la fin du freinage doit se faire tout en douceur, d’autant plus que la courbe est en descente. Par conséquent, une mauvaise trajectoire peut entraîner une très mauvaise sortie… Si cela se produit ? C’est le mur qui nous attend, rien de moins.

Or, on n’est pas au bout de nos défis puisqu’on se retrouvera par la suite au virage no 5, que l’on surnomme le virage Panis, du nom du pilote Olivier Panis qui y a subi un grave accident en 1997. C’est le virage le plus rapide et le plus dangereux du circuit, notamment du fait qu’il est assez long et que si une voiture s’y retrouve en difficulté, la vision est nulle et l’espace y est très restreint. À la fin de ce virage, il est par ailleurs bien important de ne pas laisser la voiture aller trop large, car il faut savoir bien se placer pour entrer dans une portion qui nécessite une grande technique, celle des virages 6 et 7.

PHOTO FOURNIE PAR GROUPE À L’INFINI

Le pilote Bertrand Godin

On se retrouve alors face à un enchaînement très important, à savoir que la première portion doit être sacrifiée afin de pouvoir accélérer le plus tôt possible dans la deuxième portion qui, elle, est légèrement en montée. Bien négociée, elle peut toutefois nous procurer un avantage considérable en ligne droite et nous permettre de dépasser au freinage de la chicane du pont de la Concorde.

Il faut faire attention.

Celui qui connaît bien le circuit sait que bien que la tentation de freiner tardivement soit grande, garder le rythme dans la chicane demeure primordial pour permettre au pilote d’accélérer en laissant sa voiture aller suffisamment large pour bénéficier de la motricité qui nous permettra d’atteindre les 300 km/h dans l’épingle du pont Jacques-Cartier. À cet endroit, le freinage est tardif et offre une occasion de dépassement incroyable.

Pour y arriver, il est cependant impératif de rester sur la trajectoire intérieure dans le virage, car sortir de la zone adhérente rallongera le temps de positionnement et empêchera l’accélération. Dans cette situation, il sera impossible au pilote d’atteindre les 340 km/h sur la ligne droite du Casino de Montréal, juste avant le freinage de la dernière chicane qui, elle aussi, est un endroit parfait pour dépasser. La précision du freinage est ici cruciale. Il importe de le retarder au maximum, et ce, tout en gardant la vitesse dans l’enchaînement.

Mais encore, il y a un autre enjeu de taille dans cette portion du circuit, un enjeu de courage cette fois pour oser aller caresser le mur en sortie du virage, un endroit où plusieurs l’ont carrément embrassé, causant de lourds dégâts à leur voiture.

Vous l’aurez compris, le circuit Gilles-Villeneuve est un circuit qui nous offre toujours un spectacle magique, et ce, pour les spectateurs comme pour les pilotes. Voilà pourquoi les pilotes ont toujours hâte de venir courir à Montréal et pourquoi ils y reviennent année après année. Et voilà aussi pourquoi les spectateurs peuvent s’attendre à y vivre des émotions fortes… Allez, bon Grand Prix, tout le monde !