(Manille, Philippines) Comme il y a eu un avant et un après Steve Nash pour le programme de basketball sénior canadien, les 12 joueurs présents à la Coupe du monde de basketball de Manille viennent de cristalliser leur place dans l’histoire de ce sport au pays.

Bon, ce n’est pas la « Dream Team » de Barcelone, encore considérée comme la meilleure équipe de basketball de tous les temps, que le Canada a vaincue 127-118 dimanche à Manille pour le bronze, mais les Américains ont tellement de talent qu’ils restent toujours dangereux. Et, justement, il y a une grande leçon à apprendre ici : on ne bâtit pas une équipe qu’avec du talent. L’expérience et l’intangible « chimie » se bâtissent avec les répétitions, avec le temps.

Quel moment ! Un départ tonitruant de l’unifolié, aidé par une substantielle production de huit points du Québécois Luguentz Dort dans le premier quart, un aréna qui vibre à chaque panier marqué et la bataille des Amériques remportée en prolongation par le Canada après un retour de l’arrière in extremis des adversaires.

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Tyrese Haliburton, Jalen Brunson et Anthony Edwards après la défaite des leurs

Finalement, une première médaille acquise en Coupe du monde et le Canada qui ajoute les États-Unis à ses trophées de chasse, malgré le fait que l’effectif de ceux-ci ne comportait que des joueurs de la NBA à son bord.

« Quelque chose qui va perdurer »

Ce qui saute donc aux yeux lorsqu’on analyse les deux équipes finalistes du tournoi remporté par l’Allemagne (que le Canada a d’ailleurs battue il y a trois semaines en match préparatoire), c’est bien sûr qu’elles sont portées par quelques stars de la NBA, certes, mais surtout que leurs joueurs évoluent ensemble depuis plusieurs années, depuis leur tendre enfance dans certains cas.

C’est un peu la carence que le Canada a tenté de pallier en demandant l’adhésion de son effectif pendant trois ans. Pendant ce temps, les Américains envoyaient des joueurs de la G-League pour se qualifier pour cette Coupe et n’ont formé l’équipe finale qu’un mois avant l’évènement. Cela montre bien jusqu’où va la profondeur de leur bassin de talents, mais aussi qu’il est difficile d’obtenir l’adhésion sur la durée de joueurs devenus de véritables PME pour des évènements dont la valeur n’est pas toujours évidente à leurs yeux.

Cette adhésion des joueurs de l’unifolié à un but commun et cette médaille à la clé représentent des bases tangibles sur lesquelles le programme pourra se bâtir et inspirer les générations qui suivent. « C’est le début de quelque chose qui va perdurer », a relevé l’entraîneur Jordi Fernandez en point de presse après la victoire des siens.

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Dillon Brooks (24)

« On le fait pour tous les Canadiens, il n’y a pas plus grande fierté pour moi que de porter ce chandail », a ajouté le joueur défensif du tournoi, Dillon Brooks, que la foule s’est amusée à huer chaque fois qu’il touchait au ballon à Manille. L’athlète de Mississauga, qui épouse son personnage de vilain, a pulvérisé le record du nombre de points inscrits dans un match de Coupe ayant une médaille à l’enjeu en y allant d’une production de 39 points.

Et s’ils étaient tous réunis à Paris ?

C’est d’ores et déjà l’effectif de basketball le plus talentueux à avoir jamais foulé un parquet pour le pays, mais il y aura fort à faire si les Canadiens veulent « remporter l’or aux Jeux olympiques » comme le clamait le leader Shai Gilgeous-Alexander après le match. Plusieurs pays privés de leurs meilleurs éléments en Asie pourront compter sur eux l’été prochain en France. Les États-Unis, qui avaient un effectif B ici, pourront vraisemblablement compter sur les LeBron James, Kevin Durant, Jayson Tatum et autres superstars de la ligue, les puissants Serbes sur le joueur le plus utile de la dernière finale NBA, Nikola Jokić, et les Grecs, sur le dominant Giánnis Antetokoúnmpo…

Qu’en est-il des Canadiens ?

D’autres joueurs voudront se joindre à nous, mais ces gars nous ont permis d’obtenir une médaille. Bien sûr, ils devront se battre pour garder leur poste, mais nous croyons en la loyauté, nous voulons bâtir un bon programme et si ce n’est pas de cette façon que l’on agit, ça n’a aucun sens.

Jordi Fernandez, entraîneur-chef du Canada

Le noyau de cette équipe est solide : Shai Gilgeous-Alexander est la tête du dragon canadien, il a déjà une chimie avec le garde québécois et expert défensif Luguentz Dort ainsi qu’avec son cousin Nickeil Alexander-Walker, qu’il trouve sans même regarder dans sa direction sur le terrain. Dillon Brooks a prouvé sa réputation défensive et doit rester. RJ Barrett a bien joué les seconds violons offensifs, mais Jamal Murray serait plus en mesure de remplir ce rôle sur un cinq partant. Le garde québécois Bennedict Mathurin, véritable dynamo offensive qui avait d’ailleurs démontré son intérêt à se joindre à l’équipe, aurait pu aider lorsque Gilgeous-Alexander était gardé de trop près. Sous le panier, Dwight Powell et Kelly Olynyk ont bien fait, mais ont manqué d’appui. Brandon Clarke, blessé cet été, et Andrew Wiggins, qui attendait la qualification olympique pour se joindre à l’effectif, pourraient venir en renfort. On pourrait aussi être tenté de faire appel au Québécois Chris Boucher pour sa taille et sa polyvalence.

C’est une équipe au sens propre que l’on a vue évoluer à Manille, une équipe qui passera à l’histoire comme la version canadienne du « Dream Team ».