(Québec) Le premier ministre François Legault s’est dit ouvert mardi à financer la construction d’un stade de baseball à Montréal, pourvu que le retour d’une équipe se traduise par des retombées intéressantes. Cela dit, les réactions à cette ouverture du gouvernement restent mitigées.

M. Legault a fait cette sortie lors d’une conférence de presse, mardi après-midi, alors que le dossier du retour du baseball majeur dans la métropole refait surface. Lundi, Claridge, société d’investissement de l’homme d’affaires Stephen Bronfman, s’est inscrite au Registre des lobbyistes du Québec afin de pouvoir discuter avec le gouvernement d’une « contribution financière » de Québec pour un stade de baseball.

Questionné à ce sujet, François Legault a rappelé la stratégie de son gouvernement de miser sur l’attribution de « prêts pardonnables » à des entreprises, c'est-à-dire des prêts qui peuvent se transformer en subventions si les investissements permettent de créer des emplois ou de générer des revenus supplémentaires pour l’État.

« Si, demain matin, il y avait une équipe de baseball au Québec, il y aurait des joueurs qui paieraient des impôts au Québec, des impôts qu’on n’aurait pas si on n’avait pas d’équipe de baseball, a-t-il expliqué. Si on prend une partie de ces revenus d’impôt là et qu’on les donne à une entreprise qui nous amène cette entreprise-là, tout le monde est gagnant. Ce [dont] il faut s’assurer, c’est que le Québec va recevoir plus de retombées, donc d’entrées fiscales réelles, que le montant d’aide qui serait donné à une entreprise. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault

Il y a plusieurs gens d’affaires bien connus qui sont derrière ce projet-là. Il n’y a pas seulement M. Bronfman.

François Legault, premier ministre du Québec

Appelée à réagir, la Ville de Montréal est restée prudente, indiquant simplement qu’elle attendrait « plus de détails de la part du gouvernement » avant de faire d’autres commentaires. En mars dernier, la mairesse Valérie Plante avait monté le ton envers le promoteur Stephen Bronfman et ses associés. « Il faut qu’ils nous montrent quelque chose absolument. Sinon, on jase, mais on jase de quoi ? », avait-elle dit. L’entreprise de M. Bronfman, de son côté, n’avait pas donné suite à nos demandes au moment de publier.

Les partis de l’opposition réagissent

À l’Assemblée nationale, les partis de l’opposition n’ont pas tardé à réagir. « Ça va être difficile, dans le contexte de pandémie, de penser que c’est là que l’argent des contribuables devrait aller. On se retrouve avec des demandes qui explosent, avec des enjeux dans nos garderies, avec nos entrepreneurs. On a des enjeux de violence conjugale, on a des enjeux de santé mentale », a dit la cheffe libérale Dominique Anglade, alors que chez les péquistes, le chef Paul St-Pierre Plamondon s’est aussi montré critique.

Est-ce que j’aime le baseball ? Est-ce que j’aimerais voir le retour des Expos ? Définitivement. Mais il y a un ordre de priorité à respecter si on veut garder le respect de la population qui souffre de la crise.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le député solidaire et porte-parole en matière de finances Vincent Marissal n’a pas non plus mâché ses mots. « Quand les gens meurent par milliers dans les CHSLD mal foutus, je ne suis pas sûr qu’on devrait investir de l’argent public dans les stades de baseball, mais ça, c’est un éditorial de ma part. On a vu aussi le Centre Vidéotron ici, qui n’est pas très loin, qu’on voit de la colline », a-t-il martelé.

De tous les points de vue

Pour le directeur général de Baseball Québec, Maxime Lamarche, le raisonnement de François Legault est « logique ». « Personne n’est prêt à faire un chèque en blanc à aucune organisation. Il faut que les fans de baseball et la population y trouvent leur compte », avance-t-il.

« Je pense sincèrement que le groupe de M. Bronfman veut faire un legs à la Ville, avec un projet vraiment rassembleur. Ce ne serait pas juste pour aller voir des millionnaires jouer à la balle. Ils veulent créer un écosystème qui aura des impacts économiques au-delà des gens qui gravitent autour », affirme M. Lamarche.

Mais au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la porte-parole Véronique Laflamme n’est pas du même avis. « L’éventualité même que Québec considère financer le projet de stade alors que le quartier Pointe-Saint-Charles, adjacent au bassin Peel, subit les effets de la spéculation immobilière et un processus de gentrification accéléré, serait d’ajouter l’insulte à l’injure », fustige-t-elle.

Elle affirme que le milieu communautaire est déjà mobilisé depuis plusieurs mois contre la construction du stade, « avec une proposition sérieuse de quartier pour le redéveloppement de ce secteur ». « Au lieu de financer le stade, Québec devrait financer le grand chantier de logements sociaux pour permettre aux locataires du secteur de demeurer dans leurs milieux », soutient Mme Laflamme.