La tête sur l'épaule de sa grand-mère, les cheveux ébouriffés, il sortait d'un long entraînement à la piscine du centre Claude-Robillard. Ses yeux embrouillés d'adolescent qui cherche le sommeil se sont allumés quand on a commencé à parler de plongeon.

Alexandre Despatie avait 15 ans en août 2000. Cinq pieds sept pouces, 140 livres, il priait pour que sa poussée de croissance achève. J'avais devant moi l'athlète qui marquerait la décennie sportive au Québec.

 

Il y a le palmarès, mais il y a surtout la façon. Cet extraordinaire esprit de compétiteur. Cette capacité à déclencher un improbable ressort quand tout semble perdu. Sans psychologue, par sa seule force de caractère.

L'exemple le plus marquant est cette double victoire aux Mondiaux FINA de Montréal, à l'été 2005. Il revenait d'une blessure, l'événement avait été sauvé in extremis, le directeur général s'était suicidé. Alexandre, le porte-parole, avait sauvé le show devant 5000 spectateurs qui avaient payé cher leur billet. En dépit de son jeune âge, on ne compte plus les blessures: le cou et le dos, qui lui ont fait abandonner la tour prématurément, le pied fracturé quatre mois avant les Jeux olympiques de Pékin.

Il y a aussi eu cette frayeur à l'Université Laval, quand sa tête a frappé la plateforme.

Alexandre Despatie a su durer dans un sport où les carrières sont généralement courtes. Il s'est démarqué dans une discipline dominée par le pays le plus populeux de la planète, où la sélection et le développement sont érigés en système. Son système à lui, ce fut le valeureux club CAMO et son leader, Michel Larouche, probablement l'entraîneur de la décennie. Ce dernier a déjà souligné que son talentueux élève avait aussi contribué à donner une image virile à un sport parfois mal perçu.

Le printemps dernier, j'ai retrouvé Alexandre Despatie pour une entrevue sur la terrasse d'un restaurant. En 10 ans, il n'a pas beaucoup changé, à part les lunettes fumées et la BMW commanditée. Malgré les doutes et quelques égarements, sa passion pour le plongeon et la compétition est toujours intacte, sinon renforcée. Il pensait déjà aux prochains Jeux olympiques de Londres.