Elles en ont marre des préjugés. De s’empêcher de faire du sport par peur. De se demander si le gilet de sauvetage sera assez grand, s’il y aura un harnais de la bonne taille ou si la planche à pagaie tiendra le coup. Alors elles sont allées chercher des réponses. Elles ont créé Toutoune journée, une minisérie qui sera diffusée sur Tou.tv en 2024.

L’animatrice et écrivaine Guylaine Guay se souvient des cours d’éducation physique qui la « tétanisaient ». L’humoriste Mélanie Couture se rappelle le regard que lui a lancé un moniteur de ski quand, à l’adolescence, elle a dû lui dire son poids pour avoir les bonnes fixations. La chanteuse et actrice Mélissa Bédard a en mémoire ces journées à la fête foraine avec ses enfants, où « tu ne sais jamais si le manège va être fait pour [toi] ».

Elles ont donc décidé de briser les barrières. D’essayer. De faire du sport sans avoir comme objectif de perdre du poids. Sans penser au regard d’autrui. Pour le plaisir.

On veut juste s’amuser, nous autres aussi, viarge ! Ç’a l’air le fun, le paddleboard. On peut-tu l’essayer sans avoir l’impression qu’il va dégonfler ?

Mélanie Couture, idéatrice de la série Toutoune journée

Dans le cadre d’une série de huit épisodes qui seront diffusés sur Tou.tv à l’hiver 2024, les trois acolytes ont essayé une panoplie de sports, de la boxe à l’escalade, en passant par le yoga, le pole dance… même le cheerleading, note Mélissa Bédard.

« Écoute, j’étais en haut de la pyramide ! C’est possible ! s’exclame la chanteuse. J’ai braillé ma vie. »

« Quand j’étais petite fille, tout ce qu’on montrait à la télé, c’était un sport de bitch, de beaux corps. La grosse, s’il y en avait une, jouait toujours le rôle de celle qui allait être grosse et maigrir à la fin ou elle allait manger… J’ai été énormément surprise. »

Lors de leurs découvertes sportives, les trois femmes ont posé toutes leurs questions aux organisateurs et entraîneurs ; le but étant de savoir si le sport en question est adapté ou adaptable aux différents corps.

« J’ai eu peur dans toutes les activités, avoue Guylaine Guay. Les glissades d’eau, j’avais la chienne comme jamais. Je ne suis pas habituée de me laisser aller. Mon gros corps, en vieillissant, il est moins souple. La ménopause, tout ça… Je suis plus raide que j’étais, mais juste de le faire, ça me réjouit. Ça me remplit de joie, ce projet-là. C’est de redécouvrir le plaisir de bouger pour soi et non pour maigrir. »

Les messages

La Presse a pu assister au tournage d’un épisode de Toutoune journée, le 17 juillet, au Milan Pole Dance Studio. Entre les murs du studio, il n’y a ni compétition ni comparaison. Seulement du plaisir, des apprentissages… et des fous rires !

Il fallait voir Mélissa Bédard quitter le champ de la caméra, incapable d’arrêter de rire après une blague d’une de ses collègues. Blague qui s’écrit plus ou moins dans un journal, pardonnez-nous.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le tournage d’un épisode de Toutoune journée sur le pole dancing

Quand l’une ou l’autre des participantes parvient à faire un mouvement sur sa barre verticale, on la félicite et on l’applaudit avec entrain. « Bravo, Guylou ! », s’exclame Mélissa après que Guylaine, bandeau rose sur la tête et longs bas roses aux jambes, a réussi un exercice.

« On vient toutes pour nous-mêmes, pour le fun, pour se célébrer, dit la professeure Annie Roy. Je ne sens pas le jugement des autres personnes. Moi, ça m’a vraiment libérée. »

Avec Toutoune journée, une idée originale de Mélanie Couture et Christine Morency – on entendra seulement la voix de cette dernière dans la série –, différents messages sont lancés.

« Les personnes qui sont grosses, ce que je veux qu’elles retiennent, c’est que tu peux aller bouger sans avoir l’objectif de perdre du poids, explique Mélanie Couture. Tu peux aller bouger pour t’amuser, parce que ça te tente juste d’essayer quelque chose de nouveau. Il faut s’enlever de la tête qu’on le fait pour changer notre corps. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Mélissa Bédard, Guylaine Guay et Mélanie Couture

Autrement dit, l’idée est de « déconstruire » l’association trop longtemps véhiculée voulant qu’activité sportive égale perte de poids.

« C’est de montrer qu’on peut aller le faire dans le plaisir, en gang et qu’on ne veut pas changer notre corps », continue l’humoriste.

« C’est juste de dire aux personnes avec un corps gros : fais-le. Essaie-le », dit Guylaine Guay.

Un grain de sable

Mélanie Couture, Mélissa Bédard et Guylaine Guay s’entendent pour dire qu’un bout de chemin a déjà été parcouru en matière de lutte contre la grossophobie, notamment grâce aux réseaux sociaux qui ont donné accès à « plus de filles qui, elles non plus, n’avaient plus envie de se cacher », dixit Couture.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le tournage d’un épisode de Toutoune journée sur la danse à la barre verticale (pole dancing).

« Tristement, je suis au courant qu’il y a encore beaucoup trop de jeunes filles qui ont des troubles alimentaires dans l’espoir de pouvoir garder un corps d’adolescente longtemps », déplore néanmoins l’humoriste.

Il y a quelque chose sur la glorification de rester mince qui est, en fait, le penchant de ne pas être grosse.

Mélanie Couture

« J’aimerais que dans le futur, on arrête de faire l’amalgame que gros égale pas en santé. Que gros égale pas désirable. Que gros égale pas heureux. Parce que c’est tout ça qu’on essaie de nous coller à la peau. Toutes ces étiquettes-là, elles n’existent pas. »

Avec Toutoune journée, les trois complices tentent de faire avancer les choses en ce sens.

« Je sais que ça va peut-être être un petit grain de sable dans un beau carré de sable, mais je me dis que c’est à force de mettre des grains de sable qu’à un moment donné, on va avoir une photo », résume Mélanie Couture.

Au sujet du titre

« On voulait mettre un genre de grain de soleil dans le titre, explique Mélanie Couture. Toutoune, ce n’est pas négatif ni positif. […] On est très conscientes que tous les noms possibles sont utilisés pour nous appeler, pour ne pas dire le mot grosse, parce qu’il est encore pire dans la tête des gens. On se fait appeler rondes, enrobées, en courbe, taille plus, tout ce que tu voudras. Mais dire le mot grosse, c’est comme le mot interdit, alors que c’est juste un adjectif. Toi, tu as décidé qu’être une grosse personne, c’est négatif. Peu importe quel titre je vais prendre, tu vas quand même avoir une idée négative de qui je suis. Tant qu’à ça, on va se réapproprier le titre. On va le prendre, le mot grosse. On va l’utiliser. Après ça, personne ne va pouvoir nous attaquer avec un mot qu’on a nous-mêmes décidé de se réapproprier. »