Trois ans après son départ à l’Université de Miami, la plongeuse Mia Vallée participera à une première compétition à la maison dans le cadre de la Coupe du monde de Montréal, de vendredi à dimanche. En plus d’être titulaire d’un diplôme en biologie marine, elle est vice-championne mondiale au 3 m et médaillée d’or aux Jeux du Commonwealth. « Team Mia » est prête à l’accueillir…

Mia Vallée était dans sa bulle, imperméable à l’évolution du classement depuis le début de cette finale au tremplin de 3 m des Championnats du monde de Budapest, l’été dernier.

Quelques jours plus tôt, la plongeuse de Beaconsfield avait remporté le bronze au 1 m, confirmant les espoirs qu’elle entretenait dans cette spécialité.

Au 3 m, épreuve olympique, elle visait une finale, ce qu’elle avait déjà accompli en terminant quatrième des demis la veille.

Elle pointait maintenant au troisième rang avant son cinquième et ultime essai en finale. En préparation de son saut d’appel, elle a lissé ses cheveux vers l’arrière et épongé sa tresse une dernière fois, le visage impassible. Elle a bondi jusqu’à l’extrémité de la planche avant de se propulser vers un double saut périlleux et demi avant avec une vrille.

« Pas parfait, mais le pointage devrait être assez bon, a jugé le descripteur britannique. Les Canadiens dans les gradins aiment ça. »

Il parlait de la « Team Mia ». T-shirt rouge floqué du nom de leur favorite, drapeaux canadiens au bout des bras, parents, chum, amis se faisaient remarquer même s’ils n’étaient qu’une demi-douzaine.

« Qu’est-ce qu’ils ont à s’énerver comme ça ? », s’est demandé Mia Vallée en les voyant. Eux savaient : avec trois compétitrices encore en lice, elle était déjà assurée d’une médaille.

La principale intéressée a mis un peu plus de temps à le comprendre, jusqu’à ce qu’une officielle lui ordonne de vite se changer pour la cérémonie du podium…

« Que voulez-vous dire ? Comme… tout de suite ? Il restait encore les deux dernières plongeuses. J’ai couru vers le podium. J’ai presque pleuré parce que ça m’a pris jusqu’au moment d’y monter pour réaliser ce que j’avais fait. »

Les succès

Vallée s’est faufilée entre deux Chinoises pour remporter la médaille d’argent au 3 m, une première depuis le bronze de la nouvelle retraitée Jennifer Abel en 2017.

Du même coup, elle est devenue la première plongeuse canadienne de l’histoire à grimper deux fois sur le podium dans une épreuve individuelle dans une même présentation des Mondiaux. Chez les hommes, Alexandre Despatie a gagné deux fois l’or à Montréal en 2005.

Un mois plus tard, Mia Vallée a poursuivi sur sa lancée en décrochant trois médailles aux Jeux du Commonwealth de Birmingham : l’or au 1 m et le bronze au 3 m et au 3 m synchro avec l’Albertaine Margo Erlam.

J’ai pu bien performer toute l’année parce que j’ai été capable de ne pas penser au stress. J’étais un peu une négligée en commençant la saison. Cette absence de stress m’a aidée.

Mia Vallée

L’athlète de 22 ans s’est empressée de manger son lunch en cinq minutes pour pouvoir prendre l’appel de La Presse au milieu d’un brouhaha sur le campus de l’Université de Miami.

Elle sortait d’un examen et devait étudier pour celui du lendemain en mathématiques. Dimanche, elle avait une autre évaluation et remettait sa thèse finale pour l’obtention de son baccalauréat en biologie marine. Elle y travaille depuis un an et demi. Le sujet : la résilience d’une barrière de corail au large de l’île de Guam, territoire américain dans l’océan Pacifique.

Théoriquement, Vallée aurait passé ces derniers examens cette semaine en vue de sa collation des grades le 12 mai. Mais elle a réaménagé son horaire pour pouvoir participer à un autre évènement très spécial : la Coupe du monde de plongeon de Montréal, deuxième de trois étapes d’un nouveau circuit mis de l’avant par World Aquatics, la fédération internationale anciennement connue sous le nom de FINA.

La compétition se déroulera de vendredi à dimanche à la piscine du Parc olympique. Une « Team Mia » élargie y sera pour encourager la double médaillée mondiale. Au total, ils seront une trentaine : grands-parents, oncles et tantes, cousins, cousines…

« Certains ne m’ont jamais vue plonger », s’est enthousiasmée Vallée, qui n’a pas concouru dans sa province natale depuis cinq ans. « Je n’aurai jamais eu autant de soutien dans une compétition. Ça va être une sensation différente ! »

Athlète et étudiante

Formée au club de Pointe-Claire, Mia Vallée s’est distinguée sur la scène internationale en terminant sixième au 3 m aux Mondiaux juniors de 2016. Un an plus tard, elle a pris une pause de six mois pour s’offrir un « pas de recul » sur son sport. Elle aime mieux garder pour elle les détails de cette période difficile.

« J’aurais préféré ne pas vivre cela en tant que personne, mais je pense que c’est l’une des meilleures choses qui me soient arrivées. Sans ça, je ne serais pas ici à Miami, avec mon équipe et mon entraîneur Randy [Ableman], en train d’étudier la matière que j’adore. »

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR PLONGEON CANADA

Mia Vallée et Randy Ableman

Cette pause de plongeon à la fin de l’adolescence lui a fait réaliser qu’elle avait le droit de suivre les traces de certains collègues dans le système universitaire américain. « J’étais vraiment envieuse et je savais que c’était mal vu de partir aux États-Unis. »

Elle avait un peu fait une croix sur des ambitions olympiques qui, de toute façon, ne représentaient pas un absolu pour elle.

« L’école va toujours être la chose la plus importante. C’est le seul aspect de ma vie que je peux pleinement contrôler. J’ai toujours été bonne à l’école. Je ne dis pas que ce n’est pas difficile, mais ce n’est pas stressant. J’ai la motivation et l’organisation pour le faire. C’est très simple, mais difficile. »

Je sais comment trouver l’équilibre entre les études et le sport.

Mia Vallée

Son plus grand dilemme était le suivant : « Est-ce que je veux vraiment faire du plongeon ou je veux avoir une vie sociale ? C’est la question que je me suis posée plusieurs fois. »

A-t-elle trouvé la réponse ? « Moyennement… J’ai essayé de faire de mon mieux chaque jour à l’entraînement et en compétition. Mais dans ma tête, c’était : si je ne fais pas les Jeux olympiques, je ne fais pas les Jeux olympiques. »

Maintenant qu’une participation aux Jeux de Paris en 2024 est très réaliste, la vice-championne mondiale conserve la même attitude.

« Si un plongeon n’est pas parfait, je ne me dis pas : “Ah non, ce ne sera pas assez pour les Jeux.” C’est plutôt : “Je vais essayer de faire mieux la prochaine fois.” Honnêtement, ça fait vraiment la différence. Je me suis toujours dit : les Jeux olympiques, c’est deux semaines de ta vie. C’est une expérience comme une autre. À mon avis, ce sont les expériences que tu vis chaque jour qui sont importantes. »

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR PLONGEON CANADA

Mia Vallée en action

Mia Vallée vivra un autre moment exaltant cette fin de semaine à Montréal, alors qu’elle s’alignera au 3 m et au 3 m synchro pour la première fois avec Pamela Ware. Après une saison plus compliquée sur le circuit de la NCAA, elle a repris confiance grâce à une fructueuse période d’entraînement dans le dernier mois et demi.

« Je pense que j’étais seulement fatiguée. La saison collégiale a repris à la fin de septembre et on voyage aux quatre coins des États-Unis. Là, j’ai pu me concentrer sur mes études et des détails à l’entraînement. Je me sens un peu plus comme je l’étais aux Championnats du monde. »

La semaine prochaine, ses parents l’accompagneront pour sa remise de diplôme à Miami, où elle poursuivra son parcours puisqu’elle a été admise à la maîtrise. Elle poussera plus loin ses recherches sur les coraux de Guam et, après une pause d’un an en vue de sa préparation olympique, portera les couleurs des Hurricanes pour une dernière saison en 2024 et 2025.

À l’origine d’une vocation

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR PLONGEON CANADA

Mia Vallée

Mia Vallée attribue sa fascination pour la biologie marine aux vacances familiales annuelles dans les îles Vierges, qui remontent à sa petite enfance.

« On n’allait pas là pour bronzer au soleil ! On faisait de l’apnée pour observer les poissons et la vie marine. Ma mère adore les sciences. Elle a fait sa maîtrise en écologie des forêts. On avait un petit livre avec tous les poissons des Caraïbes. Avec mes parents, on essayait de les repérer dans l’eau et de comprendre pourquoi ils ressemblaient à ça. On apprenait plein de choses. C’est vraiment comme ça que mon adoration pour la vie marine s’est développée quand j’étais petite. »

Même si elle a moins le temps en raison de ses études, Vallée passe toujours quelques jours avec sa famille aux îles Vierges durant le congé de l’Action de grâce américaine.

Diplômée de l’une des universités les plus réputées dans la biologie marine, la plongeuse offre cette réponse quand on lui demande si elle songe à poursuivre des recherches au Québec : « Je suis un peu gâtée par le soleil ici ! Ça va me prendre quelques années avant de venir sauter dans les eaux glacées du fleuve Saint-Laurent… »