Il est plus commun de parler des légendes au passé. Pourtant, Ellie Black est meilleure que jamais. Portée par son expérience, elle envisage l’avenir avec le sourire, parce que c’est ce qu’elle sait faire le mieux.

Il commence à peine à neiger sur Halifax. Il fait froid, mais les flocons refusent de rester au sol au moment de l’appel d’Ellie Black, pile à l’heure prévue. La gymnaste est revenue de Liverpool, en Angleterre, quelques jours auparavant.

Elle prenait part à ses septièmes Championnats du monde, où elle a remporté une médaille d’argent à la poutre. Elle a surtout aidé le Canada à se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris 2024 à l’épreuve par équipe grâce à une médaille de bronze, une première dans l’histoire du pays.

On ne pensait pas être en mesure de se battre pour une médaille et obtenir le bronze. C’est phénoménal, parce qu’on a écrit l’histoire en se qualifiant pour Paris 2024. C’était inattendu, mais on est très excitées.

Ellie Black

Ellie Black, 27 ans, est habituée de négocier avec l’inattendu. Personne n’aurait parié qu’une athlète de la Nouvelle-Écosse, qui compte à peine un million d’habitants, deviendrait la plus grande gymnaste de l’histoire du Canada. Personne n’aurait parié qu’une athlète s’étant déchiré des ligaments de la cheville en 2019 en plus de subir une entorse au même endroit pendant les Jeux olympiques en 2021, arrivant quand même juste au pied du podium, reviendrait plus forte.

Personne, sauf elle. En plus de ses deux médailles, elle a aussi terminé quatrième à la table de saut et cinquième au concours multiple. « Je suis fière d’avoir tenu le coup », précise-t-elle.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ELLIE BLACK

L’équipe canadienne de gymnastique a remporté le bronze aux derniers Championnats du monde.

L’équipe d’abord

Le discours d’Ellie Black se traduit rarement à la première personne du singulier. La notion d’équipe est ancrée en elle. À la manière dont elle parle de ses coéquipières, il est facile de comprendre pourquoi son leadership transcende ses performances. Elle était entourée de recrues aux Mondiaux et l’équipe s’est quand même qualifiée pour les Jeux olympiques.

« Je fais de mon mieux pour les conseiller. Je veux que mes coéquipières soient à l’aise et sûres d’elles pour qu’elles puissent apprécier et chérir leur expérience. »

Elle parvient à trouver un équilibre entre son rôle de leader et la nécessité de performer. Elle est la seule de l’équipe nationale à devoir assumer ces deux missions. « J’ai toujours mis énormément de pression sur mes épaules. Je veux toujours bien faire pour l’équipe. L’important est de savoir qu’on fait de son mieux », explique-t-elle.

Durant les compétitions, il n’est pas rare de voir Black aller auprès de ses coéquipières, s’agenouiller et discuter. En posant ses mains sur leurs cuisses ou en leur tenant la main. Toujours avec le sourire. Sa présence est rassurante et ses performances sont épatantes. « On est tellement concentrées chaque jour sur ce qu’on a à accomplir. Parfois, il faut prendre un pas de recul et être conscientes de nos fabuleux accomplissements et à quel point le Canada est fier de nous. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Ellie Black

De Londres à Paris

La Haligonienne n’avait que 16 ans lorsqu’elle a participé à ses premiers Jeux olympiques, à Londres. Elle avait réécrit le livre des records de l’olympisme canadien grâce à des résultats historiques.

À Paris, elle en sera à ses quatrièmes Jeux olympiques. Un immense exploit considérant à quel point les carrières sont courtes en gymnastique.

J’ai toujours su que je voulais rester dans ce sport le plus longtemps possible pour voir ce que je pouvais accomplir avec notre équipe. Je veux que notre équipe puisse montrer au monde entier ce qu’on est capables de faire.

Ellie Black

Pour se maintenir dans la forme de sa vie chaque année, Black privilégie la qualité à la quantité. À son âge et avec son historique de blessures, la surcharge est à éviter. « Je deviens plus sûre de moi avec le temps. Il faut juste être intelligent et adapter l’entraînement en fonction de mes besoins. C’est ce qui sera le plus bénéfique. »

Elle insiste aussi sur la satisfaction d’avoir perduré comme athlète, malgré tout. « Oh mon Dieu, je suis si fière ! J’ai traversé tellement d’épreuves. » Surtout, elle est fière de la femme qu’elle est devenue.

Il lui reste peut-être moins de temps qu’il lui en restait pour finalement décrocher sa médaille olympique, mais elle persiste à croire que l’avenir est prometteur. « Ce n’est pas parce qu’on vieillit qu’on doit arrêter. Si on est passionné et qu’on a toujours la flamme, pourquoi pas ? C’est fantastique et je suis chanceuse », dit-elle humblement.

De Halifax au sommet de son art, la gymnaste regarde en avant avec ambition et enthousiasme. Un tas de choses auraient pu la rattraper, mais elle est toujours là. Quelque part sur une poutre, entre deux barres ou auprès d’une coéquipière, Ellie Black sourit.