« Quand j’étais un sportif à temps plein, concentré sur ma carrière, j’avais quand même des œillères. » Mais depuis, Philippe Marquis a été frappé par la réalité des changements climatiques.

« Je suis rendu à 32 ans, souligne-t-il à La Presse, au bout du fil. À un moment donné, nos préoccupations changent. […] Au fil des ans, avec un peu plus d’éducation et de maturité, on s’ouvre un peu plus à notre environnement. »

Le skieur acrobatique, retraité depuis 2019, est depuis trois ans installé à Vail, au Colorado. Il y est entraîneur au prestigieux centre de ski homonyme.

C’est justement après sa journée de travail que Philippe Marquis répond à l’appel du représentant du quotidien montréalais. L’olympien canadien s’est récemment associé à l’organisme EcoAthletes, qui cherche à inspirer une nouvelle génération de sportifs à prendre la parole pour combattre les changements climatiques. Sujet propice au Jour de la Terre s’il en est un.

Visitez le site de l'organisme EcoAthletes (en anglais)

Entouré des Rocheuses du Colorado, le skieur de bosses est le premier témoin des effets des changements climatiques. Il parle de « l’augmentation des incendies de forêt », des « glissements de terrain » qui surviennent plus tôt dans l’année, d’un « cercle vicieux de problématiques ».

« Et ça, c’est juste après avoir vécu les trois dernières années dans les montagnes Rocheuses et dans ce climat-ci », précise-t-il.

Mais Philippe Marquis est aussi « conscient » d’avoir laissé une « empreinte carbone élevée » lors de sa carrière d’athlète. C’est ce qui arrive lorsqu’on prend part au circuit de la Coupe du monde, voyageant aux quatre coins du monde pour participer à ses compétitions.

J’avais commencé à le voir sur les glaciers. On concourait un peu plus sur de la neige artificielle que par le passé. Tu te mets à additionner tous ces éléments-là et tu te rends compte que notre période d’identification à reconnaître que nous sommes dans une crise s’essouffle. Les actions doivent être faites le plus rapidement possible avant qu’il ne soit trop tard.

Philippe Marquis

Il sait aussi que ce rythme de vie ne peut se réformer en un claquement de doigts.

« On a tous nos vies, nos problèmes, nos petits caprices, convient-il. Mais je pense qu’il y a quand même des petites actions [que l’on peut faire]. Ça n’a pas besoin d’être une révolution. D’un point de vue individuel, du moins. »

Et il cite « deux gros points » à analyser de plus près.

« Le premier, c’est l’éducation. S’assurer que les athlètes sont conscients de leur empreinte carbone, de leur impact sur la nature, l’environnement. »

À ce chapitre, Marquis prêche par l’exemple avec les jeunes qu’il entraîne. « Quand on part en camp d’entraînement, on sait qu’on prend peut-être l’avion, qu’on couvre de grandes distances en auto. »

Mais il y a moyen de compenser en faisant attention au « gaspillage alimentaire », à la « production de déchets », ou à la consommation en général, estime-t-il notamment. Et, aussi, en en parlant.

« Je peux être un bon leader, un modèle pour mon équipe. Ça crée des discussions. Eux en parlent dans leur famille. Ton organisation prend conscience de ce que tu fais. »

« Un projet d’avenir »

Il faut aussi repenser la façon dont on tient les évènements sportifs.

Ils doivent, selon Marquis, être organisés « dans un cadre plus environnemental, plus durable, avec une empreinte carbone net zéro ».

Le ski au sens large est une discipline extérieure nécessitant bien souvent de la neige artificielle, dont la production est particulièrement énergivore. On lui donne en exemple l’image des installations des Jeux olympiques de Pékin et de leurs structures enneigées en plein milieu d’une ville industrielle.

Mais les changements nécessaires vont au-delà de cet aspect que l’on remarque plus « en surface », selon Marquis.

Tout le côté transport, le côté nourriture, le côté infrastructures, comment elles seront utilisées et réutilisées. Ce sont tous des points qui sont peut-être moins mis en lumière, mais qui font partie de l’ensemble de l’œuvre.

Philippe Marquis

« C’est un projet d’avenir qui doit être fait », fait-il valoir.

Engagé sur plusieurs plans

Au fur et à mesure que la plateforme de Philippe Marquis prenait de l’ampleur, notamment avec ses participations olympiques, « c’est devenu plus important d’avoir une voix ».

Et en tant qu’« adepte de la nature » qui est « dehors au quotidien », il s’est rendu compte qu’il était affecté « directement » par son environnement.

« De fil en aiguille, j’ai essayé d’être plus éduqué, de m’entourer de gens qui connaissent un peu plus ça. […] Le fait de m’affilier à certaines causes et organisations comme celle-là, ça fait en sorte que je m’entoure d’une communauté qui partage la même vision que moi. C’est très motivant et inspirant. Ça me donne une éducation que je n’ai peut-être pas eue sur les bancs d’école. »

Philippe Marquis fait aussi partie de l’alliance des athlètes de Protect Our Winters Canada, un autre organisme visant à protéger la santé du climat canadien. Il agit en plus à titre de premier dirigeant au sein de la Commission des athlètes du Comité olympique canadien (COC). Le skieur se sert de ses nouvelles connaissances pour tenter de changer les choses comme il le peut.

« Ça commence tranquillement, indique-t-il. Le COC a commencé à emboîter le pas depuis quelques années. »

« Je ne connais pas l’étendue des actions qu’il a faites, ajoute Marquis. Mais si le Canada va de l’avant avec son projet d’accueillir les Jeux olympiques en 2030, il pourra utiliser ça comme un moment inspirant et un pilier de ses fondations. »