(Puvirnituq) Dimanche soir, dans le gymnase de l’école secondaire de Puvirnituq. Une vingtaine de jeunes de 14 à 19 ans sont réunis pour jouer au volleyball. De la musique joue à tue-tête. Sur le terrain, un joueur détonne. Ses mouvements sont parfaitement contrôlés. Il semble toujours bien positionné, et ses passes sont à point. Surtout : il dépasse tous les autres de deux bonnes têtes.

Passeur dans l’équipe nationale de volleyball depuis 2011, Tyler James (TJ) Sanders est installé depuis le début de la pandémie dans le petit village de Puvirnituq sur la côte de la Baie-d’Hudson.

L’athlète de 30 ans est directeur technique du programme Nunavik Volleyball. Créé par le Québécois Philippe Paradis en 2016, le programme vise à permettre aux jeunes du Nunavik d’avoir accès au sport. « On a voulu donner des occasions aux jeunes de vivre des expériences de sports organisés comme au Sud », explique M. Paradis.

Mais plus encore, le programme vise à utiliser le volleyball comme outil d’intervention psychosociale. Le Nunavik est frappé de plein fouet par plusieurs problèmes sociaux.

On offre un safe space aux jeunes ici. On utilise le sport comme moyen de contrer plusieurs problématiques qu’ils vivent dans leur quotidien. On fait beaucoup de prévention. On aborde des sujets avec eux comme les traumatismes intergénérationnels, la violence, le consentement…

TJ Sanders

Athlètes talentueux

L’un après l’autre, les jeunes faisaient leur entrée le sourire aux lèvres à l’école de Puvirnituq le soir du passage de La Presse, à la mi-mars. Après avoir retiré leurs immenses bottes d’hiver à l’entrée, un geste de respect ici, plusieurs enfilaient des espadrilles avant de s’élancer au gymnase. D’autres jouaient pieds nus. Mais tous souriaient.

Sur le terrain, TJ Sanders et sa conjointe, Kyjsa Brkich, s’amusaient fermement. « Les jeunes qu’on voit sont passionnés. Il y a beaucoup d’athlètes talentueux ici », dit Mme Brkich, qui est aussi coordonnatrice du programme Nunavik Volleyball.

Si les jeunes bénéficient du programme, TJ Sanders dit profiter lui aussi grandement de l’expérience qui a « changé sa façon de voir le volleyball ».

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

TJ Sanders

« J’ai joué longtemps professionnellement en Europe : aux Pays-Bas, en Pologne, en Suisse, en Turquie… J’avais des horaires ridicules. Les gens autour de moi ne parlaient pas ma langue. C’était parfois difficile. Il y avait de la pression. Les joueurs pouvaient être fâchés ou déçus après les matchs difficiles. Mais ici, le volleyball devient autre chose… », dit-il.

En temps normal, c’est-à-dire avant la COVID-19, TJ Sanders et sa conjointe se rendaient en alternance durant l’année dans chaque communauté du Nunavik (plus précisément dans les 12 villages participants) pour y donner des camps de formation d’une semaine. Des tournois étaient aussi organisés un peu partout durant l’année.

Mais avec la pandémie, les déplacements ont été plus limités. TJ Sanders et Kyjsa Brkich se sont établis de façon permanente à Puvirnituq. La communauté étant en pénurie de professeurs, TJ Sanders a été invité à enseigner l’anglais et les sciences sociales.

Une équipe régionale est aussi en place depuis des années grâce à Nunavik Volleyball. Une quinzaine de joueurs, chez les garçons et chez les filles, en font partie. Une fois par année, ces équipes se rendent dans le Sud pour disputer un tournoi.

À l’été, l’équipe des filles prendra part aux Jeux du Québec, explique TJ Sanders. Les garçons iront quant à eux assister au tournoi de la Nations League qui aura lieu à Ottawa. « Ils vont s’entraîner le jour et iront voir les matchs le soir. On essaye aussi de leur organiser un tournoi pendant qu’on sera là », explique TJ Sanders.

Selon l’athlète olympique, ces séjours sont particulièrement formateurs pour les jeunes. « Dans le Sud, c’est “nous contre le monde entier ». On crée des liens solides. C’est toute une expérience », dit-il.

Du côté personnel, la dernière compétition d’importance de TJ Sanders aura été aux Jeux olympiques de Tokyo. Toujours membre de l’équipe nationale, il n’écarte pas la possibilité de prendre part aux Jeux olympiques de Paris. Mais pour l’instant, il concentre ses énergies sur ses jeunes athlètes. « En habitant ici, on les voit partout. On fait partie de leur vie. C’est vraiment quelque chose », dit-il.