Au début de la pandémie, en 2020, Olivia Baril a pris la décision de partir en Europe pour réaliser son rêve : devenir cycliste professionnelle.

D’un commun accord avec son chum Charles-Étienne Chrétien, lui aussi cycliste, ils ont cessé l’entraînement pour travailler tout l’été. Lui en construction, elle en ostéopathie. L’idée était de subvenir à leurs besoins pendant leur première année à l’étranger.

Olivia a choisi la destination : Saint-Sébastien, dans le Pays basque espagnol. L’année précédente, la double championne canadienne U23 était tombée amoureuse de l’endroit lors d’un voyage de fin de saison avec des coéquipières de la formation québécoise Macogep.

L’athlète de Rouyn-Noranda a pu poursuivre ses études en ostéopathie en espagnol dans une école locale. Pour le vélo, elle a trouvé un contrat avec l’équipe continentale Massi-Tactic, pour laquelle évoluait déjà sa compatriote Gabrielle Pilote Fortin.

Elle est très mal tombée.

C’était extrêmement difficile. Je n’ai même pas de mots pour décrire ce que j’ai vécu. C’était traumatisant, honnêtement.

Olivia Baril

« Manipulation », chantage pour les sélections, portions de salaire impayées, promesses non tenues, « faux tests PCR » pour les participations aux courses : les doléances d’Olivia Baril sont longues. « Pour les camps d’entraînement, il fallait qu’on s’entraîne sept, huit heures par jour. Il n’y a personne qui fait ça dans le monde ! »

Écœurée, Baril a voulu « arrêter de faire du vélo ». « Je souffrais tellement en dehors du vélo que je n’avais plus envie de souffrir en course. »

La cycliste de 24 ans dit avoir signalé ces mauvaises pratiques à l’UCI, qui lui a demandé de formuler une plainte détaillée écrite. « Ça prend beaucoup d’énergie mentale de revivre tout ça. J’avais juste envie de passer à autre chose. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @TWILCHA

Olivia Baril lors d’une compétition

Se faire remarquer

Malgré ce contexte difficile, elle s’est fait remarquer dans une échappée à la classique San Sebastian, une épreuve WorldTour où elle s’est finalement classée 21e. Le lendemain, elle a reçu un message Instagram du directeur sportif de l’équipe italienne Valcar-Travel & Service, Davide Arzeni. Celui-ci était activement à la recherche d’une grimpeuse.

Très surprise de cet intérêt d’une formation presque 100 % italienne, pour laquelle courait la future championne mondiale Elisa Balsamo, Olivia Baril a demandé un peu de temps pour réfléchir. Trois semaines plus tard, non seulement Arzeni était toujours intéressé, mais il avait aussi bonifié son offre salariale et acceptait les conditions de la Québécoise : l’assurance d’une participation au Tour de France, au Giro et au Tour du Pays basque, son grand objectif du mois prochain.

« C’est tellement un bon directeur sportif, s’est réjouie Baril, jointe lundi à Saint-Sébastien. Mes mauvais résultats de l’an dernier, je les mets sur la faute de Massi-Tactic. Je n’étais pas heureuse. Quand tu n’es pas heureuse, c’est dur de faire des résultats. Lui a quand même vu quelque chose en moi et il s’est dit : “Je vais l’aider.” »

Accueillie « à bras ouverts » par ses nouvelles coéquipières italiennes, qui lui ont appris les rudiments de la langue, elle rayonne depuis le début de la saison.

Elles sont tellement relaxes et détendues. Elles rient tout le temps, mais vraiment tout le temps. Je n’ai jamais eu autant de fun depuis mes années juniors.

Olivia Baril

Elles prennent cependant les courses au sérieux. Et n’hésitent pas à inciter la recrue à exploiter son talent.

« Elles voient que je suis forte physiquement, mais ça ne se reflète pas dans mes résultats. Elles me poussent vraiment beaucoup, elles me disent : “Il faut que tu veuilles gagner.” »

Pour régler ce qu’elle décrit comme des « lacunes mentales », elle travaille maintenant avec une préparatrice mentale. « Par rapport à l’année passée, je suis beaucoup plus capable de creuser dans mes réserves en course. »

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Olivia Baril lors d’une compétition

Dans les dernières semaines, Olivia Baril a découvert les classiques flandriennes et ses monts pavés. Pendant la reconnaissance des routes du Tour des Flandres, elle s’est dit : « Oh, c’est horrible, cette course-là, pourquoi ça existe ! »

Dimanche dernier, la Canadienne de Valcar, encouragée par son directeur sportif, a pourtant passé la journée en échappée au Ronde, franchissant quelque 120 km en tête de course. Ses coéquipières n’ont pas été en mesure de concrétiser – Silvia Persico a fini 11e –, mais Baril a vraiment pris plaisir à rouler au milieu de milliers de partisans.

« J’ai tellement envie de donner à cette équipe à cause de la confiance qu’elle me procure. Ça ne me dérange pas d’avoir souffert pendant trois heures et demie dans une échappée presque en solitaire. Ça me fait plaisir et je le ferais encore et encore. »

Olivia Baril aura l’occasion de s’y remettre dès dimanche dans le cadre de l’Amstel Gold Race, une autre épreuve du WorldTour disputée aux Pays-Bas.

De l’eau à la route

Olivia Baril a nagé à temps plein jusqu’au cégep. Après sa participation à un ou deux triathlons durant l’été, l’équipe cycliste junior IAMGOLD (aujourd’hui Subway) l’a invitée à se joindre à elle. L’adolescente de 16 ans a sauté dans l’aventure sans trop réfléchir. Pendant deux ans, elle a mené les deux sports de front. « J’avais du talent [pour le cyclisme], mais j’étais moins adroite que les autres qui avaient fait des jeux d’habileté plus jeunes. Mon apprentissage a été plus long un peu. Descendre les cols, rouler en peloton, c’est technique, ce n’est pas facile. »

Coach et chum

Jugeant que ses anciens coachs ne la mettaient pas assez au défi, Baril a demandé à son copain Charles-Étienne Chrétien de l’entraîner l’an dernier. Il a d’abord refusé avant d’accepter… à l’insistance de sa blonde ! « Il est la seule personne qui sait vraiment le nombre de watts que je peux pousser, ça marche vraiment bien », a-t-elle assuré. Ex-champion canadien junior, Chrétien, 22 ans, évolue actuellement pour Premier Tech U23 Cycling Project, formation québécoise continentale installée dans la région de Paris. Le mois dernier, le natif d’Amos a pris le neuvième rang du Tour de Normandie (2,2).

Boilard s’illustre

Simone Boilard s’est aussi illustrée en Flandres cette semaine : la cycliste de Québec a pris part à une échappée d’une centaine de kilomètres au deuxième Grand Prix de l’Escaut féminin, mercredi, dans la région d’Anvers. Les fuyardes ont été reprises à moins de 10 km de l’arrivée sous l’impulsion de l’équipe DSM de la vainqueure Lorena Wiebes. Membre de la formation française St Michel-Auber93, Boilard a franchi la ligne au 36rang, à 10 secondes de la gagnante. « C’était assurément une de mes plus dures journées de vélo à vie », a confié l’athlète de 21 ans, qui a signé une première victoire aux Boucles de Seine-et-Marne, le mois dernier. Le 17 avril, Boilard sera du départ du deuxième Paris-Roubaix féminin, dont elle a reconnu les secteurs pavés.