Son chum et son père ont « essayé fort » de convaincre Meaghan Benfeito de poursuivre sa carrière de plongeuse. Allez, trois petites années jusqu’aux Jeux olympiques de Paris en 2024… « Ils aiment tellement me voir plonger. »

D’un autre côté, sa mère comprenait l’usure qu’elle pouvait ressentir après 25 années dans le sport, les 17 dernières au plus haut niveau.

« Elle savait à quel point j’avais mal au corps, que j’étais fatiguée physiquement et mentalement. »

Au téléphone, mercredi matin, Benfeito était manifestement sereine de tirer un trait sur le sport de haut niveau. Elle venait de se confier au micro de sa meilleure amie Roseline Filion, chroniqueuse aux sports à Tout un matin, l’émission matinale d’ICI Radio-Canada Première.

L’entrevue s’est déroulée à l’image de son parcours : dans la bonne humeur, avec un grand sourire. Benfeito n’a craqué (un peu) qu’à la fin, quand Filion l’a félicitée.

« Il n’y a qu’elle pour me faire pleurer ! », a lancé Benfeito après la fin de l’émission. Assise à ses côtés, Filion riait.

« Elle comprend ce que je vis. Je suis vraiment en paix avec ma décision. Je suis fière de mon parcours, de ma carrière, de ce que j’ai accompli. C’est pour ça que je suis capable de ne pas pleurer, de rire. J’ai assez pleuré durant ma carrière ! »

Les deux dernières années ont été particulièrement difficiles avec la pandémie, l’incendie de son condo, une blessure chronique à un coude, la mort de ses deux grands-mères et d’un grand-père.

À quatre semaines du début des Jeux olympiques de Tokyo, sa nouvelle partenaire de synchro Caeli McKay s’est déchiré des ligaments dans une cheville. Le duo canadien a terminé au pied du podium.

Quelques jours plus tard, Benfeito a manqué la finale individuelle à la plateforme par un seul rang. En pleurs, elle avait refusé de spéculer sur son avenir immédiat et la possibilité de disputer une dernière saison.

Elle avait vu Alexandre Despatie et Émilie Heymans se retirer avant elle. Et surtout Roseline Filion, qui a tiré sa révérence après les Jeux de Rio, où la paire canadienne a remporté le bronze. Sa complice de toujours lui a donné un seul conseil : surtout, ne te presse pas.

Décision réfléchie

Benfeito a donc attendu le dévoilement de l’équipe nationale et les championnats canadiens disputés cette fin de semaine en Saskatchewan pour annoncer sa décision mûrement réfléchie.

« Comme tout athlète, on ne veut pas terminer sur une mauvaise note. Je voulais une finale aux Jeux, je voulais une médaille. Mais c’était important de prendre le temps pour savoir exactement ce que je voulais. Puis les principales compétitions ont été reportées ou annulées. L’entraînement ne me manquait pas tant que ça. »

J’ai fait le tour de ce que j’avais à accomplir. C’était vraiment le temps pour moi d’accrocher mon maillot.

Meaghan Benfeito

Même si elle plongeait pratiquement à temps plein depuis un quart de siècle, Benfeito ne saute pas dans le vide. Depuis janvier, elle est éducatrice dans un centre de la petite enfance avec sa petite sœur Chelsea. Celle-ci a une jumelle, Alicia, qui travaille dans un autre CPE.

« Mes sœurs sont bien excitées par ma retraite ! Parce que le prochain objectif, le prochain rêve, est d’ouvrir une garderie en milieu familial à trois. On travaille là-dessus. »

Participante à quatre présentations des Jeux olympiques, Benfeito y a remporté trois médailles de bronze. Seule Heymans, qui a été une inspiration, a fait mieux au Canada avec quatre podiums. Médaillée individuelle à Rio, son plus haut fait d’armes, la Montréalaise sera associée pour toujours à Roseline Filion, avec qui elle s’est fait connaître en gagnant le bronze aux Championnats du monde de Montréal en 2005.

Benfeito part, mais elle ne sera jamais bien loin du plongeon. L’an dernier, elle a donné un coup de main au club de Regina, où son copain Alexandre Dupuis jouait au football pour les Roughriders de la Saskatchewan.

Elle a adoré son expérience, mais elle ne deviendra jamais entraîneuse : « J’aime le plongeon, c’était ma passion, mais j’avais de la misère à en regarder. Tout me faisait peur ! »

Sans se voir comme une mentore, elle souhaite offrir ses conseils aux athlètes de la prochaine génération.

« Simplement être là pour eux, leur montrer que des rêves, ça se réalise quand tu travailles. Ça va être difficile, tu vas pleurer, tu vas avoir mal, mais la journée où tu réalises ton rêve, tout ça vaut la peine. »

Surtout quand on garde le sourire.

En rafale

Ville préférée ?

Ville, Barcelone, pays, l’Australie. Barcelone à cause de la vue incroyable depuis la piscine. L’Australie parce qu’il fait beau et chaud et tout le monde est incroyablement gentil là-bas !

La plus belle piscine ?

Celle du Stade olympique.

Un plongeon que tu pourrais refaire les yeux fermés ?

J’y ai pensé il n’y a pas longtemps ! Le trois et demi avant, le 107B.

Un plongeon que tu ne referais jamais ?

Il y en a deux : le trois et demi retourné et le trois et demi arrière. Plus jamais !

Un plongeur ou une plongeuse que tu admires particulièrement ?

Melissa Wu, de l’Australie. J’ai grandi avec elle. Je la connais depuis 2004, 2005. C’est une femme déterminée. Elle a ouvert son gym. Elle fait plein de choses à l’extérieur du plongeon. C’est le fun de pouvoir jaser avec quelqu’un à l’extérieur des compétitions.

Une chose que tu ne pouvais pas te permettre pendant ta carrière et que tu seras particulièrement heureuse de faire ?

Manger des chips. Plus souvent qu’avant !

Ce dont tu t’ennuieras le plus ?

De la gang, mon équipe.

Ce dont tu t’ennuieras le moins ?

Plonger ! Faire des listes cinq fois par jour au 10 m.

Un moment comique ?

On a ri pendant toute ma carrière. Impossible de nommer une seule chose.

Le moment marquant ?

La médaille de bronze en 2005 avec Roseline.

Le moment le plus difficile ?

Les deux ans de pandémie. Le feu, les confinements, la blessure de Caeli.

Une personne marquante ?

Roseline.

Un conseil que tu donnerais à une jeune plongeuse ?

De croire en ses rêves, tout simplement.

Ce qui distingue quelqu’un qui est physiquement doué comme Meaghan, c’est sa capacité accrue à compétitionner, et c’est ce que nous avons vu à maintes reprises chez Meaghan. Sa contribution à notre sport est incommensurable. Elle a démontré à tous le pouvoir de la concentration et de la détermination en période de grande adversité. Quand rien ne semblait aller dans son sens, elle était capable de renverser la vapeur et de remporter des victoires, alors que personne ne pensait que c’était possible. La persévérance de Meaghan tout au long de sa longue carrière a inspiré d’innombrables jeunes athlètes. Elle est une véritable héroïne du plongeon.

Le directeur technique de Plongeon Canada, Mitch Geller, dans un communiqué