L’année après avoir pris sa retraite du hockey professionnel, Bruno Gervais s’est tourné vers le coaching d’une équipe pee-wee AAA. Son objectif ? Redonner aux jeunes. Ç’a finalement été « une douche froide », raconte-t-il. « J’étais devenu un psychologue sportif. »

« J’ai découvert tout ce qu’était la pression, ce qui était derrière, relate l’ancien joueur de la LNH et analyste à RDS. […] Ce qui passait à travers la tête de ces joueurs-là, je me disais : ben voyons donc ! »

Rempli de bonne volonté, Gervais a donc commencé à mettre sur pied une conférence pour aider les parents d’athlètes. Cette année-là, en 2019, il a aussi pris part à la téléréalité canadienne Battle of the Blades, dans laquelle des hockeyeurs font équipe avec des patineurs artistiques pour participer à une compétition de danse sur glace au profit d’œuvres de charité.

C’est là, en pleine séance de patinage, que Gervais a fait la connaissance de Sheldon Kennedy, celui qui a dénoncé les abus sexuels dont il a été victime lorsqu’il jouait au niveau junior. Kennedy est aussi le cofondateur du Groupe Respect, une entreprise qui offre, depuis plus de 20 ans, des formations en ligne sur l’intimidation, les abus, le harcèlement, la discrimination et, évidemment, le respect.

Un monde qu’il pensait connaître

Gervais en a profité pour parler de son expérience d’entraîneur avec Kennedy, qui l’a mis au courant de la formation destinée aux parents offerte par son organisme. Le Québécois, intrigué et intéressé, a finalement suivi une à une chacune des formations.

« [Sheldon Kennedy] m’a ouvert sur un monde que je pensais que je connaissais, dit-il. Mais je ne connaissais vraiment que la pointe de l’iceberg. »

PHOTO FOURNIE PAR LA CBC

En 2019, Sheldon Kennedy a remporté la téléréalité Battle of the Blades avec sa partenaire Kaitlyn Weaver. C’est lors du tournage de cette émission que Bruno Gervais a été initié aux conférences du Groupe Respect, pour lequel il travaille aujourd’hui.

Le natif de Saint-Hilaire se décrit comme un « gars de relations humaines », qui aime rencontrer et découvrir les gens. Il s’est rapidement proposé pour rejoindre le Groupe Respect, duquel il est désormais le directeur des relations partenaires. Il s’est découvert là une nouvelle passion, mais surtout, une nouvelle mission.

« Le but, c’est d’ouvrir la conversation » sur le respect. Un concept à la fois si simple, mais si compliqué…

Communiquer et trouver des solutions

Bruno Gervais n’a jamais vécu de harcèlement ou d’abus, au hockey comme dans sa vie professionnelle. Et c’est, étrangement, un peu pour ça qu’il travaille aujourd’hui avec le Groupe Respect.

« Je réalise deux fois plus la chance que j’ai, dit-il. C’est tellement répandu. J’ai eu un papa qui, quand je sortais de mes matchs, me disait : “As-tu donné tout ce que tu as ? As-tu eu du plaisir ?” C’étaient ses deux seules questions et, parfois, il n’écoutait même pas ma réponse parce que c’était pour moi-même. Je n’ai jamais, de ma vie, eu une once de pression. »

J’ai eu des entraîneurs un peu plus demandants, mais en gros, j’ai été super chanceux.

Bruno Gervais

« J’ai toujours été placé dans des situations positives. Puis là, tu réalises que plein de gens racontent des histoires complètement différentes. Je vois l’impact que ça a eu sur leur vie. Il y en a qui sortent de là détruits par leur sport, par les relations qu’ils ont eues », ajoute-t-il.

Le harcèlement est fréquent, dans le sport comme dans la vie. On ne parle pas ici seulement de harcèlement sexuel, mais aussi de harcèlement psychologique, conscient ou inconscient.

« Il y en a pour qui c’est très dur parce qu’ils ont bûché fort pour se rendre là et ils disent : “Écoutez ce que je dis, ça marche de même.” Mais ce n’est plus ça, ça ne marchera pas. En plus, on est dans une position où il manque de monde, de personnel. Si tu veux le garder, il faut qu’il se sente bien chez vous. C’est là qu’il va y avoir de la performance. Mais comment tu t’y prends ? »

« Je vais reprendre ce que Martin St-Louis dit, et c’est quelque chose que j’apprends à mes enfants dans la vie : s’il y a quelque chose, on en parle et on trouve des solutions. Ce n’est pas de montrer du doigt et de dire : “Dehors.” Ce n’est pas en mettant du monde dehors que tu vas continuer à avancer. C’est en trouvant des solutions. »

Pour faire grandir toutes les organisations

Dans la foulée de l’affaire Kyle Beach, la LNH s’est entendue, au début de décembre, sur un partenariat avec le Groupe Respect. Toutes les équipes recevront la formation sur le respect au travail.

En entrevue avec La Presse, le 3 mars, la vice-présidente à l’engagement communautaire du Canadien de Montréal, Geneviève Paquette, a souligné que tous les joueurs, le personnel du département hockey et de soutien ainsi que les employés de bureau du Tricolore suivraient ladite formation. Une décision prise notamment à la suite de la sélection par le Canadien du défenseur Logan Mailloux, reconnu coupable par la justice suédoise d’avoir photographié, sans son consentement, sa partenaire sexuelle, d’avoir distribué la photo et révélé l’identité de la jeune femme à ses coéquipiers.

La formation « ne vient pas résoudre tous les problèmes du monde », prévient Gervais, mais « ça vient mettre un standard, ouvrir des conversations ».

« Ce que j’adore de l’approche de Geneviève [Paquette], c’est que ce n’est pas juste pour le faire grandir lui [Logan Mailloux] ou les jeunes, ajoute l’ancien des Islanders de New York. C’est pour faire grandir toute son organisation. Elle prend cette occasion-là pour faire un pas en avant là-dessus. C’est juste du positif. »